Auguste

Margueritte

 
 

Manheulles (Meuse), 1823

Belgique, 1870

Le général Margueritte

 

Esprit d'élite, pénétrant et droit, Auguste Margueritte portait en lui toutes les qualités du soldat.

Le désert en a fait un homme hors du commun, au courage indomptable, qui sut se faire respecter et même vénérer par les populations indigènes.

La biographie du général Margueritte, écrite par Jacques Frémeaux, est déjà parue dans le numéro 8 de Mémoire Plurielle. Notre collaboratrice, Odette Goinard, s'étant à son tour, penchée sur cette vie, en présente une nouvelle version. Tout en étant conforme en tous points à l'étude présentée par Jacques Frémeaux, elle s'attarde davantage sur certaines périodes de cette vie si féconde et conte plusieurs anecdotes de nature à souligner le caractère indomptable de ce personnage de légende.
 

Auguste Margueritte naquit à Manheulles en 1823. Son père étant nommé gendarme en Algérie en 1831, c'est à l'âge de huit ans que l'enfant découvre l'Afrique. Il passe son adolescence à Kouba (Alger) où son père est en poste.

Dès onze ans, ayant une parfaite connaissance de la langue arabe, il sert d'interprête et accompagne les gendarmes dans leurs missions. A quinze ans, il s'engage dans les gendarmes maures et participe à de nombreuses expéditions. Brigadier à dix­sept ans, il se bat pendant toute l'année 1840. Il n'a pas dix-huit ans quand il défend comme sous-lieutenant, la ligne de l'Arrach, en avant d'Alger, contre les Kharezas. Il est cité quatre fois à l'ordre du jour.

Après la dissolution des gendarmes maures, il se réengage comme simple soldat au 4ème Chasseurs d'Afrique. Convois, expéditions et combats se succèdent. Il reprend rapide­ment ses grades et reçoit à vingt ans la croix de la Légion d'honneur.

Margueritte a 21 ans quand Saint-Arnaud lui confie en 1844 le bureau arabe de Teniet-el­H.aâd. A peine quelques baraques s'élevaient à Teniet quand il y arrive. Il y bâtit un village, trace des chemins, aménage des fontaines, élève des maisons de commandement, construit des barrages, dont celui de Nahr OuasseL Au sud de Téniet, il fore des centaines de puits et sillonne la steppe de six cent trente-cinq kilomètres de routes destinées au transport des laines.

Dix ans plus tard, Randon l'envoie commander le cercle de Laghouat. Durant sept ans, il exerce les fonctions d'administrateur et de bâtisseur. Une ville entière sort de ses mains. Laissons parler Emile Masqueray(1) dans ses Souvenirs et visions d'Afrique "L'impression que m'a faite une des créations de Margueritte, Messâd, à peu de distance de Laghouat, est ineffaçable ... Quand j'entrai dans l'oasis, j'y trouvai, à côté d'un village misérable, fait de cailloux croulants, un édifice de style oriental, bordé d'arcades, précédé d'une cour carrée et, à côté, une élégante mosquée bâtie depuis peu de temps sur le tombeau d'un dévot musulman. Deux personnages magnifiques de costume et très beaux de visage m'attendaient dans la cour, comme des princes d'un conte de fées, et m'accueillirent par ces paroles "vous êtes chez vous, nous sommes tous ici les enfants d'Amargrët". Sous cette forme bizarre, le joli nom de Margueritte passait ainsi dans la légende." Lorsque des révoltes éclatent, c'est à Margueritte qu'incombe la charge d'envoyer sur place les hommes, les mulets, les chevaux, les chameaux. Il lui faut alors tirer tous les éléments d'une armée de vingt tribus diverses et sans cohésion. Ses qualités de diplomate et la rapidité de sa stratégie lui permettent toujours d'arriver à temps pour "défendre son désert". Tribus, hommes, animaux, il a tout en main et fait tout plier à sa volonté.

C'est l'époque des grandes chasses qu'il décrira dans un livre de souvenirs, publié en 1869. Chasses à la panthère, au faucon, mais aussi à l'autruche. Sa mère désire de jolies plumes pour son chapeau. Son cheval est sellé, ses amis arabes l'attendent, le désert est proche, le soleil est cuisant et à quelques trentaine de lieues, il y a les plumes les plus belles. Seulement, il faut les prendre et les arracher au flanc des autruches. il part quinze jours, court et fait bonne chasse. Un jour, il part avec un Arabe à la recherche d'un lion dans une gorge pleine de hautes broussailles. Son guide qui le précède en écartant les branches s'arrête tout à coup et défaille. Margueritte se jette à . sa place et voit la bête énorme, repliée sur un rocher plat, dans l'attitude des Sphinx d'Egypte en face de lui, les yeux dans les siens. Il épaule avec sang-froid et tire au front. Le lion frappé à mort se reverse tout entier et roule dans le précipice.

