Marius

Scalési

 
 

Tunis, 1892

Palerme, 1922

 

Maltais et Sicilien par ses origines familiales, profondément enraciné dans la culture de langue française, Marius Scalési se voulait aussi tunisien, puisque c'est à Tunis qu'il est venu à la lumière. Mais cette lumière, il dut la conquérir chaque jour de sa vie.

Parmi les écrivains méditerranéens d'expression française, .une place toute particulière doit être accordée à Marius Scalési, bien qu'il n'ait été l'auteur que d'une seule œuvre, Les poèmes d'un Maudit (1923), actuellement si oubliée qu'elle ne figure dans aucune anthologie récente.

C'est le 6 février 1892, dans une famille très pauvre d'émigrés, que naquit Marius Scalési. Son père était un traminot d'origine sicilienne, entré clandestinement en Tunisie, alors que sa mère, balayeuse de rues, était de nationalité maltaise. Sixième enfant de la famille, le petit Marius se révèle très tôt d'une santé fragile.

Un soir de Noël, alors que l'enfant a quatre ou cinq ans, une chute dans l'escalier du fondouk, où vit la famille, lui brise la colonne vertébrale Il ne se remettra jamais de cet accident, qui le laissera bossu et difforme. Par ailleurs, la tuberculose, aggravée d'attaques de méningite, continuera de miner, la vie durant, ce corps maladif, jusqu'à ébranler finalement sa santé mentale.

Déjà rejeté, en marge des enfants de son âge, Marius accomplit quelques années de scolarité à l'école primaire de Bab Souika, son quartier natal, où il fait l'apprentissage du français. Mais à la mort de son père, il doit aider à la subsistance de la famille. Il vend des journaux dans les rues, non sans continuer à s'instruire et à lire... Plusieurs fois, il devra changer de métier, devenant tour à tour comptable, puis employé dans une imprimerie. Ce qui ne l'empêche pas de se passionner pour la poésie française : il découvre Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, et, à son tour, forme le projet de rimer ses infortunes.

Un soir de 1915, (l'anecdote est contée par Robert Randau), Arthur Pellegrin, rédacteur en chef de La Tunisie illustrée, voit entrer dans son bureau un jeune garçon maigre, bossu, "à l'expression traquée", qui, très rapidement et sans le moindre mot, dépose sur sa table quelques feuillets et s'enfuit ... C'est ainsi que les premiers vers de Scalesi paraissent dans La Tunisie illustrée, premiers essais qui lui valent l'admiration et les encouragements de plusieurs intellectuels tunisiens: Arthur Pellegrin, d'abord, qu'une même infirmité rapproche du poète, D. A. Guelfi, F. Huard ...

Lorsqu'en 1916, Pellegrin fonde la revue Soleil, il confie la critique littéraire à Marius Scalesi qui, sous les pseudonymes de Claude Chardon et Rocca Staïti, la signa jusqu'à sa mort.

Mais, rongé par la maladie, condamné à la solitude et évidement éconduit dans ses entreprises amoureuses, "triste galérien incliné sur la rame", ainsi qu'il se décrit lui-même, Marius Scalési voit très rapidement l'horizon se fermer devant lui. La folie le menace et il cherche en vain à oublier ses maux dans l'ivresse de la poésie ou celle du vin... A l'automne 1922, frappé d'une attaque de méningite, il est interné à l'hôpital Garibaldi de Tunis puis, très rapidement transféré dans un asile d'aliénés à Palerme. C'est là qu'il meurt le 13 mars 1928. Selon Claude-Maurice Robert, sa dépouille fut jetée à la fosse commune, subissant ainsi "l'outrage fait à Molière et au divin Mozart".

C'est en 1923, grâce au concours de la Société des Ecrivains de l'Afrique du Nord, dont il avait été l'un des fondateurs, que les poèmes de Scalési furent recueillis et publiés sous le titre Poèmes d'un maudit. Cette œuvre unique, toute chargée de réminiscences baudelairiennes et hugoliennes, et cependant si violemment originale, connut encore deux rééditions à Tunis, avant de sombrer dans un injuste oubli, malgré la prédiction d'Yves Châtelain :

"Un jour viendra [ ... ] où Scalési aura enfin la place qui lui revient dans notre littérature, et où cet italo-maltais, cet étranger (car il n'était pas naturalisé), sera universellement reconnu grand poète français."

Guy Dugas
 

 

Ses œuvres:

 

* Poèmes d'un Maudit, Paris, les Belles Lettres 1923 avec un portrait de l'auteur. Réed. Tunis, éd. La Kahéna 1929. Préface de Joachim Durel et portrait de P. Boucherie et Tunis, Saliba et Cie, 1935, augmentée de quelques poèmes inédits.

 

 

Bibliographie :

 

* Tombeau de Marius Scalési. Numéro spécial de la revue La Kahéna, 1934.

* L'œuvre de Marius Scalési. Pierre Mille, in Les Nouvelles littéraires, 1934.

* Marius Scalési, Yves-Gérard Le Dantec, in Revue des Deux Mondes, 1935.

* La passion de Marius Scalési, Claude­Maurice Robert, in revue Afrique, 1936, et en tiré-à-part.

* Hommage à Marius Scalési. Recueil des discours prononcés lors de l'apposition d'une plaque commémorative sur la maison natale du poète. Tunis, La Kahéna, 1936.

* La vie littéraire et intellectuelle en Tunisie de 1900 à 1937. Yves Châtelain. Paris, Geuthner, 1937, pp. 111-114.

* Le poète Marius Scalési et l'interculture méditerranéenne. Arthur Pellegrin. Communication au Premier Congrès international des études et échanges méditerranéens, Palerme 15-18 mars 1953.

* Stèle à Marius Scalési. Benedetto-F. Pino, in Echanges (Tunis), vol III, n°2, déc. 1981 et en tiré-à-part.

* Le poète maudit Marius Scalési. René Pellegrin, éd. Altaïr, Belgique, 1983, 17 p., avec un choix de poèmes de Scalési.

* Marius Scalési, une vie, une œuvre. Actes du colloque de Tunis, Paris, Khertala.

* Etudes sur Marius Scalési. La revue Tunisienne des Sciences sociales, 1978 (n° 53), Hedi Balagh.

* Marius Scalési (1892-1922). Jean Dejeux. Hommes et destins, tome VII, 1986, pp. 435-436.

 

 

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