Charles

Nicolle

 
 

Rouen 1866
Tunis 1936

Institut Pasteur de Tunis vers 1945

 

 

Fils de médecin, Charles Nicolle fréquente le lycée Corneille à Rouen et commence ses études de médecine en cette ville. Dès cette époque, il est atteint d'une surdité évolutive. Il terminera sa vie pratiquement sourd malgré un appareillage très voyant, ce qui lui vaudra, de la part du personnel indigène de l'Institut Pasteur de Tunis, le surnom de « toubib tiliphon » (docteur téléphone).

A la fin de sa seconde année de médecine, en 1887, il rejoint son frère aîné, Marcel, à Paris. Après avoir réussi l'internat et fait son service militaire, il suit les cours de microbiologie à l'Institut Pasteur de Paris (Pasteur encore vivant, le croisant un jour dans un escalier, l'encourage et lui recommande de beaucoup travailler). Il termine son stage sous l'autorité des docteurs Elie Metchnikoff et Emile Roux. En 1893, il soutient sa thèse sur le chancre mou.

Il rejoint sa ville natale en 1894, espérant mettre la microbiologie à la portée des médecins de sa ville. Le docteur Roux lui a confié la fabrication à Rouen d'une nouveauté : le sérum antidiphtérique, la production parisienne ne couvrant pas les besoins de toute la France. Il travaille dans son laboratoire de l'Ecole de médecine de Rouen, enseigne la microbiologie, essaie d'élever le niveau médical, crée avec deux confrères un sanatorium et publie les résultats de ses travaux.

Ses succès sur le plan médical lui valent jalousies et critiques. Le directeur de l'Ecole de médecine de Rouen lui refuse l'agrandissement de son laboratoire. Un poste s'offre alors à lui à Tunis afin de remplacer André Loir, neveu par alliance de Pasteur, à la tête d'un petit laboratoire existant depuis 1893. Il accepte cette proposition et débarque à Tunis avec sa famille le 23 décembre 1902, à bord du « Ville de Tunis ». Il y restera trente-quatre ans.

Au début du siècle, la Tunisie est sous protectorat français depuis le traité du Bardo de 1881 et la convention de La Marsa de 1883. Tunis compte 150000 habitants environ et la Tunisie 1800000. La population est composée de Musulmans, d'israélites et d'Européens (Italiens et Siciliens, Français, Maltais, Grecs et quelques ... divers).

Sur le plan médical, il y a des médecins français dont Lemanski et Cuenod, tous deux membres associés de l'Institut Pasteur de Tunis pour leurs travaux sur le trachome, et plus tard son élève Roger Nataf; il y a aussi des médecins italiens et juifs qui ont fait le plus souvent leurs études en Italie et un nombre très restreint de médecins tunisiens. Son laboratoire est situé dans les locaux du Contrôle civil. Dès Janvier 1903, il demande la construction d'un Institut Pasteur digne de ce nom. Le résident général lui donne satisfaction. Il peut donc s'installer en février 1904 dans ses nouveaux locaux. L'inauguration officielle aura lieu le 3 mai 1905 en présence des autorités locales et du docteur Gauthier, ministre des Travaux publics en France.

Pour Charles Nicolle, ses nouveaux locaux et ses premiers collaborateurs en place, tout est prêt pour la grande aventure. Entre 1905 et 1914, il s'intéresse au paludisme, à la brucellose, au trachome, aux leishmanioses, agents de la maladie héréditaire du kala-azar. Il découvre la toxoplasmose ainsi que le rôle exclusif du pou dans la transmission du typhus et le pouvoir protecteur du sérum du convalescent (en particulier dans le typhus et la rougeole). Il effectue des recherches sur les fièvres récurrentes transmises également par le pou.

La guerre de 1914 désorganisera l'Institut Pasteur de Tunis et ralentira considérablement les recherches.

Il est intéressant de souligner que la découverte de la transmission du typhus a protégé les soldats en France, alors que l'armée d'Orient, moins surveillée sur le plan de l'hygiène, a été durement frappée en Serbie.

En 1918, il ne reste pas indifférent à la grande épidémie de grippe, fait quelques expériences et publie ses observations à l'Académie des Sciences de Paris. Il continue ses recherches et les approfondit. Il publie et effectue de nombreuses missions à l'étranger.

En 1927, il reçoit le prix Osiris de l'Institut de France. Rouen lui organise une grande réception. A la fin de cette même année, on fête en grande pompe son jubilé: 25 ans à la tête de l'Institut Pasteur de Tunis. Sa fille Marcelle vient s'installer à Tunis comme médecin.

En 1928, Charles Nicolle reçoit le Prix Nobel de médecine pour l'ensemble de ses travaux sur le typhus. Mais sa santé se détériore et au cours de l'été les premières manifestations d'une grave maladie cardiaque apparaissent. C'est au même moment que cet homme agnostique, anticlérical, mais tolérant, entame un retour vers la foi chrétienne. Il entretient une relation épistolaire à ce sujet avec un de ses amis d'enfance, croyant fervent, Edouard Delebarre, resté à Rouen. En décembre, Charles Nicolle est élu à l'Académie des Sciences. En 1932, il est nommé professeur au Collège de France. Son objectif premier est de susciter des vocations de chercheurs. C'est aussi l'année du repos forcé à Combloux. Sa femme veille et l'entoure. Il se sent près de la fin et reçoit l'extrême­onction. Il rentre à Tunis où il se sent toujours responsable de son Institut, inquiet de sa succession.

Bien que de plus en plus fragilisé par la maladie et des troubles mal identifiés contractés au laboratoire, il continue de publier des articles et des ouvrages. Le dernier en 1935 aura pour titre

« Responsabilités de la médecine »

Il essaie de suivre les expériences en cours, mais décède le 28 février 1936. Charles Nicolle repose, comme il l'avait voulu, dans son Institut Pasteur de Tunis où il a été inhumé revêtu de sa blouse de travail.

En 1966, Tunis a célébré le centenaire de sa naissance et du 14 au 18 novembre 1993 a été célébré le centenaire de l'Institut Pasteur de Tunis.

O.G d'après un texte de Régine Avignon

 

 

BIBLIOGRAPHIE

Maurice Huet: Le Pommier et l'Olivier, Charles Nicolle, une biographie (1866­1936), Editions Sauramps médical, 1995

 

 

PARMI SES ŒUVRES

Charles Nicolle ne fut pas seulement un chercheur. La surdité le coupant quelque peu du monde, il a écrit quelques romans et nouvelles qui n'ont pas eu grand retentissement littéraire. Quelques titres: « Le Pâtissier de Bellone» (1913), un recueil de nouvelles « Les Feuilles de la Sagittaire» (1914), « La Narquoise» (1922), « Les Menus Plaisirs de l'ennui» (1924), « Les Contes de Marmouse» (1927-1930).

Quelques ouvrages également sur la responsabilité de la médecine, sur la destinée humaine au sens le plus large. En 1929, il écrit « Lettre aux sourds ». Cette lettre sera reprise par la « Revue des mutilés de l'oreille» en mars 1929, par la « Revue normande » en juillet 1929 et publiée à Tunis aux éditions Aloccio.

 

 

 

Charles Nicolle, Prix Nobel vu par Henri Saada

 

 

 

 

retour à la page des biographies