Margueritte se marie avec une jeune fille d'Alsace, Mlle Mallarmé. De cette union naîtront deux fils, Paul né à Laghouat en 1860 et Victor à Blida en 1867. Ils seront tous deux écrivains et rédigeront, en collaboration, plusieurs ouvrages.

Margueritte est rappelé en France, puis envoyé au Mexique où il se bat avec toute sa vaillance africaine. Il est cité cinq fois à l'ordre du jour. De retour en France, bien que choyé, attiré et flatté dans les fêtes impériales, il ne rêve que de retourner en Afrique. Devenu colonel, il est nommé à Blida où il commande le 1er Chasseurs d'Afrique de 1865 à 1867.

Nommé général de brigade en 1867, il demeure au chef-lieu de sa subdivision, Alger. Mais l'heure sonne, 1870. Il reçoit l'ordre de se rendre à l'armée du Rhin. Les désastres se précipitent, le désordre est partout. Il s'offre à diriger quelque opération utile, veut se prodiguer, n'est pas écouté, et faute de mieux, enlève la gare de Pont-à-Mousson, occupée par l'ennemi. Là il fait le siège d'une auberge crénelée, fond sur les officiers prussiens qui fuient, fait le coup de sabre avec l'un d'eux, et, comme on lui reproche d'avoir trop risqué, répond "nos soldats sont jeunes; ce n'est pas le temps de se ménager". On le nomme général de division. C'est la veille de Sedan. Le 1er septembre 1870 le canon tonne, Mac-Mahon est blessé, il faut lutter sans ordre contre un adversaire déjà sûr de vaincre. Alors, Margueritte range sa division en échelons, charge trois fois à la tête du 1er et du 3ème Chasseurs d'Afrique sur l'infanterie qui couvre les batteries prussiennes et, pendant tout le milieu du jour, il est l'âme même de la France, se battant là, non plus pour son sol, mais pour l'honneur. A deux heures, près d'un bois appelé, par une curieuse coïncidence, "l'Algérie", une balle le renverse, les deux joues percées, la langue à demi-coupée, le palais brisé. Son ordonnance et son aide de camp le relèvent sous une pluie de plomb, il veut qu'on le remette en selle et, soutenu des deux côtés, se rapproche lentement de ses cavaliers. Sur cette terre déchirée d'éclats d'obus, dans cette tempête meurtrière, tous ses hommes le saluent en abaissant leurs sabres, avec des vivats et lui, le visage en sang, se dressant sur ses étriers, raidit son bras en face de l'ennemi pour leur faire signe de charger encore. Huit jours après, il expire en Belgique.

Sa dépouille fut ramenée en Algérie, au "beau cimetière de Mustapha" dira son fils.

Le 17 avril 1887, la statue de bronze du général Margueritte, sculptée par Albert Lefeuvre, est inaugurée à Kouba. Madame Margueritte et ses deux fils étaient au premier rang. L'écrivain Emile Masqueray rendra compte de la cérémonie dans le Journal des Débats: "Beau jour où des milliers d'hommes, pressés sur l'esplanade ensoleillée et sur les hauts talus ombragés d'arbres jeunes, une foule d'uniformes, de toilettes de femmes, de vestes et de blouses, frémissant sous le frottement des oriflammes et des drapeaux tricolores, généraux en grande tenue, gouverneur général de l'Algérie, chefs arabes du sud à la barbe grise, ouvriers et colons, tous venus là pour l'applaudir, ont senti passer dans leurs âmes, en le revoyant, le frisson de la gloire. Des discours furent prononcés. Un conseiller général indigène, Ben Siam, déclara, au nom de son père qui fut le compagnon de Margueritte: "Nous autres indigènes, nous n'avons pas coutume de consacrer par des images, des souvenirs de nos morts, mais puisque vos usages sont différents, nous sommes venus avec empressement coopérer à l'élévation de cette statue, afin de perpétuer la mémoire de Margueritte, un des meilleurs qu'ait vu notre Algérie depuis qu'elle est devenue terre française" .

Cette statue fut transférée le 6 septembre 1968 à Floing (Ardennes) là où était tombé le général Margueritte, et à la date anniversaire, presque centenaire, de sa mort. Un village, près de Miliana (département d'Alger) portait son nom.

0. G..

1 Voir la biographie d'Emile Masqueray dans les Cahiers d'Afrique du Nord N° 10.

 

Parmi ses œuvres :

 

* Chasses de l'Algérie et Notes sur les Arabes du Sud Alger, Bastide 1869.

 

Bibliographie :

 

* Souvenirs et visions d'Afrique. Emile Masqueray. 1892. Réédition en 1989 et 1997 par la Boîte à Documents.

* Les chevauchées du Général Margueritte de Miliana à Sedan, par le Commandant Gandin. Librairie nationale d'éducation et de récréation.

* Monuments en exil. Alain Amato. Editions de l'Atlanthrope 1979.

* Mon père. Paul Margueritte, nouvelle édition revue et commentée des lettres du général Margueritte. Ed. Dentu, Paris, 1886.

 

 

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