Mouloud

Mammeri

 

Écrivain, anthropologue et linguiste algérien

 

Taourirt Mimoun 1917

Taourirt Mimoun 1989

 

 

Mouloud Mammeri

 

Mouloud Mammeri est né le 28 décembre 1917 à Taourirt Mimoun, dans la commune actuelle d’Aït Yenni (Grande Kabylie). Le kabyle est sa langue maternelle. Il apprend le français à l’école primaire, dont il se souvenait « d’y avoir été pieds nus dans la neige ». Il fait ses études secondaires au lycée Gouraud de Rabat, où son oncle était le précepteur de Mohammed V, puis à Alger au lycée Bugeaud. Après le baccalauréat, il prépare à Paris pendant deux ans l’école normale au lycée Louis le Grand.

La guerre interrompt ses études pour six ans. Mobilisé une première fois au 9ème R.T.A. de Cherchell jusqu’en octobre 1940, il est remobilisé après le débarquement en Afrique du Nord en 1942 et il participe aux campagnes d’Italie, de France et d’Allemagne.

Après la guerre, il termine ses études à Paris en passant le concours de professorat de lettres classiques. Il enseigne à Médéa (1947-1948), puis au lycée de Ben-Aknoun (Alger). En 1957, sous la pression des évènements, il quitte Alger et part au Maroc.

Après l’indépendance de l’Algérie, Mammeri est nommé professeur d’ethnographie maghrébine à l’université d’Alger, puis directeur du Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques, jusqu’en 1980. Autorisé à enseigner le berbère, non intégré à cette époque dans le programme universitaire, Il donne à titre facultatif, des cours à la Faculté des Lettres d’Alger. Il avait lancé à Paris avec des amis le Centre d’Eudes et de Recherches Amazigh (CERAM) édités sous l’égide de la Maison des Sciences de l’Homme.

Mouloud Mammeri est mort d’un accident de voiture survenu le 26 février 1989, alors qu’il était de retour du Maroc pour une conférence à Oujda. Il a été inhumé à Taourirt Mimoun. Plus de 2000 personnes assistaient à ses funérailles.

En tant qu’écrivain, Mouloud Mammeri est surtout reconnu comme romancier. Il appartient à ce qu’on appelle la génération 1952. Avec Feraoun, Dib, Memmi, ChraÏbi et KaÏeb, il est l’un des pères fondateurs de la littérature maghrébine de langue française. Son premier roman, La colline oubliée, paru en 1952, a été couronné par le prix des quatre jurys (créé par l’Écho d’Alger). Ce livre est à sa façon un roman de l’éveil. Il se passe dans un village kabyle endormi dans ses traditions, mais déjà bousculé dans ses habitudes, à l’issue de la seconde guerre mondiale. Il suscita une vive polémique de la part de certains intellectuels proches des milieux nationalistes qui lui reprochaient son manque d’audace. Les romans qui ont suivi : Le sommeil du juste, L’opium et le bâton, La traversée, constituent au fil des années, une fresque de l’évolution des esprits dans le monde maghrébin.

Ses positions ont suscité de vives critiques. Porté à la tête de l’Union des écrivains algériens, fondée en 1963, il démissionna en raison des contraintes s’opposant à la liberté d’expression.

Mouloud Mammeri était, selon sa propre expression « un démocrate impénitent ». Il parlait en vérité et en toute lucidité, loin de toute langue de bois, malgré les difficultés rencontrées dans le domaine culturel entre 1962 et 1988. Ayant milité pour la reconnaissance de la langue et de la culture berbère, il fut attaqué mais tint bon malgré les vexations dont il fut l’objet.

