Edmond Sergent

 
 

Philippeville, 1876

Andilly (Val d'Oise), 1969

 

Chercheur et savant, le docteur Edmond Sergent, avec la collaboration de son frère, a pratiqué la lutte antipaludique au sein de l'Institut Pasteur, arrivant à éradiquer ce fléau qui ravageait l'Algérie.

 

Edmond Sergent est né le 23 mars 1876 à Philippeville. Ce fut la carrière militaire qui amena ses parents à vivre en Algérie. Son père avait choisi en 1857 la Légion étrangère et fut affecté dans le département de Constantine. Il fut, par la suite, désigné pour organiser l'administration de la commune de Mila, où furent élevés ses fils Edmond et Etienne. De leur père, homme de devoir, les frères Sergent reçurent le sens de l'abnégation et du sacrifice au bien public. C'est lui qui en 1888 offrit à ses jeunes fils un livre intitulé "histoire d'un savant par un ignorant" le savant étant Louis Pasteur et l'auteur son gendre, René Vallery-Radot. De cette lecture naquit probablement la vocation des frères Sergent.

Edmond fait ses études de médecine à l'école de médecine d'Alger, puis en 1896 est interne à l'hôpital de Mustapha. Inspiré par la recherche, il écrit à Pasteur pour lui demander conseil sur la ligne de conduite à tenir pour son avenir. Celui-ci lui répond de sa main , en citant la phrase de Bossuet: "le plus grand dérèglement de l'esprit, c'est de croire les choses parce qu'on voudrait qu'elles soient".

En octobre 1899, Edmond Sergent a la chance d'être pris en surnombre à Paris, au cours de microbiologie que dirige le docteur Emile Roux, pastorien de la première heure. Il devient bientôt préparateur dans son laboratoire. Le destin devait le porter sur l'étude du paludisme. En effet, le contexte scientifique en ce domaine était à cette époque, particulièrement évolutif. Laveran découvrait en 1880, en Algérie, l'hématozoaire du paludisme, et démontrait in vitro l'efficacité de la quinine, découverte qui lui valut le prix Nobel en 1907. Le docteur Ross qui reçut le prix Nobel en 1902, vérifiait que le parasite était introduit dans l'organisme par la piqûre du moustique anophèle. C'est alors que les frères Sergent, Etienne étant également médecin, furent chargés par le docteur Roux d'aller vérifier en Algérie ces découvertes et d'en mettre les effets en application.

C'est ainsi que naquit la mission permanente de l'Institut Pasteur en Algérie qui dura de 1900 à 1910, avec la collaboration des deux frères. Ils allaient poursuivre ensemble leur labeur commun, dans une union parfaite de cœur et d'esprit, jusqu'à la mort d'Etienne en 1948.

Cette mission fut transformée en 1910 en Institut Pasteur d'Algérie, filiale de celle de Paris. Edmond Sergent en est nommé directeur, et le restera jusqu'en 1962. Dès lors, les deux frères entrent avec enthousiasme, dans la recherche sur la pathologie humaine, mais également animale et végétale. En 1909, ils démontrent, en collaboration avec Henri Foley, le rôle du pou en tant que vecteur de maladie transmise à 1 'homme, comme le typhus, Cette découverte majeure va permettre une lutte efficace contre ces maladies.

Parallèlement, les frères Sergent continuent leurs travaux sur le principal fléau du pays, le paludisme. La lutte s'organise contre la maladie, le vecteur, et les conditions environnementales propices à sa propagation. Les frères Sergent sont vite reconnus comme référents mondiaux sur le paludisme ainsi que l'atteste la revue britannique Popular Science monthly qui les qualifie en 1915 de "leaders de la lutte contre la malaria".

Leur compétence est mise à l'épreuve en 1916 par le ministre de la guerre, le général Lyautey : celui-ci les envoie en mission auprès de l'armée d'Orient, paralysée par l'impaludation. A force de persuasion et de preuves d'autorité, ils réussissent à généraliser le traitement des soldats malades et la prophylaxie systématique de tous les autres. Ces mesures draconiennes porteront leurs fruits et favoriseront la victoire de l'armée d'Orient sur l'armée allemande, elle-même impaludée, en 1917 et 1918.

Dans les années qui suivent la première guerre mondiale, Edmond Sergent constate que les autochtones de zones impaludées sont peu contaminés. Il en déduit que des sujets en contact fréquent avec le parasite, développent une immunité efficace, mais relative, car elle disparaît lorsque ceux-ci ne sont plus en contact avec le microbe. Le concept de la prémunition prévaut toujours de nos jours. La lutte contre le fléau s'organise dans les régions les plus fiévreuses de l'Algérie, souvent appelées "les pays de la désolation". Les pasteuriens d'Alger mettent en place la quinisation de masse qui n'a été possible et réussie qu'après de longs efforts soutenus, patients et adaptés, pour expliquer et convaincre les populations du bien-fondé de ces mesures. Ils y associent l'assèchement des marais, la destruction des larves de moustiques, dans les étangs et les marécages, par l'emploi de produits larvicides. Enfin, la protection des habitations contre le moustique est assurée par grillages et moustiquaires. La zone marécageuse de Boufarik, historiquement infectée, est rendue salubre grâce aux travaux d'assainissement de la fin du dix-neuvième siècle et du début du vingtième

Le marais meurtrier était devenu une terre nourricière. Des plantations d'orangers, de citronniers, de dattiers et l'introduction de cultures permirent à de nombreuses familles de s'implanter.

