Louis

Bertrand

 
 

Spincourt (Moselle) 1866
Antibes, 1941

 

Dans le voisinage de ses héros, Homère, Pindare, Théocrite, Louis Bertrand a retrouvé ceux qu'il côtoyait: rouliers, marins, bouviers et chevriers africains. Il a su faire vivre ces personnages pittoresques et familiers à travers ses romans.

"Je suis Lorrain ... Nous autres Lorrains ... " Voilà des expressions que les familiers de Louis Bertrand ont certainement bien souvent entendues de sa bouche. Elles apparaissent aussi sous sa plume. Et pourtant c'est bien en Algérie qu'il trouva son épanouissement. Né à Spincourt en Moselle, le 20 mars 1866, il fut élève de l'Ecole normale supérieure et professeur aux lycées d'Aix-en-Provence et de Bourg-en-Bresse. Le 1er octobre 1891 il est professeur de rhétorique au lycée Bugeaud d'Alger.

Bertrand avait déjà découvert le soleil en Provence. Il arrive en Afrique du Nord le cœur en fête, en réaction contre les brumes du nord et la mentalité étriquée de la bureaucratie de la France bourgeoise de cette époque. Il va être saisi par la Méditerranée et le peuple nouveau qui s'installait sur cette rive .

"Ce que j'aperçus d'abord en Algérie", dira-t-il, "ce fut le labeur silencieux de la terre, les hommes qui la défrichaient, qui asséchaient les plaines marécageuses, qui semaient le blé, qui plantaient la vigne, qui bâtissaient des fermes, des villas, des villes entières, et qui s'acharnaient à ce labeur souvent ingrat, en dépit des hiboux qui en prédisaient l'inutilité, malgré l'insouciance ou la malveillance de la métropole, malgré les années de sécheresse et de mévente, où l'on était obligé de lâcher dans le ruisseau des flots de ce vin invendu qui avait tant coûté. Tout un peuple vivant de peu, aux mœurs rudes, aux costumes et aux langages colorés, s'obstinait à ce travail de fouisseurs et de fertiliseurs, comme s'il faisait cela uniquement pour la gloire. Véritable mêlée cosmopolite de mercenaires, de colons, de trafiquants de toute sorte, ce sont eux que j'aperçus d'abord, quand je cherchai l'Algérie vivante, active, celle de l'avenir."

Il visite l'Algérie: Médéa, Ain-Oussera avec les rouliers. Il découvre Tipasa avec son ami Stéphane Gsell et va jusqu'à Laghouat en 1895. Il est fasciné par les ruines romaines de Timgad.

Pénétré des classiques latins et grecs, il lui apparaît que l'Afrique française est purement et simplement la continuation de l'Afrique latine ancienne et que nous ne faisons que retrouver notre héritage, c'est à dire "une province perdue de la Latinité". Pour lui, l'Afrique du Nord, pays sans unité ethnique, pays de passage et de migrations perpétuelles, était destinée par sa position géographique à subir l'influence et l'autorité de l'Occident latin, l'Arabe ne lui ayant apporté que la misère, l'anarchie et la barbarie. Il a été le premier à introduire l'idée d'une Afrique latine toute contemporaine dans la littérature romanesque.

Homme de gauche convaincu dans sa jeunesse (et défenseur particulièrement courageux du capitaine Dreyfus), il retrouve la foi de son enfance à Bethléem en 1905. C'est alors qu'il imagine le rôle que la religion catholique pourrait jouer dans le renouveau d'une Afrique du Nord, retournée à ses racines latines grâce à la colonisation française.

Louis Bertrand a beaucoup écrit : quinze romans, seize ouvrages de voyages, d'histoire, et des essais, ainsi que deux ouvrages de critique. Il a été influencé avant tout par Gustave Flaubert. "C'est Salammbô qui m'a conduit en Afrique, j'étais tout obsédé de son image lorsque j'y arrivai" écrit-il. Ses premiers romans algériens et méditerranéens sont très situés au milieu du petit peuple des faubourgs (Bab-el-Oued). Il a décrit avec un grand talent les passions de ce mélange de races et de sangs, de cette plèbe méditerranéenne.

On pourra lui reprocher d'avoir exclu de ses livres la très grande partie des autres habitants de l'Algérie, Arabes et Kabyles, contrairement aux écrivains voyageurs qui l'avaient précédé (comme par exemple Dumas et Fromentin). Mais il a largement participé par son œuvre algérienne à l'émancipation littéraire de l'Algérie. Son idée d'Afrique latine fut adoptée par plusieurs de ses contemporains, dont le Docteur Trenga, par exemple, ou encore, autour des années 1920, le colonel Godechot.

Robert Randau, Jean Pomier, Louis Lecoq, Charles Hagel et d'autres, fondateurs du mouvement littéraire l'algérianisme (du nom d'un roman de Randau, les Algérianistes,. ont largement puisé leur inspiration dans l'œuvre de Louis Bertrand, même si ce fut inconscient et même s'ils ont ajouté un élément important avec l'entrée dans leur œuvre des populations autochtones, trop oubliées de Louis Bertrand.

Dans son œuvre, Louis Bertrand a fait vivre toute une époque de l'Algérie française, aujourd'hui disparue, ce qui présente un très grand intérêt. Son aspiration à une nouvelle latinité de l'Afrique du Nord était-elle une chimère ? Il ne nous appartient pas de répondre à cette question.

Odette Goinard

 

 

Bibliographie:

 

* Jean Déjeux. Hommes et destins, Tome II, vol 1.

* Maurice Ricord. Louis Bertrand l'Africain . Paris, Fayard 1947, 438 p.

* Abbé Maugendre. La renaissance catholique au début du XXe siècle. Ed. Beauchesne.

* Rabah Belamri. Louis Bertrand

 

 

Parmi ses œuvres :

 

- le  sang des races 1899,

- La Cina 1901,

- Pépète le Bien-aimé, 1901, réédité sous le titre Pépète et Balthazar en 1920,

- le jardin de la mort 1905,

- les villes d'or 1921,

- Sur les routes du Sud ( journal et chronique) 1936,

- Saint Augustin 1913

- Maréchal de Saint-Arnaud 1921

- Le  mirage oriental 1909,

- Le  livre de la Méditerranée.

 

 

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