Charles de

Foucauld

 
 

Strasbourg. 1858

Tamanrasset. 1916

 

A la recherche de l'absolu, après une longue errance, Charles de Foucauld s'était entièrement voué à Dieu, et, à travers Lui, aux populations touarègues

En cette année qui connaîtra sans doute la béatification du père de Foucauld, nous nous devons, pensons-nous, d'évoquer la grande figure de l'apôtre du Sahara, que la vie, par de multiples détours, a conduit à la sainteté.

Charles de Foucauld descendait d'une très vieille famille de la noblesse française. Ses ancêtres, au cours des âges, s'étaient illustrés au service de la France et du Christ, dans une tradition de devoir et de sacrifice. Citons, à titre d'exemple, un Foucauld qui prit part, comme officier d'artillerie, à la conquête de l'Algérie et s'était signalé dans l'action contre Fort l'Empereur.

Né à Strasbourg, le 15 septembre 1858, Charles a le malheur de perdre sa mère à l'âge de cinq ans et demi, puis peu après, son père. Il est recueilli, avec sa sœur Marie par son grand-père maternel, le colonel de Morlet, habitant Strasbourg. Après la guerre de 1870, la famille se retire à Nancy. C'est en cette ville, que le jeune Charles fait sa première communion. Mais dès l'âge de quinze ans, sa foi est ébranlée.

Après son baccalauréat, il se prépare à l'École de Saint-Cyr où il entre en 1876. Durant ses deux années d'École, il manifeste peu d'ardeur pour les études. Devenu pratiquement obèse, il travaille en amateur. Il est très mal noté pour la discipline. A sa sortie de Saint-Cyr, il entre à l'École de cavalerie de Saumur où il se signale par sa légèreté, son esprit d'indépendance, son goût immodéré pour les fêtes et les plaisirs. Tout en se montrant charmant camarade, généreux et loyal, il s'enfonce dans une vie de désordre. Il partage sa chambre avec Antoine de Vallombrosa qui prendra à sa majorité le titre de marquis de Morès(1)

"La chambre qu'ils occupaient à deux", écrit Laperrine, "devint célèbre par les excellents dîners et les longues parties de cartes que l'on y faisait pour tenir compagnie au "puni", car il était bien rare que l'un des deux occupants ne fût pas aux arrêts". Tous deux périront assassinés au Sahara.

Nommé au 4ème régiment de Hussards, le sous-lieutenant de Foucauld rejoint sa garnison à Sézanne (Marne) , puis à Pont-à-Mousson et en décembre 1880, à Sétif en Algérie. Il continue à mener une vie déréglée et affiche en outre une liaison avec une jeune femme amenée de France. Mis en disponibilité, sur sa demande, il se retire à Evian avec sa compagne.

Cependant, une insurrection venant d'éclater dans le Sud-Oranais, il est repris par le désir de la vie militaire et il part rejoindre son régiment. C'est une sorte de réveil, qui, petit à petit, va lui donner un sens plus sérieux de la vie. Il fait preuve de beaucoup de courage dans les combats, se révélant vrai soldat et vrai chef, supportant les privations et en même temps, soucieux de ses hommes et dévoués pour eux.

Ce séjour dans le Sud eut une heureuse influence sur sa destinée. Il en revint décidé, non seulement à mener une vie sérieuse, mais encore à accomplir quelque chose de difficile.

A 33 ans, gagné par l'attrait de l'Afrique, il démissionne de l'armée et se retire à Alger où il étudie l'arabe et de nombreuses autres disciplines dans le but d'explorer les territoires marocains, à l'époque, fermés aux Européens. Mettant son projet à exécution, il part pour le Maroc le la juin 1883, déguisé en juif, en compagnie d'un guide, le rabbin Mardochée. Il parcourt le Maroc jusqu'aux confins du Sahara. Ce fut une dangereuse randonnée pleine de péripéties. Rentré en France, il adresse à la Société de Géographie un compte-rendu écrit de son voyage d'exploration. Son rapport est très apprécié et lui vaut même une médaille d'or. Une autre exploration est entreprise dans le Sud et en Tunisie en 1885.

