Pierre

Goinard

 
 

Alger 1903

Marseille 1991

Issu d’une lignée médicale unanimement respectée, le professeur Goinard a enseigné jusqu’en 1962 la chirurgie à la Faculté de Médecine de sa ville natale, tout en promouvant de multiples réalisations. A son arrivée en France, il s’est attaché à exercer son art avec une rare maîtrise tout en luttant avec acharnement pour faire reconnaître l’œuvre accomplie par la France en Algérie.

Le Professeur Goinard représentait trois générations de Français qui se sont succédé durant un siècle en Algérie. Son grand père paternel, né à Saint Malo en 1830, était médecin militaire. Après avoir participé à la campagne de Crimée en 1854, blessé lors de l’assaut de Sébastopol, il avait été affecté en Algérie en 1860. Successivement en poste à Blida, puis à Boghari, promu au grade de médecin-colonel, il avait opté en 1882 pour l’exercice de la médecine civile à Alger. Son père, Ernest Goinard1 , né en 1870, avait fait ses études secondaires à Alger. Brillant élève de la jeune école de médecine, il fut major de l’internat des hôpitaux en 1880. Chirurgien d’une grande habileté technique, sa carrière s’était déroulée à Alger, hormis les années de la grande guerre où il avait exercé sur le front.

Pierre Goinard, né en 1903, suit les traces de son père et fait ses études de médecine à Alger. Il est reçu à l’externat des hôpitaux en 1921, à l’internat en 1922. Il est en 1927 membre de la Société d’anatomie et de la Société de chirurgie d’Alger. En 1931, il est membre correspondant de la Société de chirurgie de Lyon. De 1933 à 1934 il est chargé d’un cours d’anatomie à la Faculté d’Alger. En 1939, il est reçu au concours de l’agrégation en chirurgie. Durant les années qui précèdent la guerre, il partage son temps entre son service à l’hôpital Parnet d’Hussein-Dey, ses consultations de clientèle privée et ses opérations dans différentes cliniques.

Dès le début de la seconde guerre mondiale, il est mobilisé en Tunisie, puis il est rappelé à Alger où il doit mener de front la chirurgie générale militaire et civile et organiser un service de neurochirurgie, le Centre Barbier-Hugo, dont il assumera la direction de 1943 à 1945.

La guerre terminée, il devient en 1952 titulaire de la chaire de thérapeutique chirurgicale. Les dix années qui vont suivre seront pour Pierre Goinard une période d’intense activité : conférences postuniversitaires, communications, congrès – notamment le congrès français de neuro-chirurgie à Alger en 1954 – création d’un centre de rééducation professionnelle à Tixeraïn, création de l’école de médecins anesthésistes en 1958. Parallèlement Pierre Goinard poursuivait son activité chirurgicale à l’hôpital de Mustapha et dans les cliniques de la ville. Il totalisait parfois jusqu’à quatorze opérations par jour, et non des moindres.

L’indépendance de l’Algérie devait mettre fin à tant d’efforts et de magnifiques réalisations. Epoque terrible pour Pierre Goinard, replié à Marseille et qui entreprend alors de soulager la détresse de ses compatriotes. Nommé à Lyon professeur sans chaire, il opérera pendant trois ans les patients de la communauté des rapatriés à Marseille. Chargé néanmoins d’un cours de séméiologie à la Faculté de Lyon, il « fait la navette» entre les deux villes, préparant ses cours dans le train.

Le 1er octobre 1996, les hospices de Lyon lui confient le «pavillon G» de l’hôpital Edouard Herriot et le comité consultatif des universités propose sa nomination de « professeur à titre personnel ». Sa supériorité s’impose alors, en particulier dans tous les domaines délicats de la chirurgie digestive. Son rayonnement, sa sollicitude, son autorité bienveillante forgeront un climat d’entente et de confiance dans les services médicaux lyonnais. En promouvant les « journées de chirurgie vasculaire », il fait rayonner cette discipline en France et même à l’étranger. Dans le même temps, il crée les « journées d’hydatidologie » qui attirent une audience considérable.

Atteint par la limite d’âge, le professeur Goinard retourne à Marseille. Après tant d’années passées au service des malades, il consacrera sa retraite à la réhabilitation de l’Algérie française. Rompant un long silence sur l’œuvre civilisatrice de plus d’un siècle, il écrit pour que l’on sache bien ce qu’était notre Algérie. C’est ainsi qu’après de patientes recherches, il fait éditer en 1984 un ouvrage capital : « Algérie, l’œuvre française », qui reçoit le prix Lyautey décerné par l’Académie de la France d’Outre-mer. Il s’emploie sans relâche à faire connaître son livre, pélerin se déplaçant de conférences en séances de signatures, de ville en ville, à travers la France.

L’union des Français d’Outre-mer fut son constant souci. Il était heureux de se retrouver parmi ses compatriotes et se rendait volontiers aux réunions des amicales des anciennes provinces d’Algérie comme aux pèlerinages des Oranais à la Vierge de Santa-Cruz à Nîmes ou des Algérois à Notre-Dame d’Afrique à Carnoux. Son activité débordante l’avait projeté à la tête de leur communauté. Il utilisait les mots, les accents venus du cœur pour exprimer ses sentiments profonds, soutenir le combat contre la désinformation. La disparition de Pierre Goinard au soir du 30 janvier 1991 laissa brutalement un grand vide au sein de la communauté pied-noir. Par ses dons remarquables, son accueil toujours souriant et chaleureux, sa courtoisie attentive envers ses égaux comme avec les plus humbles, il avait su faire l’unanimité autour de lui. Son prestige était exceptionnel. C’est à lui qu’avait été demandé de conclure en 1976 un retentissant débat sur les rapatriés d’Algérie aux « Dossiers de l’écran ».

Odette Goinard

1Voir la biographie d’Ernest Goinard dans Les Cahiers d’Afrique du Nord N° 3.

 

Ses œuvres

Outre les très nombreuses publications relatives à la médecine, Pierre Goinard a écrit un livre qui fait référence : Algérie, l’œuvre française, édition Robert Laffont 1984 et réédité chez Gandini en 2003.

 

 

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