Yvonne

Allais

 
 

Clermont-Ferrand 1891
Nantes 1981

 

Yvonne Allais à Djemila

 

 

Yvonne ALLAIS est née le 4 septembre 1891 à Clermont-Ferrand où son père était professeur à la Faculté des Lettres. Elle manifeste très tôt un goût prononcé pour les études littéraires, qu'elle entreprend à Rennes où son père avait été nommé, puis les poursuit à Paris. Reçue première (sur sept) à l'agrégation d'histoire et géographie en juillet 1914, elle enseigne successivement au lycée de jeunes filles de Rennes, puis au lycée de Brest, et de nouveau de Rennes en 1919.

Intéressée par l'antiquité, elle obtient un congé pour convenance personnelle pendant l'année scolaire 1924-1925, afin de voyager en Italie. Elle y découvre les sites et monuments qu'elle ne connaissait que par les livres, et auxquels elle pourra désormais se référer plus concrètement. Elle avait en effet décidé de consacrer ses études à l'archéologie. Ceux qui l'ont connue savaient que lorsqu' elle voulait mettre une idée à exécution, rien ne pouvait l'arrêter.

Sa nomination au lycée d'Alger en septembre 1925 allait lui permettre de se vouer à Djemila, la cité antique de Cuicul, située en Algérie à 50 km au Nord-Est de Sétif, en bordure de la région du Constantinois.

Elle travaille d'abord sur le terrain comme collaboratrice de Mme de Crésolles, archéologue, directrice des fouilles. Puis, après un rapide retour à Paris où elle enseigne aux lycées Racine et Victor Duruy, elle succède en 1942 à Mme de Crésolles et se consacre à Djemila.

Vue d'ensemble du site de Djemila

Pendant quinze ans Yvonne Allais s'est véritablement identifiée à cette petite ville de Numidie, dont les Romains avaient fait une colonie, en lui conservant le nom berbère de Cuicul, et dont le nom arabe- Djemila - qui signifie « La Belle », exprime si bien le charme et la séduction. Son terrain d'action était très vaste.

Djemila est un témoignage exceptionnel d'une civilisation disparue. Fondée sous le règne de l'empereur Nerva (96-98 de notre ère), elle avait été érigée à 900 mètres d'altitude, constituant un site défensif d'importance stratégique.

Avec son forum, ses temples, ses arcs de triomphes, ses thermes et ses maisons, Djemila est un exemple remarquable d'urbanisme romain adapté à un site montagneux. C'est un des fleurons de l'architecture romaine en Afrique du Nord. Le site a aussi été marqué par une empreinte chrétienne matérialisée par plusieurs édifices de culte une cathédrale, une église et son baptistère considéré parmi les plus grands de la période paléochrétienne. Il comprend une collection remarquable de pavements en mosaïques, illustrant des récits mythologiques et des scènes de la vie quotidienne.

Cuicul a connu pendant plusieurs siècles un urbanisme dynamique, jusqu'à l'invasion des Vandales en 431. Reconquise par les Byzantins, elle avait retrouvé un semblant de stabilité, mais est tombée dans l'oubli à la fin du VIème siècle.

On comprend qu'Yvonne Allais, passionnée d'archéologie, ait pu s’attacher par toutes les fibres de son être à cet ensemble superbe en faisant revivre cette vie qui l'avait jadis si longtemps animée. Dès 1938, elle avait répondu à l'appel de Stéphane Gsell, en rédigeant un petit livre pour la collection Le Monde Romain publiée par les Belles Lettres. Elle y retraçait l'histoire de la cité et en décrivait les vestiges « avec des qualités de précision, de méthode et de clarté », justement louées par Eugène Albertini dans l'avant-propos.

L'archéologie lui doit la fouille des quartiers Est et Ouest de la ville, dont on ne connaissait encore en 1938 que l'axe central Nord-Sud, le grand cardo, sorte d'épine dorsale d’un corps urbain qui s'est progressivement développé d'abord en direction du Nord, puis vers le Sud. C'est donc tout naturellement à ces deux quartiers qu'Yvonne, soucieuse de ne pas garder le fruit de ses recherches, a consacré plusieurs articles dans la Revue Africaine, dans le Bulletin des Travaux historiques et scientifiques, dans Libyca et dans le Bulletin d'Archéologie Algérienne. Vivant en contact étroit avec les Anciens qui avaient vécu en ces lieux elle s'est efforcée de comprendre d'abord les solutions qu'ils avaient apportées aux problèmes de tous les jours, qu'il s'agisse de l'alimentation en eau, de l'aménagement des greniers, de la vaisselle d'usage quotidien. Ce qui ne l'a pas empêchée de se pencher sur les questions posées par la sculpture et la mosaïque.

