Yusuf

 
 

Ile d'Elbe, 1808

Cannes, 1866

 

Étonnant destin que celui de Yusuf, esclave, mamelouk et général de l'armée d'Afrique.

Giuseppe (ou Joseph) Ventini vint au monde en 1808 à l'île d'Elbe, terre française depuis le traité d'Amiens en 1802. Il était le fils d'un attaché italien au palais impériaL Devenu orphelin de mère, le jeune Giuseppe fut pris en amitié par la sœur de Napoléon, Pauline, qui, en particulier, lui apprit le français.

Devant poursuivre ses études en Italie, il partit à l'âge de six ans à bord d'un voilier qui tomba entre les mains des pirates barbaresques.

Giuseppe fut conduit par ces derniers dans les souks, au marché des esclaves. Le bey qui avait un droit de préemption, intégra l'intéressé dans le lot beylical. Il échappa toutefois au rôle d'eunuque du harem auquel il était destiné, grâce à un médecin français, le docteur Lambert, qui s'occupait du sérail ainsi que du recrutement des futurs mamelouks. Séduit par l'intelligence et l'aspect viril de Giuseppe, ce médecin le fit entrer dans la garde prétorienne destinée à protéger le bey. Il dut adopter la religion islamique et prendre le nom de Yusuf (ou Yousouf).

Il reçut à la cour de Tunis une instruction soignée, connaissance du Coran, éducation intellectuelle, artistique, étude des langues, équitation et maniement des armes.

La prime jeunesse de Yusuf se passa donc au harem, mais dès l'âge de douze ans, il fut intégré dans le corps des mamelouks où il se distingua rapidement dans divers combats, au point d'être investi de la haute dignité de bey de camp. Mais à la suite d'intrigues amoureuses au palais beylical, Yusuf dut se résoudre au départ qui put se faire grâce à l'aide du consul de France, Mathieu de Lesseps, père de Ferdinand.

Il embarqua sur l'Adonis, brick français ralliant directement le 13 juin 1830 la flotte française qui venait de débarquer à Sidi­Ferruch. Yusuf fut rapidement repéré par le général de Bourmont qui l'attacha à sa personne en qualité d'interprète et le nomma avant de partir, khalifa (lieutenant) de l'Agha des Arabes.

Le général Clauzel qui lui succéda, demanda à Yusuf de constituer un escadron de cavaliers indigènes, devenu par la suite les Spahis. Ayant ainsi contracté un engagement dans l'armée française, il est promu le 31 décembre 1830 au grade de capitaine.

La situation dans le Constantinois étant anarchique, Yusuf fut envoyé le 2 février 1832 par la goélette La Béarnaise en mission diplomatique à Bône où de graves incidents s'étaient produits. Avec le capitaine d'Armandy, il y retourna, et ils accomplirent tous deux une héroïque action de guerre.

Le courage, la détermination, la ruse aussi, mais surtout l'indomptable ardeur au combat de Yusuf permirent au drapeau français de flotter sur la citadelle de Bône. Cela lui valut la croix de chevalier de la Légion d'Honneur.

Le maréchal Clauzel nomma Yusuf, à la place du bey de Constantine, mats l'expédition pour la prise de la ville fut un échec. La faiblesse de nos effectifs, le temps exécrable avec neige et froid, eurent raison de l'héroïsme de nos troupes. La retraite fut particulièrement difficile.

Cependant la renommée de Yusuf devenait légendaire. Au cours d'un premier séjour en métropole et malgré certaines attaques à son égard, il reçut un accueil triomphal tant dans les salons parisiens qu'auprès des hautes autorités. Il fut pendant deux ou trois mois la coqueluche du tout-Paris . Lors de la réception donnée à Fontainebleau par Louis-Philippe en l'honneur du mariage du duc d'Orléans avec la duchesse de Mecklenbourg, Yusuf, revêtu de son costume oriental, connut un vif succès.

Nommé le 18 février 1838 au grade de lieutenant-colonel, il reprit en mains les Spahis d'Oran. Il recevait quelques jours plus tard ses lettres de naturalisation. Il venait d'avoir trente ans.

