Louis Gaston

de Sonis

 
 

Pointe-à-Pitre. 1825

Paris. 1887

 

Les trois fils conducteurs de la vie du général de Sonis peuvent se résumer en trois points qui se fondent pour former un caractère d'exception. au point de ne pouvoir les dissocier : Dieu, l'Armée et l'amour conjugal.

Louis-Gaston de Sonis est né à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) le 25 août 1825. Il descend d'une lignée de militaires. Son grand-père, officier du Génie, réfugié aux Etats-Unis pendant la révolution, puis engagé dans l'Armée du Consulat, était devenu Gouverneur de l'île de la Réunion. Son père, engagé à dix-neuf ans pour, lui aussi, servir l'Empereur, avait suivi les tristes chemins de la retraite.

Après une mise en congé sans solde, il avait été réintégré dans l'armée comme aide de camp du Gouverneur. de la Guadeloupe. Marié en 1822 avec une jeune créole, il eut q~tre enfants, dont Louis-Gaston.

Ses parents étant rentrés en France, Louis­Gaston entre à l'âge de sept ans, comme pensionnaire, au collège de Bourbon. Elève sérieux, il va ensuite au collège Stanislas où il découvrira une passion, l'équitation. Il entre à Saint-Cyr en 1844. Sous-lieutenan1: au Sème régiment de Hussards il épouse Aniis Roger, la fille d'un notaire de Castres, en 1849. Douze enfants naquirent d'une union de trente- huit années, vécue dans un amour partagé, en dépit des difficultés matérielles et des chagrins.

Après quelques garnisons en métropole, il est affecté en Algérie en 1854. La Kabylie n'est pas encore conquise, ni les Territoires du Sud. Sonis sait qu'il devra se battre contre des Arabes, mais il veut avant tout, les connaître et les comprendre, Il apprend' l'arabe, étudie tout ce qu'il peut trouver sur leurs mœurs et leur religion.

Le 7ème Hussards cantonne à Alger sur la colline de Mustapha Supérieur. Sonis est aussitôt conquis par l'admirable panorama qu'il découvre de ses fenêtres. Rejoint par sa femme et ses deux aînés, il est affecté à Miliana, puis à Blida.

En 1858, son régiment doit rentrer en France. Sonis décide de rester en Algérie et passe au 1er régiment de Chasseurs d'Afrique. Il s'est attaché aux indigènes qu'il commence à bien connaître. "Le seul moyen d'affermir la conquête est de montrer à cette race arabe pour laquelle la religion est le tout de l'homme, qu'elle n'a pas affaire à des vainqueurs sans prière et sans culte", écrit-il. Restant fidèle à sa règle de conduite, il le leur montrera sans ostentation et cela contribuera pour beaucoup à son prestige auprès des musulmans dont il aura la charge, ou qu'il combattra. Autre raison d'admiration: sa maîtrise à cheval. Les Arabes connaisseurs l'ont surnommé " le cavalier ailé ".

En mai 1859, le 1er Chasseurs d'Afrique est envoyé en Italie, Napoléon III ayant décidé d'affranchir ce pays de la tutelle autrichienne. Après la paix de Villafranca signée en juillet, le 1er Chasseurs rentre en Algérie où les Beni-Snassen, venant du Maroc, attaquent et pillent des villages.

Le 30 septembre, Sonis et les escadrons atteignent en vingt jours l'oued Kiss qui forme la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Il vit comme ses hommes et doit soudain faire face à une terrible épidémie de choléra. Il assiste les mourants et réconforte les survivants en proie à une terreur panique. Soutenu par sa foi, il ne ressent ni peur, ni angoisse. Des renforts arrivent. Le Cheik Ould-el-Hadj Momoun fait sa soumission. Sonis est nommé commandant supérieur du Cercle de Ténès en mars 1860. Il aura la charge du maintien de l'ordre et de l'administration du territoire. Anàis, accompagnée de deux enfants vient le rejoindre.

Avec le sérieux qui le caractérise, Sonis noue des contacts avec des administrés européens et indigènes pour les comprendre et bien connaître leurs besoins. Il visite les douars, discute avec les chefs et s'emploie à faire aimer la présence française. Sa connaissance de la langue étonne les musulmans, mais c'est son comportement chrétien, bien que discret, qui force l'admiration. Ils se déclarent satisfaits d'avoir un commandant " qui reconnaît la puissance de Dieu ". En octobre, l'ordre vient de partir pour Laghouat. Direction plein sud avec sa " smala " (femme et enfants), comme il l'écrit, à cheval ou à dos de mulets. Laghouat représente le point le plus avancé de la présence française à la lisière du désert. Conquise par le général Yusuf(1), c'est un point stratégique important pour la surveillance des turbulentes et dangereuses tribus qui parcourent le Sahara.

Les nomades attaquent les douars avec le mépris et la férocité du cavalier guerrier pour les sédentaires. Ils pillent, volent le bétail et tuent dans la grande ivresse de la razzia.

