Demetrio

de San Felix Garcia

 

Ferronnier

Valence 23 décembre 1872

  Alger 13 décembre 1936

 

Demetrio de San Felix Garcia

 

Né en Espagne à Jàtiva province de Valence le 23 décembre 1872, Demetrio a été abandonné à sa naissance. Déposé dans l'église de San Feliu (Saint Félix) il est recueilli par des religieuses qui lui donnent le nom de San Felix. Il sera ensuite adopté par Baptiste Garcia qui lui donne son nom de famille. Ce dernier, marié avec Maria Teresa Jorda, aura ensuite deux enfants, Jean-Baptiste et Thérèse. Maria Teresa décède le 16 novembre 1880. La famille quitte alors l'Espagne pour se rendre en Algérie. Elle s'installe à Mustapha, commune limitrophe d'Alger.

Baptiste Garcia s'est remarié avec Rose Pascual, veuve Riera, mère de trois enfants. Ne s'entendant pas avec sa belle-mère, Demetrio, à l'âge de 16 ans, quitte le domicile de son père adoptif, emmenant avec lui son frère et sa sœur plus jeunes qu'il continuera à élever. Il apprend le métier de serrurier dans une entreprise située à Saint-Eugène (Alger). Pour se rendre à son travail, il devait faire tous les jours 16 km à pied.

Le 16 juin 1894, il épouse Grâce Marie Garda, native de Beniarrès (province d'Alicante), fille d'un terrassier dont la famille s'était embarquée en 1878 sur une balancelle pour arriver à Alger. Le couple a eu la malchance de perdre d'abord trois enfants en bas âge, puis a eu ensuite quatre enfants, René, Gilberte, Francine et Henri. Tous deux ont été naturalisés français le 8 janvier 1902 par décret du Président de la République Émile Loubet, en application du Senatus Consulte du 4 juillet 1865.

Demetrio s'est installé comme artisan serrurier en 1891 à Mustapha dans une dépendance de la cité Larade, 75 rue Sadi¬Carnot. Il a un petit atelier où il fabrique des clefs, fait de la réparation de serrures et de fermetures diverses et de la ferronnerie d'art. Puis il s'associe avec Thomas Riera, fils de sa belle-mère, et monte un atelier plus important 7 rue Trollier.

En 1906, grâce au prêt d'un ami, il achète pour 5000 francs, un immeuble rue Bichat, donnant aussi sur la rue Bel Air. L'atelier est au rez-de-chaussée et l'appartement familial au-dessus. L'entreprise qui a pris le nom de « Garcia et Riera » s'est agrandie. Dotée d'une usine à vapeur, elle exécute des travaux de ferronnerie pour immeubles : rampes d'escaliers, ciels vitrés, balcons, portails clôtures, travaux de forge, galvanisation à chaud des métaux ferreux.

En 1909, l'atelier est transféré au 54 Boulevard Thiers, à Belcourt. La ferronnerie devient représentante des ascenseurs « The Lift » (plus tard Schlindler) ainsi que de la Société des Travaux en fer, elle reçoit des ponts métalliques et en effectue le montage sur le chantier. La Société Garcia et Riera devient alors la première affaire de Constructions métalliques d'Afrique du Nord. Elle participe régulièrement à des concours et expositions, notamment agricoles, où elle présente du matériel et tient un stand.

A l'Exposition Automobile et Agricole inaugurée le mars 1913 au Champ de Manœuvres, le stand Garcia et Riera fait l'objet d'une description dans l'Echo d'Alger du 25 mars 1913 : « un coin verdoyant, un véritable jardin. C'est l'exposition de MM. Garcia et Riera. Au centre s'élève un kiosque coquet auquel on accède par une allée marquée de deux pylônes sveltes et élégants. Autour du kiosque quelques bancs de jardin d'un modèle plaisant. Encerclant le tout, un petit mur surmonté d'une grille aux gracieuses arabesques. Une porte à deux battants d'un style sobre et de bon goût donne accès dans le jardinet où de nombreux visiteurs viennent se reposer. Tout cela est en fer élégant, robuste, solide, bien que d'un poids relativement minime. Toute cette installation si plaisante, si agréable à l'œil, n'a pas été faite spécialement pour l'exposition ; elle se compose de diverses commandes privées faites à MM. Garcia et Riera qui sont à même d'en fournir d'identiques, voire même de plus magnifiques encore, en quelques jours. »