Avec Bugeaud à la tête de l'Algérie, la conquête entrait dans une nouvelle phase. Dans la région d'Oran, notre magnifique entraîneur de spahis se couvrit de gloire aux combats de Temsalmet, d'Aïn-El­Bridia, puis contre les Hachems (la tribu d'Abd-El-Kader) et il s'illustra dans la charge de Tagremaret.

Nommé au grade de Colonel, le commandement lui confia le corps de cavalerie indigène en Afrique avec les escadrons de spahis sous ses ordres. Yusuf s'attacha alors avec ardeur à la poursuite de l'insaisissable Abd-El-Kader, Par un de ses agents, il sut où se trouvait la smala qui comprenait 368 douars avec quarante mille âmes. Après l'avoir repérée, Yusuf reçut l'ordre du Duc d'Aumale d'attaquer, avec le lieutenant-colonel Morris, dans le but de capturer la smala. Ce fut avec une surprenante rapidité et une grande maîtrise que fut exécuté l'ordre donné. Une première citation et la cravate de commandeur de la Légion d'Honneur furent décernées à l'intéressé à la suite de ce haut fait d'armes. Mais l'émir s'était échappé.

Abd-el-Kader, soutenu par les Marocains, s'était réfugié près de l'oued Isly. Les troupes du Sultan s'élevaient à soixante mille hommes alors que nos troupes en alignaient huit mille à peine. Après des combats héroïques l'armée chérifienne fut défaite. Le 13 décembre 1847 Abd-el­Kader se rendait à la France et Yusuf qui avait une fois encore montré ses qualité de chef et d'entraîneur d'hommes, se sentait enfin payé de toutes ses fatigues et de tous les risques courus. Pour la dix-septième fois il fut cité à l'ordre du jour.

Il est au comble de la renommée. Au cours d'un voyage à Paris, il fait la connaissance d'Adèle Weyer, sœur d'un jeune maréchal des Logis qui lui servait de secrétaire. Malgré les réticences de cette famille lorraine, profondément catholique, il l'épouse, après s'être converti au catholicisme. Il lui resta toujours très attaché.

Puis, ce fut l'expédition d'Orient, le siège de Sébastopol; la bataille de l'Alma et le retour en Afrique où il reçut sa troisième étoile avec vingt-cinq citations à l'ordre de l'Armée et la Grand Croix de la Légion d'honneur.

Malheureusement, jalousé, Yusuf se retrouvera au sein d'intrigues, de calomnies, qui assombrirent son dernier séjour algérois.

Mac-Mahon réclama la mutation de Yusuf, qui fut envoyé, après certaines péripéties, à Montpellier.

Miné par les soucis et la tristesse, sa santé se dégrada rapidement. Il s'installa alors à Cannes où il s'éteignit le 16 mars 1866. Le plus héroïque soldat de la conquête avait forcé les portes de "l'autre monde". Avant d'entrer en agonie, il cria d'une voix forte "Algérie" et dans un dernier sursaut, ses derniers mots furent : "en avant".

 

Alain Goinard

 

 Bibliographie :

 

* Mes souvenirs 1820-1851 -, Général du Barail. Plon-Nourrit Paris 1897.

* Le . Général Yusuf Colonel Trumelet. Champion. Paris 1892.

* Souvenirs des campagnes d'Afrique 1835-1848. Comte de Castellane. Plon-Nourrit. Paris 1898.

* Correspondance du Capitaine Doumas, consul de France à Mascara. 1827-1839. Jourdan Alger 1918.

* En Algérie au temps d'Abd-EI-Kader carnet de route et correspondance. Général du Martray. Publication de la Sabretache. Paris 1926.

* La vie du Général Yusuf Maurice Constantin­Weyer. Ed. Gallimard Paris 1930.

* Conquête et pacification de l'Algérie. Général Paul Azan. Imp. Vilaire et Bar. Paris 1931.

* Mémoires du maréchal de Mac-Mahon, souvenirs d'Algérie. publiés par le comte Guy de Miribel Plon Paris 1932.