Le paludisme recula progressivement. C'est non sans une certaine fierté qu'Edmond Sergent, au terme de sa carrière, déclarait que soixante années de labeur avait permis l'éradication totale du paludisme en Algérie.

A partir de 1935, Edmond Sergent préside la commission du paludisme du Comité d'hygiène de la Société des Nations. De nombreuses autres recherches sont parallèlement menées avec des découvertes majeures donnant à l'école algéroise, tout au cours de ces soixante ans, une réputation mondiale de premier ordre dans le domaine de la pathologie tropicale. Plus de deux mille publications nationales et internationales sont écrites par cette équipe infatigable.

Le travail de chercheur ne fait pas oublier à Edmond Sergent son rôle de citoyen. Ainsi, pendant la deuxième guerre mondiale, l'Institut Pasteur rend les plus grands services à l'Algérie et aux organismes de santé des forces alliées. Membre de l'Académie de médecine en 1936, Edmond Sergent est élu, la même année, membre de l'Institut où il succède à Charles Nicolle(1). Il fait partie de nombreuses académies et sociétés savantes françaises et étrangères et il reçoit notamment en 1929 la médaille d'or de la société de pathologie exotique dont il est l'un des membres fondateurs.

Le chercheur algérois est donc reconnu et honoré pour son œuvre, comme le sont son frère et ses collaborateurs. Mais la plus grande récompense n'est-elle pas cette phrase qui lui fut souvent dite par les Algériens du bled: "tu es mon père, tu es ma mère" ?

Le 21 juin 1962, dix jours avant que le drapeau français ne soit définitivement amené sur tout le territoire algérien, Sir Georges Mac Robert, président de la Britannic of tropical and Royal Society, à l'occasion de la remise de la médaille Manson à Edmond Sergent, devait déclarer : "bien que la Manson medal soit attribuée à titre personnel, pour les travaux scientifiques accomplis, je tiens à saisir cette opportunité pour rendre hommage à la France qui a joué un rôle primordial dans les progrès de la médecine tropicale dans les pays chauds et plus particulièrement en Afrique. Nous devons saluer les sacrifices accomplis par des générations de Français en Algérie. Ils n'ont jamais cessé de travailler à l'amélioration du sort de l'homme et des animaux en Afrique et l'Institut Pasteur d'Alger a brillé comme un phare au dessus des ténèbres de l'Afrique". Croix de guerre avec palmes pour les services rendus à l'armée d'Orient, Edmond Sergent est également Grand officier de la Légion d'Honneur.

Au long de ses dernières années de vie, alors que la guerre sévit et, après l'indépendance, Edmond Sergent garde toujours une attitude digne. Lorsqu'il quitte cette terre ensoleillée qu'il a tant aimée, il ne manifeste aucune plainte, ni colère. Il tente ainsi de rester fidèle à ce conseil donné par Pasteur au début de sa vie de chercheur: "voir et accepter les choses qui ne peuvent être changées, telles qu'elles sont, et non telles qu'on aurait voulu qu'elles soient".

Il quitte pour toujours l'Algérie en 1964 et décède à Andilly (Val d'Oise) en 1969.

 

X. de la Tribonnière
arrière petit-fils d'Edmond Sergent

 

1 Voir la biographie de Charles Nicolle dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 2.

 

 

Bibliographie :

 

Edmond Sergent (1876-1969) et l'Institut Pasteur d'Algérie. Bull. Soc. pathol. exot. 2000, 93, 5, 365-371. Cet article comporte soixante-cinq références bibliographiques concernant les travaux d'Edmond Sergent et de ses collaborateurs. Nous ne pouvons, faute de place, les reproduire dans ces feuillets, mais nous les tenons à la disposition de nos adhérents qui seraient intéressés. Citons néanmoins L'histoire d'un marais algérien, Inst. Pasteur d'Algérie, Alger 1947.

 

Parmi ses œuvres :

 

On les retrouve dans les références bibliographiques citées ci-dessus, à savoir:

* Publication des travaux scientifiques de l'Institut Pasteur de 1900 à 1962.

* Plus de 2000 études publiées dans les revues nationales, internationales et dans les archives de l'Institut Pasteur d'Algérie.

* Une quinzaine d'ouvrages scientifiques.

 

 

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