Fin mai 1913, la Société participe au Comice agricole de Palestro, 2ème concours régional et obtient dans la catégorie Industrie et Arts divers un diplôme d'honneur pour exposition d'ensemble (L’Écho d'Alger du 1er juin 1913).

Quelques jours auparavant, l’Écho d'Alger du 11 mai 1913 annonce dans sa rubrique Sociétés commerciales que la Société Garcia et Riera, constructeurs métallurgistes Boulevard Thiers, entre Demetrio Garcia et Thomas Riera dispose d'un capital de 134.218 fr.40 , et qu'elle est reconduite pour 3 ans .

Durant cette période prospère, Demetrio a construit une grande villa avec dépendances, « Les Jasmins Chalet », sur les hauteurs de Belcourt, ainsi que deux cabanons sur la plage du Jardin d'Essai de la Grenouillère. La famille vit de façon aisée. Elle passe les vacances estivales au bord de la mer. Elle a déménagé en 1915 pour aller vivre 2, rue de Lyon

En août 1914 la guerre est déclarée. Demetrio, qui appartient à la classe 1892 et avait été affecté aux services auxiliaires de l'armée à cause de sa vue déficiente et de son asthme chronique, était déjà passé dans la réserve territoriale en octobre 1906. Il est maintenu dans ses foyers à la mobilisation générale et demeure en service auxiliaire. Thomas Riera qui a toujours la nationalité espagnole et n'est donc pas mobilisé, reste à la tête de l'entreprise.

En cette période troublée, les dettes se sont accumulées et la société ne peut plus faire face à ses obligations. Elle doit déposer son bilan. La liquidation judiciaire sera déclarée par jugement du Tribunal de Commerce d'Alger le 30 janvier 1917. C'est alors la vente aux enchères publiques de la voiture de Demetrio, puis de tout le matériel, outillages et marchandises de la société. Pour mettre à l'abri leurs biens personnels et familiaux, Grâce Marie engage une procédure de séparation de biens.

Pour nourrir sa famille, Demetrio qui est pratiquement ruiné, monte un petit atelier. Après la fin des opérations de liquidation judiciaire, ayant récupéré l'immeuble de la rue Bichat, il monte une affaire à son nom intitulée Ferronnerie Agricole et Industrielle de Mustapha Garcia-Forges. Ses enfants, Francine et René, travaillent avec leur père.

Dans les années 1920, c'est la grande époque des charpentes métalliques de caves vinicoles. Comme on peut le lire dans l'Echo d'Alger du 22 mai 1927, au concours agricole nord-africain de Boufarik, l'entreprise Garcia-Forges-Alger nous présente ses modèles de poulaillers et son matériel avicole, son hangar agricole solide, pratique et économique, ses grilles portails de série (50% d'économie), ses articles de ferme : auges, abreuvoirs, haquets, râteliers, etc...

Demetrio ne néglige pas pour autant la serrurerie de bâtiment qui fut sa première activité, en particulier les ferronneries de bâtiment. Pour le gros chantier d'H.L.M. du Champ de Manœuvres, la fabrication se fera entièrement sur place dans un atelier muni de machines modernes. Parallèlement il reprend la construction de charpentes métalliques et de chaudronnerie. Vers 1927 les ateliers sont équipés du procédé de soudure nouveau oxyacétylénique.

En 1932, Demetrio crée la SARL Forges Garcia au capital de 230.000 francs avec ses quatre enfants. Les services administratifs sont gérés dans un bureau loué dans la Maison de l'agriculture 12 boulevard Baudin.