A travers ses textes, il nous a donné une très riche moisson de mots, de poèmes et de contes qui disent le vécu, le courage, l’honneur, la liberté, le combat, l’amour, l’humour aussi. Classique par formation et par goût, Mammeri prise avant tout la lucidité et la sobriété. Il ne dissocie pas la poésie du réalisme. Son œuvre et sa réflexion, longuement mûries, se dressent - solitaires - à l‘écart des modes, des idéologies et des démagogies. Il ne mettait nullement en cause l’unité politique de l’Algérie. Il ne réclamait pas une république kabyle. Il voulait une « expression culturelle multiforme». Berbérie et arabophonie étaient pour lui deux « modes d’expression » avec un enrichissement réciproque sans antagonisme.

Mouloud Mammeri est, parmi les écrivains algériens contemporains l’un des plus importants et des plus enracinés, tout en étant très ouvert à d’autres cultures que celles de l’Algérie. Sa contribution aux lettres algériennes, mais aussi et surtout à la sauvegarde de la vie et du patrimoine populaire est également très importante.

Dans une interview accordée à Tahar Djaour aux éditions Laphonie, il disait : « Quand je regarde en arrière, je n’ai nul regret, je n’aurais pas voulu vivre autrement. Je suis né dans un canton écarté de haute montagne, d’une vieille race qui depuis des millénaires n’a pas cessé d’être là, avec les uns, avec les autre, qui sous le soleil et la neige à travers les sables garamantes ou les vieilles cités du Tell, a déroulé sa saga, ses épreuves et ses fastes, qui a contribué dans l’histoire de diverses façons, à rendre plus humaine la vie des hommes. Quel que soit le point de la course où le terme m’atteindra, je partirai avec la certitude chevillée que, quels que soient les obstacles que l’histoire lui apportera, c’est dans sa libération que mon peuple ira. L’ignorance, les préjugés, l’inculture, peuvent un instant entraver ce libre mouvement, mais il est sûr que le jour inéluctablement viendra où l’on distinguera la vérité et ses faux semblants. Tout le reste est littérature ».

Mouloud Mammeri a disparu au moment où a ressurgi le Mouvement Culturel Berbère (MCB). Comme Jean Amrouche1, en reprenant les termes d’Aimé Césaire à propos de celui-ci, on peut dire que Mouloud Mammeri a été fidèle à l’aval et à l’amont, aux voix ancestrales à « l’éternel Jugurtha » donc, et au combat présent dans l’histoire vécue de la modernité à assumer et de la démocratie à fonder.

Odette Goinard

1 Voir la biographie de Jean Amrouche sur le site internet Mémoire d’Afrique du Nord.

 

Sources

François Desplanques et Jean Déjeux , revue Parcours n° 11 - Décembre 1989 .

 

Ses œuvres

A) Romans

La Colline oubliée, Paris Plon, 1952.

Le Sommeil du juste, Paris Plon, 1955.

L'Opium et le bâton, Paris Plon, 1965.

La Traversée, Paris Plon, 1962.


 

B) Théâtre

Le Foehn, Paris, Publisud, 1982.

Le Banquet, Paris, Plon, 1973.


 

C) Travaux portant sur le monde berbère.

Les Isefra, Poèmes de Si Mohand ou Mhand, Paris, Maspéro, 1969.

Grammaire berbère, (kabyle), Paris, Maspéro, 1976.

Poèmes kabyles anciens, Paris, Maspéro, 1980.

Machalo et Tellem chaho (contes), 2 vol., Paris, Bordas 1980. L'Ahellil du Gourara, Paris, Maison des sciences de l'Homme, 1984.

 

Sur Mammeri :

Mortimer (Milfred), Mouloud Mammeri, écrivain algérien, Sheerbrooke, Naaman, 1982.

El Hassar-Leghari (Latifa) et Louanchi (Denise), Mouloud Mammeri, Paris, 1982.

Djaout (Tahar), Entretien avec Mouloud Mammeri, Alger, Laphomic, 1987

MOULOUD MAMMERI (complément)

Parcours, L'Algérie, les Hommes et l'Histoire, N° 11, décembre 1989

 

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