Pierre

Mille

 
 

Choisy-le-Roi, 1864

Paris, 1941

 

Pierre Mille fut l'un des écrivains et journalistes parmi les plus éminents de son époque.

Il a marqué toute une partie de la pensée coloniale française.

Né à Choisy-le-Roi en 1864, Pierre Mille, après de brillantes études, est d'abord clerc d'avoué, mais cette profession sédentaire ne pouvait satisfaire son goût des aventures lointaines, aussi part-il pour Madagascar en 1896, comme chef de cabinet du secrétaire général

Il participe ensuite à diverses missions en Afrique équatoriale et occidentale, puis parcourt le monde comme correspondant du Temps, du Journal des Débats, de la Revue des deux mondes, et de la Revue de Paris. Il est correspondant de guerre, durant le conflit gréco-turc de la Campagne d'avril­mai 1897, puis également correspondant du Temps en 1914-1918.

 On lui doit une cinquantaine d'ouvrages. Journaliste, sociologue, annaliste, romancier, il a beaucoup produit et dans tous les genres. Il fut un écrivain de race dont le style pittoresque et coloré, avait, à l'occasion, de magnifiques envolées poétiques. La plupart de ses livres concernent l'Outre-mer :

Madagascar, Afrique, Inde, Indochine. Mais, c'est la Tunisie qui occupe dans sa pensée littéraire une place très importante. C'est en effet le premier pays de la France d'outre-mer qu'il ait connu. Son frère y possédant un domaine agricole dans la région du Cap Bon, il y était allé plusieurs fois de 1887 à 1896. Après la guerre de 1914, il retourna à plusieurs reprises dans la Régence, où il fit, sous les auspices de la Société des Écrivains de l'Afrique du Nord, des conférences substantielles, en particulier celle qui rendit un hommage magnifique à l'œuvre accomplie par Paul Bourde(1) qu'il tira en quelque sorte d'une ombre ingrate.

C'est par la Tunisie qu'il a pu comprendre, à une époque où bien peu encore pensaient ainsi, qu'il y avait dans les colonies bien autre chose que matière à exotisme romantique. Il s'intéresse à la psychologie du colon et à ses contacts avec l'indigène. Il décrit dans ses livres la vie dure, mais belle et féconde, du colon français qui, par son travail et sa ténacité, a transformé des terres incultes et sauvages en une Beauce toute neuve. Défenseur des fruits du sol que les hommes de la brousse, avec une peine infinie ont fait mûrir au soleil, défenseur des conquêtes de l'esprit, Pierre Mille le fut au plus haut degré, rétablissant la "vérité coloniale" lorsqu'elle était odieusement travestie.

L'œuvre des administrateurs, des médecins, des missionnaires, fut, par sa plume, justifiée. Les romanciers de la glèbe, les poètes français d'outre-mer, eux, lui doivent pour la plupart, leur audience auprès du public de la métropole. C'est lui qui, le premier, salua à Paris Cagayous de Musette, et les Poèmes d'un Maudit de Marius Scalési(2). Il apporta son soutien à bien d'autres écrivains coloniaux en préfaçant leurs livres et en exaltant leurs talents.

Ceux qui aimaient surtout en lui le conteur amusant, l'humoriste fécond en paradoxes cocasses, devaient néanmoins reconnaître qu'en abordant les questions coloniales, Pierre Mille devenait un tout autre homme. Aucun des problèmes coloniaux ne lui échappait et il savait, lui, le rieur impénitent, les saisir par le biais le plus sérieux. Il avait de la grandeur de l'Empire et de la mission de la France, dans ses possessions lointaines la plus haute idée et la plus noble compréhension. Il savait défendre la cause coloniale avec une éloquence persuasive où passait toute la flamme d'un patriotisme ardent. Peu conformiste, toujours trop gai et maladroit avec les puissants, il n'était pas de ceux qui quémandent les suffrages. Il n'appartint jamais à l'Académie Française.

Il fut, en 1926, parmi les membres fondateurs de l'association des Écrivains coloniaux dont il assura la présidence de 1933 à 1936. Membre fondateur de l'Académie des Sciences d'Outre-mer, il en fut le président durant l'année 1933-1934, succédant dans cette fonction au Maréchal Lyautey. A ce titre il prononça le 21 février 1934 l'éloge funèbre du roi Albert 1er de Belgique.

