Laurent

Schiaffino

 
 

Alger 1897

Paris 1978

 

Laurent SCHIAFFINO

 

Laurent Schaffino fut le dernier descendant d’une dynastie d’armateurs d’origine génoise. Remarquable marin, homme politique, habile financier, travailleur acharné, il eut  un rôle prépondérant dans le développement maritime et l’économie de l’Algérie  durant le demi-siècle précédant l’indépendance.

L’arbre généalogique de la famille Schiaffino plonge ses racines dans des temps anciens. Son histoire se confond avec celle des liens maritimes entre la puissante république de Gênes, dont elle est originaire, et les côtes barbaresques. Dès la conquête de l’Algérie par la France en 1830, Jacques Schiaffino, négociant armateur, qui avait noué des liens commerciaux avec l’Algérie, pose les fondations d’une maison d’acconage. Son fils Laurent lui succéda, ajoutant à la gestion de cette entreprise, la création d’une société de sauveteurs en mer.

La succession de Laurent fut assurée par son frère Angelo et son fils Charles. Ce dernier achève l’œuvre entreprise en y ajoutant le cabotage, étendu au trafic entre la France et l’Algérie.

Très rapidement, sous l’égide des Schiaffino, une flotte est constituée, pratiquant la navigation côtière desservant les villes de la côte algérienne : Alger, Ténès, Mostaganem, Arzew, Oran.

Le 22 janvier 1897 Charles a un fils nommé Laurent en souvenir de son propre père.

Le grand essor du trafic maritime qui fera la célébrité en Algérie de  la Maison Schiaffino, fut amorcé par l’obtention du transport des phosphates des mines du Kouif, à destination dans un  premier temps, des côtes espagnoles.

Le jeune Laurent est initié très tôt aux affaires de la Maison. Tout le prépare à prendre le flambeau. Laurent est un dauphin prometteur. Inscrit à l’école des chefs de quart de Lorient, le jeune homme collectionne les bonnes notes. Il progresse rapidement dans la marine militaire. Il est promu par ses supérieurs au grade d’enseigne de vaisseau. Durant la guerre, devançant l’appel en 1915,  Laurent s’engage dans la marine et commande un sous-marin dans le détroit des Dardanelles. Il sera second torpilleur en 1918 et commandera un chasseur garde-pêche en 1919. Au sortir du conflit il s’apprête à prendre en main les rênes de la Maison Schiaffino. La Société Algérienne de Navigation (SANPAN) voit le jour, son siège social étant à Alger et sa succursale à Paris. Il en deviendra le chef incontesté lors du brusque décès de son père le 29 juillet 1920. Il possède les qualités qui en font le digne successeur de Charles.

En décembre 1920 Laurent acquiert le premier navire destiné aux transports entre l’Algérie, l’Espagne et la France. Trois navires sont acquis en 1921 portant les noms de ses ancêtres. A la fin de 1921 d’autres lignes sont créées vers la France : Dunkerque, Rouen, Sète, Marseille, Nice.

Le développement des compagnies maritimes au fil des années implique l’élargissement des espaces portuaires. Les expéditions bônoises de phosphates vers la France sont réalisées dans des installations d’un étonnant modernisme.

En 1929 et 1930 Laurent fait construire ses premiers navires neufs : quatre pour la ville de Rouen, les Monique, Ange, Marcel, et Charles Schiaffino, de 5500 tonnes et deux pour la ligne de Sète, Jacques et Catherine Schiaffino, de 2500 tonnes. En 1939, la SANPAN exploite dix-neuf navires desservant l’Algérie, la Corse, les ports de la métropole et d’Anvers.

En 1934, la Compagnie est endeuillée par le naufrage du Schiaffino XXIV  faisant vingt-cinq victimes.

La seconde guerre mondiale bouleverse cette belle ordonnance. La compagnie perd sept navires. Les services redémarreront après la guerre avec les cargos rescapés.  Le remplacement des unités perdues s’étale de 1949 à 1952.  Les nouveaux navires sont différents de leurs prédécesseurs. Le vin ne se transporte plus en fûts mais en vrac dans des cuves intégrées à la structure des cargos. Grâce à d’habiles négociations avec l’État, Laurent arrivera, non sans difficultés à reconstituer en partie sa flotte marchande. La Compagnie dont la raison sociale a été modifiée en 1950, prenant le nom de Société Algérienne de Navigation Charles Schiaffino et Cie mène un programme de constructions neuves portant sur six navires, quatre de 6500 tonnes pour les lignes du Nord (1951-1952), deux de 2800 tonnes pour les lignes du Sud (1951). Viendront en plus en 1955-1956 quatre autres navires neufs en remplacement d’unités anciennes vendues. En 1966 la Compagnie Schiaffino comptait 21 navires.

1949 qui est pour Laurent une douloureuse année -  il perd son fils âgé de quatorze ans - marque aussi le début de son engagement public en Algérie. Il est élu Président de la Région Économique d’Algérie et Président de la Chambre de Commerce d’Alger, deux postes qu’il conservera jusqu‘en 1962. Il figure également parmi les principaux actionnaires du quotidien La dépêche Algérienne. En 1955 il devient sénateur et sera réélu en 1959.  Au cœur de la tourmente, il plaide inlassablement la cause de l’Algérie, son  pays. Il préside par ailleurs en Algérie nombre d’organismes liés à ses activités diverses.

L’indépendance de l’Algérie en juillet 1962 entraîne le changement de port d’attache des navires. La flotte participe activement au rapatriement des biens des Français d’Algérie. Mais pour Laurent Schiaffino ce n’est pas la rupture. Il continue à résider une grande partie de son temps sur sa terre algérienne en continuant son activité d’armateur jusqu’à ce que l’imposition d’un monopole de l’État algérien y mette un terme. Quelque chose est alors irrémédiablement brisé dans le cœur de Laurent lorsqu’il ramène lui-même son cher Saint-Charles d’Alger à Sète en 1971.

La flotte affectée à la desserte de l’Algérie se réduit chaque année du fait de la baisse des échanges et de l’effondrement des transports des vins.

Ne se résignant pas au dépérissement de son armement, Laurent entreprend, en 1975, le transport roulier et acquiert le Schiaffino d’une capacité d’environ trente remorques routières. Après quelques années de réflexion, il décide de se redéployer dans la navigation transmanche. Il lance en 1978 une première ligne pour camions entre Dieppe et Shoreham, puis Ostende, activité qui se poursuivra jusqu’en juin 1990, la Compagnie ne s’estimant pas alors en mesure de concurrencer le tunnel sous la Manche qui ouvrira en 1994.

Laurent ne connaîtra pas les péripéties de cette reconversion car il décède subitement le 11 juillet 1978. Son gendre, Henri de Clermont-Tonnerre aura la douloureuse mission de vendre en 1979 le dernier cargo en ligne sur l’Algérie,  le Laurent Schiaffino.

L’armement Schiaffino n’est plus. Sa disparition a laissé un vide cruel qui ne sera jamais comblé. Il continue néanmoins à vivre dans les souvenirs comme l’expression d’une  grande époque à jamais révolue. Le cœur n’oubliera jamais ces navires qui étaient pour la plupart parmi les plus beaux que la mer ait  jamais porté. Laurent Schiaffino les dessinait lui-même avec amour.

 

D’après un article paru dans French Lines, bulletin n°62

Odette Goinard

 

Bibliographie

 

Les Schiaffino, une dynastie d’armateurs d’Olivier Boudot (Ed. Pascal Galodé)

 

   

 

Les schiaffino par Olivier Boudot (ed. Pascal Galodé)

 

 

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