Mise à la retraite en 1956, Yvonne a eu de la peine à s'arracher à ce coin d'Algérie auquel elle était attachée par toutes les fibres de son être. Sa vie se confondait avec celle des ruines et du chantier, du village et de ses habitants, qu'elle aimait à sa manière, autoritaire et généreuse. Elle a quitté Djemila en 1957 pour s'installer à Paris rue des Feuillantines, non loin de l'Institut de l'Art, où elle assistait très assidument aux réunions de la Société française d'Archéologie. Elle passait ses étés à Vialas, dans sa chère Lozère, où elle retrouvait les siens.

Elle s'est éteinte le 28 juin 1981 à l'âge de 90 ans.

Antiquités Africaines a rendu un juste hommage à Yvonne Allais dont la forte personnalité et les importantes découvertes ont marqué l'archéologie algérienne (18 1982 pp 7-9).

D'après Marcel Le Glay ; Hommes et Destins - Tome VII.

Voici ce qu’en écrit Albert Camus dans Noces

« Il faut beaucoup de temps pour aller à Djemila. Ce n’est pas une ville où l’on s’arrête et que l’on dépasse. Elle ne mène nulle part et n’ouvre sur aucun pays.  C’est un lieu d’où l’on revient. La ville morte est au terme d’une longue route en lacets qui semble la promettre à chacun de ses tournants et parait d’autant plus longue.  Lorsque surgit  enfin sur un plateau aux couleurs éteintes, enfoncé entre de hautes montagnes, son squelette jaunâtre comme une forêt d’ossements, Djemila figure alors le symbole de cette leçon d’amour et de patience qui peut seule nous conduire au cœur battant du monde. Là, parmi quelques arbres, de l’herbe sèche, elle se défend de toutes ses montagnes et de toutes ses pierres, contre l’admiration vulgaire, le pittoresque ou les jeux de l’espoir. »

 

Odette Goinard

BIBLIOGAPHIE

L’alimentation en eau d'une ville romaine d'Afrique : Cuicul (Djemila). Congrès international d'Archéologie, Alger 1930, 1933, p. 93-117.

Le problème de l'alimentation en eau de la ville de Djemila (Cuicul) ; Bulletin archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques ; 1930-1931, page 82-94.

Les greniers publics de Djemila, Revue Africaine, LXXIV, 1933, p. 259-273.

Djemila ; collection Le monde romain ; Paris, Les Belles-Lettres, 1938, 83 p avant-propos d'E. Albertini.

La maison d'Europe à Djemila ; Revue Africaine, LXXXIII, 1939, p. 35-49.

Les recherches exécutées de 1942 à 1949 à l'Est du Forum des Sévères sur le site de l’ancienne Cuicul ; Bull. Arch. du Com. des Tr. Hist. et Sc., 1951-1952.

Le quartier à l’est du Forum des Sévères ; Revue Africaine, XCII, 1953.

Djemila : une dédicace à Cybèle (à la mémoire de L. Leschi) ; Lybica, II, 1954.

Les fouilles de 1950-1952 dans le quartier Est de Djemila ; Libyca, II, 1954.

Mosaïque du musée de Djemila (Cuicul) : la toilette de Vénus ; Actes du Congrès National des Sociétés Savantes ; Alger 1954, 1957, p. 67-84.

Une nouvelle basilique chrétienne de Cuicul du Ve siècle probablement ; Bull. Arch. Du Com. des Tr. Hist. et Sc., 1955-1956, p. 72-76.

Statuette de Bacchus trouvée à Djemila (Cuicul) ; Libyca, V, 1957, p. 27-35.

Notes sur quelques tessons de Djemila ; Libyca, V, 1957, p. 37-42.

Plat de Djemila à décor mythologique ; Libyca, VII, 1959, p. 95-58.

Une basilique cimétériale à Djemila (Cuicul) ; Bull. d'Arch. Algérienne, I, 1962 p. 189-205.

 

 

 

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