Durant toutes ces années, Charles n'éprouve pas de sentiments religieux. Rentré en France en 1886, il fait la connaissance chez sa tante, Madame Moitessier, de l'abbé Huvelin, vicaire à Saint-Augustin, ancien élève de l'École Normale Supérieure. Le voilà pris d'un sérieux désir de réformer sa conduite et d'approfondir sa religion. Il commence à se recueillir, à entrer dans les églises. C'est ainsi qu'il se rend un jour d'octobre 1886 en l'église Saint-Augustin pour demander à l'abbé Huvelin des explications sur la religion. Celui-ci, sans entamer aucune discussion, le fait entrer dans son confessionnal et reçoit l'aveu de ses fautes. Puis, Charles fait aussitôt sa seconde "première communion". Dès lors, il fait une large place dans sa vie à la prière et aux pieuses lectures.

Un long parcours suivra dans cette nouvelle vie de foi, qui, à travers de nombreux méandres, le conduira à une vie de sainteté. Il fait d'abord un voyage en Terre Sainte sur les pas du Christ. Puis, après avoir fait quatre retraites, attiré par la vie de pauvreté, il décide d'entrer à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges en Ardèche où il restera six mois, sous le nom de frère Albéric. Le 26 juin 1890, il s'embarque pour la Syrie, sur l'ordre de ses supérieurs, et entre à la Trappe d'Akbès où il restera sept ans . Vivant comme un ascète, il estime cependant que la vie de trappiste n'est pas assez dure pour lui. Il se fait relever de ses vœux et après un séjour à Rome où il étudie la théologie, il part à Nazareth où il travaille comme jardinier dans un couvent de religieuses. logeant dans une cabane en planches dans une très grande pauvreté. Il y mène une vie cachée à l'exemple du Christ, Mais son désir est de fonder un nouvel ordre religieux en Afrique, consacré aux pauvres populations musulmanes.

Ordonné prêtre en 1901, renonçant à son nom et à son titre, il prend le nom de Charles de Jésus. Après un nouveau séjour à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges, répondant à l'appel du Sahara, il part à Beni-Abbès en passant par Alger. Vivant de dattes et de pain, l'argent qu'il possède lui sert à acheter farine, orge, dattes, qu'il distribue aux pauvres. Il mène une vie de prière et de pénitence, construisant de ses mains des cellules en tourbe et un mur de clôture autour du terrain qu'il a acquis. Une insurrection ayant eu lieu à la frontière marocaine, le Père se rend à cheval à Thagit pour apporter aux blessés les secours de son ministère.

Désireux cependant de poursuivre son apostolat auprès des populations, il entreprend un voyage vers le Sud et rejoint à Adrar le commandant Laperrine. Ils partent ensemble pour une expédition qui, en dix mois, les mènera, à travers les oasis du désert, jusqu'à Tamanrasset.

Cette nouvelle étape dans la vie du Père sera le point de départ de son ancrage dans le Hoggar. Il y passera onze ans dans la solitude et la prière, allant visiter à pied ou à dos de chameau les populations nomades éparpillées dans des campements. Trois séjours en France lui permettront de revoir sa famille. Il emmena même avec lui en 1913 un jeune targhi, Ouksem, qui découvrit ainsi la France.

Il partage son temps entre deux ermitages, l'un à Tamanrasset, à 300 m d'un village de 100 habitants, dans un large cirque entouré de montagnes, et l'autre, à 60 km de là, à 2700 m d'altitude, l'Asekrem,

Selon la description du docteur Vermale, venu le visiter: "l'ermitage du Père est tout un poème. Imaginez une pièce de 15 m de long, un vrai boyau. Là-dedans, une quantité prodigieuse de choses: livres, caisses, etc ... le tout installé dans des bibliothèques de fortune, mais dans un ordre parfait. Je ne puis comprendre comment tant de choses peuvent tenir en un si petit espace et qu'on puisse encore s'y loger. Ah ! par exemple, on ne peut passer de front, si maigre soit-on".