* Correspondance du maréchal Clauzel Gabriel Esquer. Larose Paris 1948.

* Yousouf, esclave, mamelouk et général de l'Armée d'Afrique. Edmond Jouhaud. Ed. Robert Laffont 1980.

* Le prince des spahis, cheik-el-baroud. Jean Busson. Ed. de l'Orme Rond. 1987. 2è édition. Prix Paul Flat 1950 de l'Académie française pour la première édition.

 


Un résident à Cannes, le très mystérieux général Yousouf (1808-1866)

Annie Krieger Krynicki

 

Sa vie avait de quoi frapper les imaginations : captif en Tunisie, janissaire, amant de la fille du bey, enfin général de l’armée d’Afrique, sabreur comme Murat et fin stratège dans la frappe décisive contre la smala d’Abdel Kader.

Pour assurer sa légende, un physique et des postures dignes d’un héros sorti d’un poème de Byron : « Il se tenait campé sur sa selle à la housse dorée, suivi de deux noirs, précédé d’un peloton de spahis, fusil haut coiffé d’un turban en cachemire vert, couleur du Prophète ; Yousouf ressemblait plutôt à un prince d’Orient allant combattre les Français en Palestine qu’à un simple lieutenant-colonel » selon le général Fleury ( in Souvenirs d’ Afrique ; Revue de Paris 15 août 1897)

Selon la version tunisienne, Yousouf ou Yusouf ou Yusuf, originaire de Livourne, fut capturé en Méditerranée italienne, vendu comme de nombreux captifs sur un marché de Libye à un marchand de Djerba, revendu à Tunis et versé dans le corps des janissaires, échappant à la castration. Il entra au service du Bach Mamelouk Hassan, un ancien captif, converti à l’islam, Giuseppe Certa, capturé sur un navire sicilien où il était écrivain de bord. S’étant frotté au latin chez les pères, il devint précepteur d’un fils du bey de Tunis. Il devint ministre de la Plume, sorte de ministre de l’Intérieur du prince qui lui fit épouser sa fille, la belle Kabboura à laquelle il fit deux enfants. Il incita son maître à mettre fin à la course puis à supprimer l’esclavage des chrétiens en 1830. Pour celui des noirs d’Afrique, il n’y parvint pas car ils étaient indispensables à la bonne tenue des harems et à l’administration de la Cour. Cet homme lettré et humaniste n’avait qu’une passion, les livres, la recherche des plus rares profanes ou religieux (le leg de sa bibliothèque sera à l’origine de celle de la Zitouna à Tunis). Il prit à son service Yousouf et en fit son relieur, lequel troqua le sabre contre le tranchet. A l’époque tout livre se devait d’être relié. Le père de Descartes fut désespéré lors de l’édition du Discours de la méthode ; « Et allez donc faire un fils pour qu’il se fasse relier dans le veau ! »

 



 



 



 



 


 

Dans l’intimité du harem, Yousouf séduisit la belle Kabboura.

L’histoire romancée de Giuseppe Certa

Il fut dénoncé en 1830 par un jaloux, Hasan surprit le couple et chassa le traître. Sa mansuétude peut surprendre mais Hassan détestait le sang, son mariage avec la princesse lui avait été imposée. Peut-être la raison d’État eut- elle le dessus. Le dénonciateur signalait que Yousouf était doublement traître car il était l’espion, voire l’agent des Algériens. Le fugitif fut recueilli et embarqué sur un vaisseau l’Adonis qui croisait vers Alger, par les soins du père de Ferdinand de Lesseps, consul de France à Tunis. Opportunité qui ressemble à une exfiltration d’espions des plus classiques….

Il arrive le 16 juin curieusement, à Sidi Ferruch où l’armée vient juste de débarquer de France. Le général de Bourmont venait de prendre Alger lorsque Yousouf lui fut recommandé. Il le prit pour interprète à l’État-major. Il fut nommé lieutenant à titre indigène, puis fait dey de Constantine où il s’employa à rallier les tribus ou à les vaincre.