Les Forges Garcia participent régulièrement aux foires et expositions. Le 28 avril 1932 elles obtiennent le Diplôme de médaille d'or pour le matériel horticole de jardins. Présents à la Foire d'Alger de 1933 et celle de 1935 les stands des Forges Garcia ont fait l'objet d'articles très élogieux dans le Journal général des travaux publics et du bâtiment.

Plus tard, Les différents ateliers des Forges Garcia ont été centralisés au Ruisseau, rue Paul Revoil, où un bâtiment de serrurerie a été construit comprenant un rez-de-chaussée et un étage. Le siège social est resté au Boulevard Baudin jusqu'à la fin de 1936.

Après le décès de Demetrio, le 13 décembre 1936, c'est son fils aîné René qui lui a succédé dans la fonction de gérant de la Société.

Parallèlement à ses activités professionnelles, Demetrio a été fortement engagé dans la vie sociale, économique, intellectuelle et artistique locale. Il était Franc-Maçon. Entré à la loge Le Delta d'Alger en 1901, puis affilié à la loge l'Evolution Mutuelle, il figurait sur la liste des dignitaires stigmatisée par le gouvernement de Vichy .

Il fut pendant de longues années président de la Société musicale L'estudiantina de Mustapha devenue après la guerre L'estudiantina - Orphée. A ce titre il était vice- président de la Fédération Musicale de l'Afrique du Nord présidée par le Maire d'Alger Raoul de Galland et participait aux fêtes et réceptions où il rencontrait nombre de personnalités.

Il était fondateur et administrateur des Groupes Laïques d'Études d'Alger (GLEA) créés en 1925. Ces groupes organisaient des cours gratuits post-scolaires ainsi que des cours d'hygiène et des conférences d'éducation civique. Ils avaient créé un Institut commercial enseignant la sténographie et la comptabilité ainsi que des sections artistiques et culturelles.

Très impliqué dans la mutualité, Demetrio était administrateur de l'Orphelinat Mutuel du Peuple, association ayant pour but de porter assistance aux orphelins sous la forme d'une pension annuelle. Une caisse de secours est alimentée par diverses manifestations : fêtes et tombolas.

Il était administrateur et membre du jury de la Société mutuelle de préapprentissage d'Alger destinée à donner une formation professionnelle à des enfants qui, tout en continuant à suivre des cours à l'école primaire, se préparaient à entrer dans un atelier. Entre 1920 et 1932, 3600 élèves européens et 1350 élèves indigènes ont profité des cours de cette école.

Il était également président du Comité des fêtes de Mustapha. De grandes festivités avaient lieu chaque année pour le 14 juillet : retraite aux flambeaux, défilés, concert de la Philarmonique l'Africaine de Mustapha avec sa clique de tambours et clairons.

Malgré une santé déficiente car il a souffert toute sa vie d'un asthme sévère, Demetrio a effectué un parcours assez extraordinaire, surmontant tous les obstacles avec un courage indomptable et se mettant avec le plus grand dévouement au service des autres et de la cité. Il est décédé à l'âge de 64 ans et inhumé au cimetière de Mustapha, boulevard Bru. Il était titulaire des décorations suivantes :

- Médaille d'or de la Mutualité,

- Chevalier du Mérite agricole,

- Officier du Nicham lftikhar,

- Chevalier du Ouissam Alaouite

- Médaille d'Honneur de la Fédération Musicale de l'Afrique du Nord.

Ces deux biographies ont été rédigées par Odette Goinard sur la base de deux brochures réalisées par Guy Putfin, époux de Marie-Claude Garda, petite-fille de Demetrio Garcia de San Felix Garcia et de François Valéro.

 

Les biographies de François Valéro et de Demetrio Garcia ont été rédigées par Odette Goinard sur la base de deux brochures réalisées par Guy Putfin, époux de Marie-Claude Garda, petite-fille de Demetrio Garcia de San Felix Garcia et de François Valéro.


 

 

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