En juin 1916, le père de Foucauld, craignant une attaque ennemie, abandonne son ermitage pour un fortin, pouvant servir de refuge à la population.

Le Père aurait souhaité réunir autour de lui une petite communauté de prière. Cet espoir ne se réalisa pas. "Combien, disait-il, je voudrais voir les chrétiens fidèles de France s'occuper un peu de cette population algérienne pour laquelle ils ont les devoirs des parents envers leurs enfants puisque c'est terre française, et qui se meurt à l'islamisme". Et encore : "si la France n'administre pas mieux les indigènes de sa colonie qu'elle ne l'a fait, elle la perdra, et ce sera un recul de ces peuples vers la barbarie avec perte d'espoir de christianisation pour longtemps". Instruire, civiliser, convertir ensuite, telles sont les trois voies que les chrétiens devraient suivre pour. élever ces pauvres orphelins.

Le Père s'était attelé à des études approfondies de la langue touarègue. Il a travaillé à la rédaction de plusieurs dictionnaires, d'une grammaire touarègue et il a composé des recueils de poésies et proverbes touaregs.

Comme l'avait résumé M P. Bourdarie dans la Revue indigène du mois d'octobre 1913, l'œuvre du père de Foucauld est double:

- politique et scientifique au Maroc, où son nom tient la première place parmi les explorateurs géographes ;

- scientifique et sociale dans le Sahara, où son action se trouve étroitement associée à celle des officiers français.

Il fut interrompu dans son œuvre le 12 décembre 1916, tué dans le bordj qu'il avait construit par une bande de dissidents Sénoussistes. Ainsi, c'est en quelque sorte réalisé son désir de mourir martyr. Il l'avait écrit: "pense que tu dois mourir martyr, dépouillé de tout, étendu à terre, nu, méconnaissable, couvert de sang et de blessures, violemment et douloureusement tué, et désire que ce soit aujourd'hui" . L'apôtre du Sahara est mort sans avoir de disciples, mais, quelques années plus tard, des prêtres essayèrent de suivre les traces du père de Foucauld. En 1933, fut créée la communauté des Petits Frères de Jésus qui débuta à El Abiodh-Sidi-Cheikh, dans le Sud Oranais. Depuis lors, les Petits Frères et Petites Sœurs de Jésus ont essaimé à travers le monde, mais la fondation la plus émouvante fut certainement celle, établie en 1952, à Tamanrasset. Elle existe toujours. Trois frères ont relayé le Père à l'ermitage de l'Asekrem, et s'y trouvent actuellement, assurant ainsi la relève tellement désirée toute sa vie par le père de Foucauld.

 

Odette Goinard

 

1 Voir la biographie d'Antoine de Morès dans les Cahiers d'Afrique du Nord, N° 5.

 

 

Parmi ses œuvres :

 

* Notes pour servir à un essai de grammaire touarègue

* Textes touaregs en prose.

* Dictionnaire abrégé Touareg-Français des noms propres.

* Ecrits spirituels de Charles de Foucauld.

* Lettres inédites du Père de Foucauld à l'Abbé Caron

* L'Évangile présenté aux pauvres nègres du Sahara.

* Dictionnaire Touareg-Français.

* Pensées et maximes.

* L'esprit de Jésus, méditations et explications de l'Evangile Nazareth et Sahara 1898-1915.

* Voyageur dans la nuit, notes spirituelles diverses.

* Textes touaregs en prose.

* Reconnaissance au Maroc 1883-1884.

* Recueil de poésies touarègues

* Recueil de chants touaregs.

 

 

Bibliographie :

 

Nous ne pouvons donner la liste des très nombreux ouvrages se rapportant à la vie du père de Foucauld tant elle est importante, mais nous la tenons à la disposition des adhérents qui souhaiteraient en prendre connaissance. Nous nous sommes principalement référés pour écrire cette biographie, au livre du père Georges Gorrée Sur les traces du père de Foucauld, relatant sa vie au jour le jour. Ed. du Vieux Colombier 1953.

 

 


La Trappe de Notre-Dame des Neiges La Bastide (Ardèche)

 

 

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