De 1834 à 1864, il fut de tous les combats : prise de Bône en 1832 âgé de 24 ans et il s’illustre pour « ce plus beau fait d’armes du siècle » sous les ordres du capitaine d’Armandy. 1843, prise de la smala d’Abdel Kader où il se signale à la tête d’un escadron de spahis, bataille de l’Isly où son action décisive s’affirme encore ;1844, le général Yousouf joue un rôle déterminant, avec neuf escadrons de cavalerie. Général de division, Grand- Croix de la légion d’Honneur, il cumule les citations (vingt- cinq) mais aussi les blessures (trois). Maréchal des camps à 37 ans, en 1851, il devient général de brigade mais cette fois ci à titre français. Et c’est là qu’intervient opportunément la naissance officielle de Yousouf. Pour sa naturalisation, le 2 mars 1839, on retrouve sa trace : il serait né Giuseppe (Yousouf donc) Venturini à l’île d’Elbe (Française depuis 1802), donc né français en 1808.

Sous la protection de la princesse Pauline Borghèse elle-même, sœur de Napoléon, il apprit le français dans son palais et l’italien... dans les rues. A six ans, il fut envoyé à Florence pour étudier, avec une dame polonaise pour chaperon. En direction de Livourne (qu’on retrouve !) il fut capturé par des pirates et l’histoire se recoupe. Il échappe à la castration grâce au docteur Lombard, médecin français à la Cour du bey, pris dans le corps des mamelouks, donc converti à l’islam. L’histoire se recoupe encore … Naturalisé français, le général épouse en 1845, Constance Weyer, la sœur de son maréchal des logis ( un Lorrain qui deviendra trésorier-payeur général). Le mariage est célébré par un prêtre catholique. Sa carrière en terre d’Afrique s’interrompe car il participe, en 1854, à la guerre de Crimée. Il va combattre avec les troupes françaises dans la coalition qui regroupe l’Autriche, l’Angleterre et la France contre les Russes et ses anciens maîtres, les Turcs dont le bey de Tunis était le vassal.

Son retour en Algérie, après la guerre, fut marqué par la révolte de la Kabylie, et il est pionnier du désert à Laghouat. Subitement, en 1864, il fut nommé commandant en chef de la division de Montpellier. Il demandera un commandement en Algérie mais en vain. On suppose, à son départ, une animosité alimentée par la jalousie, les envieux se vengeant de sa trop brillante carrière, de sa légende de sabreur, de ses apparitions fulgurantes sur les champ de bataille, surtout d’avoir pris place parmi les chefs de la conquête: Bugeaud, Lamoricière, Clauzel, les ducs d’Orléans et d’Aumale et Bourmont. Car, selon les observateurs impartiaux, il était mieux qu’un cavalier emporté : « Il avait des qualités d’audace, d’initiative et d’énergie sur le champ de bataille avec un jugement prompt, au coup d’œil remarquable ». Or Napoléon justement avait parfois regretté l’absence de ces qualités ; «  Je les ai trop accoutumés à ne savoir qu’obéir, aucun de mes officiers n’a l’étoffe d’un général en chef » ( J. Baldet in Napoléon ).

Les commentaires des historiens de l’époque, officiers supérieurs pour la plupart, divergent, offrant un portrait contrasté. Le comte d’Hérisson ( cité par C. Taillard ) s’il ne tarie pas d’éloges sur les officiers subalternes, les soldats et leur abnégation devant les épreuves, les blessures et leur dénuement durant la campagne de 1831, ne ménage pas les officiers supérieurs et leur manque d’intégrité (sauf Bugeaud ). « Pour Yusuf, il ne manque aucune occasion de rapporter une anecdote de cruauté ou de concussion ». Mais c’était oublier les pratiques des guerres napoléoniennes pas si lointaines : «  Soult pour lequel la guerre est une fructueuse industrie, Augereau, Brune et tant d’autres hélas, pillent, lèvent des contributions à leur profit ( à l’encontre d’un Suchet, Davout et Bessières qui mourut pauvre » (J. Baldet in Napoléon ).

