Ernest

Goinard

 
 

Auch 1870

Alger 1954

 

La vocation du docteur Ernest Goinard n'était pas militaire. Pourtant cette image illustre bien ce qui domina toute sa vie: le sens du devoir.

Ernest Goinard est né à Auch le 4 novembre 1870 au hasard d'une garnison. Son père appartenait en effet au Service de l'armée impériale. Il avait participé à la campagne de Crimée en 1855, puis servi en Algérie dès 1860. En 1864, il était médecin-chef à Boghar. La déclaration de guerre à l'Allemagne l'avait ramené en France avec les troupes d'Afrique. Puis il était retourné en Afrique du Nord: en Kabylie, en Tunisie et, enfin, devenu médecin principal, il avait pris sa retraite à Alger en 1884.

Son fils, Ernest, fut mis en pension à l'école apostolique de Saine-Eugène, créée par le cardinal Lavigerie. Il poursuit ses études avec la ferme volonté de suivre le chemin tracé par son père. Il est sur les mêmes bancs que celui qui sera toute sa vie son grand ami : le futur Mgr Dauzon, dont la vie est relatée dans ces Cahiers.

 Il entre à l'Ecole de médecine d'Alger où il apparaît d'emblée comme un élève très brillant. Il est major aux concours successifs d'externat et d'internat. Après une année d'internat à Lyon, où il rencontre celle qui deviendra son épouse, il est envoyé, en 1893, sur sa demande, à Bir-Rabalou au centre d'une épidémie qui sévit sur l'Algérie tout entière et fait de nombreuses victimes.

De retour à Alger, il enlève successivement, en 1896, le clinicat de chirurgie et, en 1897, le chirurgicat des hôpitaux. L'année suivante, le voici professeur suppléant du professeur Merz, alors malade, à la chaire de pathologie chirurgicale et d'obstétrique de l'Ecole de médecine où il est chargé de l'enseignement clinique. Ses leçons attirent les élèves car elles sont claires et souvent accompagnées de démonstrations. Il manie le forceps avec dextérité, à la manière des grands maîtres lyonnais.

A la mort du professeur Merz, le choix de son successeur ne fait de doute pour personne. Mais, dans le milieu médical, le succès, surtout lorsqu'il esr rapide et brillant, ne va pas sans périls. C'est l'époque où la République guerroie contre la religion. Ernest Goinard, profondément catholique et ne cachant pas ses opinions, est écarté de l'Ecole de médecine devenue Faculté, la chaire vacante étant attribuée à un professeur de Beyrouth.

L'hôpital lui ouvre alors ses portes. Le voici à la tête d'un grand service de chirurgie où il va pouvoir donner toute sa mesure. Survient la guerre. Ernest Goinard gagne le front. Devant Verdun, il recueille la succession du professeur Cunéo. Elle n'est pas trop lourde pour ses mains habiles. Il reviendra à Alger avec la Légion d'honneur et la Croix de guerre.

Il se donne désormais tout entier à la chirurgie, partageant son temps entre la ville et l'hôpital. Toutes les régions du corps lui sont familières et il conduit avec autant de sûreté une trépanation, une résection du coude ou une néphrectomie, mais la gynécologie reste son domaine d'élection.

Les dernières années de sa carrière ont été éclairées par la présence de son fils Pierre qui avait suivi la même voie. Ils opèrent ensemble dans une merveilleuse harmonie de gestes qui est en même temps l'harmonie de deux esprits unis dans un même désir de perfection.

Atteint par la limite d'âge, Ernest Goinard se consacre à sa clientèle privée.

Un soir, pour la dernière fois, il est venu s'asseoir dans une salle de cours. Un homme jeune gravit les degrés de la chaire. Aux côtés du gouverneur général de l'Algérie, le docteur Ernest Goinard, chirurgien des hôpitaux, assiste à la leçon inaugurale du professeur Pierre Goinard, son fils.

Deux ans plus tard, le 17 novembre 1954, la mort le saisit brusquement comme pour lui éviter les souffrances que lui auraient causé les événements qui ont conduit à la perte de son Algérie.

Ernest Goinard laisse le souvenir d'une vie toute droite et bien remplie, celle d'un grand Français, vertueux chrétien et chirurgien admirable.

Odette Goinard

 

BIBLIOGRAPHIE

L'Algérie Médicale, supplément à L'Afrique Française Chirurgicale, Alger, mars-avril 1955.

 

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