Il présida aussi le jury du Prix de Littérature coloniale aux côtés notamment de Jérôme et Jean Tharaud(3) André Demaison, Louis Bertrand(4). L'influence de ce jury, sous la présidence de Pierre Mille, permit de cautionner des écrivains de valeur,

Le prix Pierre Mille, instauré après sa mort par le Syndicat de la Presse Française d'Outre-mer, a été pérennisé. Destiné à récompenser le meilleur reportage écrit en langue française, quelque soit la nationalité de l'auteur, il est décerné chaque année à un journaliste ou reporter, qui s'est particulièrement distingué outre-mer. Citons parmi les plus récents: Martine de Laroche-joubert, Marine Jacquemin, François Luizet.

Pierre Mille avait épousé l'artiste, sculpteur et peintre, Yvonne Serruys. Sa fille, Clara Candiani a été une célèbre journaliste de l'O.RTF. Dans son salon du quai Bourbon, il réunissait, le samedi après-midi, ses amis, auxquels il offrait un vin d'orange assez alcoolisé que l'on appelait du Pierre Mille. Extraordinaire conteur, voyageur impénitent, il préparait à l'avance beaucoup de ses articles. Dans l'intimité, il était le plus accueillant des hommes.

Ainsi que l'a décrit José Germain: "Pierre Mille était un Parisien que le monde entier avait ébloui. Son âme vagabonde l'avait poussé vers l'exploration des continents et la prospection des races. Il découvrait, pour les Français ignorants et alors casaniers, tout notre Empire. Il leur révélait son incomparable richesse et son attachement à la métropole".

Bloqué à Paris lors de l'avance allemande, Pierre Mille fut bouleversé par l'événement. Le froid la faim, les difficultés matérielles s'ajoutant au chagrin devaient ébranler la santé d'un homme de soixante-dix-sept ans, atteint d'une pneumonie. Il meurt à Paris le 12 janvier 1941.

Bien que, depuis longtemps, son activité physique fût réduite, il avait conservé toute sa vivacité d'esprit et il a exercé jusqu'au bout ce métier de journaliste où il excellait et qu'il a pratiqué avec une scrupuleuse exactitude pendant toute sa vie.

 

Odette Goinard
sur documentation d'Yvonne Dumas-Pellegrin

 

 

1 Voir la biographie de Paul Bourde dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 4.

2 Voir la biographie de Marius Scalési dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 10.

3 Voir la biographie de Jérôme et Jean Tharaud dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 10.

4 Voir la biographie de Louis Bertrand dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 8.

 

 

Parmi ses œuvres :

 

Les plus connues sont:

* Barnavaux et quelques femmes, 1908.

* La biche écrasée, 1910.

* Louise et Barnavaux, 1912.

* Le Monarque, 1914.

 

et celles se rapportant plus spécialement à l'Afrique du Nord :

 

* Le diable au Sahara, 1925.

* L'Afrique du Nord, 1927.

* Au Maroc chez les fils de l'ombre et du soleil, 1931

 

Nous tenons une liste plus complète de ses œuvres à la disposition de nos adhérents.

 

 

Bibliographie :

 

* La Kahéna XXIé année Janvier-Février 1941 Nol. Article d'Arthur Pellegrin consacré à Pierre Mille.

* Hommes et Destins. Académie des Sciences d'outre-mer, Tome 1 , p. 442-443, R. Cornevin et Tome VI p. 291.

* Voici la France de ce mois Mars 1941, N° 13 La littérature de l'Empire et Pierre Mille article de Maurice Martin du Gard.

 

Articles consacrés à Pierre Mille :

 

* Gouverneur Henri Bobichon : Un grand écrivain colonial, Pierre Mille . La vie, juillet 1938, p. 181.

* André Thérèse : Pierre Mille un prince du journalisme Le Matin, 15 janvier 1941.

* RP Jalabert SJ : Pierre Mille. Les voix françaises. 28 février 1941.

* José Germain Un Français dans le monde. Les nouveaux temps. 9 février 1942 ..

* Clara Candiani-Mille : Pierre Mille est mort il y a trente ans. France Culture, 17 juin 1971.

 

 

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