Le général Derrécagaix disait de Yousouf « que sa notion du bien et du mal n’était pas la même que la nôtre et que son éducation et sa vie en campagne n’avait pu que la développer ». En revanche, le colonel Trumelet rédigea une biographie - plutôt une hagiographie - de mille pages sur Yusuf. Ce petit captif tunisien, originaire de l’île d’Elbe, offrant à 22 ans ses services aux Français, tour à tour en faveur et en disgrâce, lieutenant-colonel à titre indigène en 1839, général à titre français, aux prouesses innombrables. » La guerre était sa passion : il la fait et non à la française, mais à la turque et aussi en condottiere ». On a prétendu que cette admiration passionnée était due « au fait que le colonel Trumelet soumettait constamment son travail aux appréciations de madame Yousouf qui n’a jamais vu son mari qu’à travers le prisme d’une adoration passionnée » selon le général Derrégaux.

Mais le livre de Trumelet était écrit en protestation contre la réputation faite à Yousouf par un cercle de malveillants à la jalousie provoquée par une ascension trop rapide. On lui reprochait aussi son « sabir », « langue des indigènes barbaresques » et « de n’avoir jamais pu s’exprimer correctement en français ». Les anecdotes malveillantes fourmillaient dans la garnison d’Alger dont Yousouf commandait la division. Il était le sujet favori des conversations et, dit-on, il n’y avait pas de vilenie qu’on ne lui attribuât. On l’appelait Joseph ; on le tenait pour un ruffian et un condottiere. Le général Derrécagaix pensait qu’à « l’origine de ses cancans était la belle-mère de Yousouf, Mme Weyer, prise d’une jalousie maladive à la place de sa propre fille et qui exposait l’aide de camp qu’il était à couvrir les escapades de son gendre et à lui fournir des alibis ». Ce qui l’obligea par acquit de conscience à démissionner et à quitter le service de Yousouf. « Pour le reste, tout était faux affirme le général , c’était la malignité et l’envie ».

Reste que la situation devint inextricable. Le général Deligny qui commandait la division d’Oran, refusa de combiner son action avec celle de son frère d’armes. Enfin le général de mac Mahon , nouveau gouverneur était hostile. Monarchiste et traditionnaliste, il n’approuvait pas l’idée du royaumer arabe de Napoléon III. Peut- être craignait -il qu’avec son prestige personnel, Yousouf ne cristallise autour de sa personne les tribus dissidentes.

A Montpellier où sa femme le suivit, insensible aux insinuation de sa mère, sa santé ébranlée par sa disgrâce se dégrada ; Après une « maladie hivernale », sans doute pulmonaire, son médecin, le Dr Trousseau, lui conseilla le climat plus doux de Cannes. Il s’installa dans une belle maison blanche. Dans sa rue, bordée de mimosas et d’orangers, un remisier louait aux hivernants calèche et cocher. De sa fenêtre, il pouvait observer les mouvements de la mer. La villa portait, gravée sur une plaque de marbre « Rosa mystica, ora pro nobis ». Devant la dégradation de sa santé, le médecin de Napoléon III, le docteur Javelot, lui fut envoyé ; assisté du médecin local, le Dr Gimbert, il suivit son agonie douloureuse. Le 16 mars 1866 il s’éteignit. Par les soins de la générale Yousouf, sa dépouille fut embaumée transporté en Algérie qu’il retrouva enfin et inhumée dans une kouba blanche. Des honneurs civils et militaires lui furent rendus.