Sonis va être rudement mis à l'épreuve. Dans la nuit du 14 au 15 avril 1861, une tribu fanatisée par un marabout attaque Djelfa . Sonis prévenu, arrive au plus vite accompagné de vingt-six hommes. Trop tard, hélas ! Ils vont découvrir le spectacle d'Européens et de Musulmans encore plus nombreux, mutilés et tués selon un rituel horrible. Sonis interroge les témoins. La commission qu'il crée réunit des preuves accablantes contre sept prisonniers. Après avoir réfléchi et prié, il estime de son devoir de les faire fusiller en présence de la population indigène, sous les murs du bordj. " Je dois rassurer la population ", écrit-il, " je veux aussi prouver aux fanatiques qu'ils ne peuvent pas compter sur l'impunité de leurs crimes, pas plus que sur des chances d'une évasion ou d'une habile défense ".

Désavoué pour cet acte, Sonis reçoit l'ordre de rejoindre Mascara sans aucun retard. Cette sanction ayant choqué bon nombre d'officiers, le Gouverneur Général Pélissier tire Sonis de sa disgrâce et le nomme commandant supérieur du Cercle de Saïda, Puis en 1863, il est envoyé à Mostaganem pour participer à un travail administratif d'appropriation des terres occupées traditionnellement par les tribus. Promu lieutenant-colonel au 1er régiment de Spahis, il est à nouveau nommé commandant du cercle de Laghouat en octobre 1865. Les Ouled-Sidi-Cheik brandissant l'étendard vert du Prophète, appellent à la Guerre Sainte. Ils foncent sur les tribus paisibles au sud de Laghouat. Sonis rassemble deux mille chameaux et prend le commandement d'une colonne mobile suivi par le goum d'Ouled-Nai1s et de Chambas qui lui sera toujours fidèle. Il gagne le premier engagement et quatre ans de tranquillité dans la région, mais il faudra attendre la victoire d'Aïn Mahdi (1869) pour que la paix soit établie définitivement.

Rejoint par sa famille, il restera trois ans à Laghouat, accomplissant des missions difficiles. Promu colonel et après avoir reçu la Légion d Honneur, il est nommé commandant du Cercle d'Aumale.

Le 10 juillet 1970, la Prusse ayant déclaré la guerre à la France, Sonis veut se battre. Rappelé à Tours, il est promu général de Division et reçoit l'ordre de prendre le commandement de la 3ème Brigade de Cavalerie de l'Armée de la Loire. Il dispose de troupes composées de fusiliers-marins, d'un bataillon d'infanterie de Marine et de Zouaves pontificaux(2) appelés pour la circonstance "volontaires de l'Ouest". Ils vont charger à Lagny (Oise), mais ce combat, contre les Prussiens, perdu d'avance, est livré "pour l'honneur". Il laisse sur le champ de bataille de nombreux morts et blessés.

Sonis a la cuisse broyée. Il doit subir l'amputation dans des souffrances atroces. Anaïs le rejoint et restera trois mois auprès de lui. Rentré à Castres, il s'habitue à grand peine à marcher avec une jambe de bois. Au prix d'efforts surhumains, il remonte à cheval. Mis en disponibilité, il s'installe à Paris avec sa famille. Il vivra encore neuf ans, offrant à Dieu les souffrances dues à son infirmité. Lui qui aurait pu mourir dans l'éclat de la gloire militaire, s'est éteint le 15 août 1887 dans l'humilité.

Toute la vie de Sonis a été vécue dans une foi ardente devenue sans mesure, au fil des années et des épreuves. Témoins de sa vie ascétique et pieuse, les musulmans de Laghouat l'avaient nommé " Moula-el-Dine ", le seigneur de la foi et le juste.

O.G.
d'après le livre de Francine Dessaigne
Sonis, mystique et soldat

 

1 Voir la biographie de Yusuf dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 9.

 

2 C'étaient des soldats de métier engagés au service du Pape qui avaient combattu pendant dix ans pour la défense de sa puissance temporelle attaquée par les Piémontais.

 

 

Bibliographie:

 

* Le Général de Sonis, par Mgr Baunard (1891).

* Le Général Gaston de Sonis d'Espujos, par Jean des Marets (1938).

* Le Général Louis, Gaston de Sonis d'Espujos, par le chanoine Hodecent (1935).

* Histoire du Général de Sonis, par Jacques de la Faye (1890).

* Le procès du centurion, par Patrick de Ruffray (1959).

* Le général de Sonis et sa descendance, par Maurice Briollet.

* De Sonis et la franc-maçonnerie par l'abbé Thévert (1955).

* La vie ardente du général de Sonis, par Liliane de Sonis.

* Louis Gaston de Sonis d'Espujos, par Jeanne Danemarie (1942).

* Sonis, par A Bessières (1946).

* Louis-Gaston de Sonis, levain et ciment d'amour, par Michel Dupont (1987).

* Sonis, mystique et soldat par Francine Dessaigne, Nouvelles éditions Latines (1988).

 

 

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