Mais les Cannois ont voulu lui rendre hommage, fidèles à travers le temps. La première étape fut la pose en 1931 d’une plaque sur la maison qu’il avait habitée. Puis le Dr Gazagnaire, maire de Cannes et la Société scientifique et littéraire établirent en avril 1935 un programme d’hommages et de célébration qui s’étendit du 11au14 avril : participation de l’escadre de la Méditerranée, défilé de spahis et des tirailleurs du 27° Régiment, concert sur la Croisette avec leur « nouba », fantasia et jeux équestres sur le terrain de polo de Mandelieu avec les Jeux camarguais, suivis d’un gala au Casino municipal avec bal. Le dimanche toute la journée, parade de l’escadre et des yachts pavoisés, corso fleuri, participation des académies provençales. Enfin le lundi, revue des troupes : spahis du 7° régiment, 8° régiment des Tirailleurs marocains et nouba, 27° régiment des Tirailleurs algériens et français. La pose de la plaque (voir photo) réunit devant la maison des autorités invitées par le maire de Cannes, le Dr Gazagnaire qui en fera plus tard sa demeure : Les représentants du Résident de Tunisie, du gouverneur général de l’Algérie, Si Kadour ben Gabrit pour le sultan du Maroc, les caïds de Sfax, de Sousse et de Tunis, des représentants d’associations de médaillés militaires avec leur drapeau. Le général Toulorgues, Grand Officier de la légion d’Honneur, ancien commandant du XV° corps d’armée, président de la société des Sciences, des Lettres et des Arts des Alpes maritime ( Nice) et président d’honneur de l’Algérienne de Nice, lui qui avait demandé la pose de la plaque dès 1931, prit la parole pour rappeler la vie du général Yousouf et les services rendus. L’allocution fut suivie par un discours du président de la Société scientifique et littéraire de Cannes. La cérémonie fut close par un membre de la Société, M Dellevaux qui lut son poème qui commençait ainsi « Salut, prince, prince du désert aux mille chevauchées / Sur des cavales d’or, de pourpre empanachées / Dans l’aurore poudreuse ou le soir radieux / Salut, toi qu’on évoque en la nuit solitaire / Dans ton rouge manteau sur ton cheval cabré / Debout quand le croissant de lune a sabré la tête du soleil avec son cimeterre » .

Mais Yousouf avait impressionné l’histoire amoureuse et le poète conclut : « Salut, prince plein de lyrisme et d’allégresse / Toi dont le cœur à vingt-deux ans s’énamoura / De la fille du bey, la tendre Kaboura / Dont les beaux yeux n’avaient pas d’égaux en tendresse ».

Mais les Français n’étaient pas les seuls sentimentaux : la légende veut, en Tunisie, que Yousouf ne soit pas mort à Cannes mais qu’il ait fini ses jours auprès de Kabboura devenue veuve, dans le secret du palais du Bardo .

Reste que la Rosa Mystica a perdu ses pétales sur le marbre de la façade, le nom du général s’est effacé, le Pavillon des roses est devenu un office notarial et les mimosas ont été coupés depuis longtemps .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pavillon des roses - Cannes

Annie Krieger Krynicki


Bibliographie

Annales de la Société scientifique et littéraire de Cannes et de l’ arrondissement de Grasse 66° année . Nouvelle série. Tome VII (1935)

Cannes. Elles et eux, leurs destins croisés . Ville de Cannes . Archives communales( 2006)

Derrécagaix Général Yusuf (1907)

Esquer G Les commencements d’un empire. La prise d’ Alger (1923)

Les débuts de Yusuf à l’armée d’ Afrique (1910)

Hérisson d’ comte La chasse à l’homme ; guerre d’Algérie (1891)

Jouhaux E Yousouf, esclave, mamelouk et général de l’armée d’Afrique (1980 )

Krieger-Krynicki Annie Le ministre de la Plume Mercure de France (1992)

Archives personnelles

Napoléon ( ouvrage collectif direction J Mistler de l’Académie française ( A Maurois , J Chastenet , E Huygh,e J Tulard, J Baldet ) Hachette (1968)

Taillard Charles vice- recteur de l’Académie d’ Alger L’Algérie dans la littérature française Paris (1925 )

Trumelet colonel Histoire de l’insurrection de la province d’ Alger ( 1864- 1871)

Les Français dans le désert 1863

Le général Yusuf 1890

Tous mes remerciements vont au personnel des Archives de Cannes ( Villa Montrose 9 av Montrose, Cannes) qui, dans le respect du protocole sanitaire ont mis à ma disposition les documents relatifs à ma recherche. (Février 2020).

 

 

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