Gustave

Eiffel

 

Ingénieur - industriel

Dijon 15 décembre 1832

  Paris

 

 

Gustave Eiffel

Une réalisation de Gustave Eiffel
en Algérie

Les touristes qui se dressent dans les autobus parisiens en criant « Tour Eiffel, Tour Eiffel ! » à sa vue, ne se doutent pas que cette œuvre, critiquée d’ailleurs par l’intelligentsia de l’époque, a eu d’autres prolongements dans toutes les parties du monde comme la structure de la statue de la Liberté de Bartholdi. Nous ne reviendrons pas sur la vie de Gustave Bonickhausen, né à Dijon en 1832, élève de l’École Centrale. Ingénieur, il s’est très vite spécialisé dans la métallurgie et en particulier le travail du fer dans la construction, appelé à remplacer la fonte, utilisée au siècle dernier mais trop fragile et cassante.

Mais ce sont ses recherches qui ont permis ces travaux, certains vertigineux en Algérie nous le verrons, et qui n’ont pu être mis en place que grâce à son inventivité. C’est une nouvelle voie qui s’est ouverte aux constructions métalliques d’Eiffel : le fameux viaduc de Garabit sur le Lot, près de Marvejol, en 1875, avec ses arcs et ses pylônes permettant le passage de trains résistant aux vents violents de la région, le Crédit Lyonnais à Paris et ses ferrures capables de supporter un dôme de verre inondé de lumière naturelle. Puis le pont de Bordeaux, remarquable exploit technique, suspendu en surplomb d’une Garonne impétueuse ... Ingéniosité encore pour la coupole de l’Observatoire de Nice, pesant 100 tonnes et qui a été placée sur un anneau flottant, plus résistant que les classique rails circulaires pour faire tourner en toute sécurité la plus grande lunette d’observation céleste de l’époque. Tous les pays ont fait appel à lui : le Portugal avec le pont sur le Douro, le Pérou, l’Autriche - Hongrie, l’Égypte. Le gouverneur de la Cochinchine fut séduit en 1879 par son idée de pont portatif, si solide qu’il dura jusqu’en 1950. Et aussi le viaduc de la Siagne qui relia sur 260 mètres les Alpes Maritime et le Var pour le passage du chemin de fer (ouvrage stratégique qui fut détruit par les Allemands lors du débarquement de 1944).

C’est par sa société de Levallois - Perret qu’il avait pu arriver à cette technicité et par les procédés qu’il mit au point en 1884 et fit breveter : une sorte de de jeu de construction mobile. Il fit créer des structures métalliques indépendantes : barres, triangles isocèles ne dépassant pas 6 mètres de long sur 1m50 de hauteur, la pièce la plus lourde (147 kg ) pouvait être transporté à dos d’hommes ou de mulets. La mise en place s’avérait donc facile après ce genre de transport dans des zones escarpées et montagneuses. La société connut des déboires après l’affaire de Panama. Eiffel démissionna mais la société refit surface. Elle participa à la construction du métro à Paris : ce sera le passage sur la Seine à Bir-Hakeim et Bercy ; en 1903 le viaduc d’Austerlitz ; Le marché du Quai de la Rapée fut remporté par la société ressuscitée de Levallois - Perret.

Ces virtuosités techniques inspirèrent les autorités de l’Algérie désarmées devant les difficultés d’accès à certaines régions au relief accidenté. Elles étaient considérables si l’on se réfère à la description de Constantine que donne Alexandre Dumas dans son voyage en Algérie de 1846 : « Nous jetâmes un cri d’admiration, presque de terreur. Au fond d’une gorge sombre, sur la crête d’une montagne, baignant dans les derniers reflets rougeâtres d’un soleil couchant, apparaissait une ville fantastique, quelque chose comme l’île flottante de Gulliver … La voiture était forcée de faire un immense détour au flanc de la montagne que suivait la route. Le chemin de traverse était encore plus escarpé… Le cavalier se lançait de rochers en rochers et s’arrêtaient tout au bord de l’abime, disparaissant à nos yeux et faisant rouler jusqu’à nous une avalanche de pierres, parfois redescendait devenu avalanche lui - même mais nous, humbles fantassins pouvions nous tenir à pied … Au-dessus de la cascade d’où l’on précipitait les femmes adultères, tourbillonnaient les vautours qui trouvaient leur proie toute broyée sur les rochers … Aujourd’hui le génie a élevé de magnifiques travaux à Constantine. Je demande à un Arabe ce qu’il pensait de ces citernes , de ces ponts, de ces aqueducs : « La population est consciente que ce qu’elle ne pouvait pas faire, nous sommes venus pour le faire nous et que le jour où nous aurions fini notre tâche, Dieu nous renverra comme inutiles désormais à l’ Algérie. »  ( Le Véloce; Walder, Paris 1850)

L’essor du chemin de fer, l’accession à de nouvelles zones par les touristes, un souhait de modernisation, imposaient le recours à ces ouvrages spectaculaires. Le maire de Constantine passa un contrat avec la société pour des installations sur des sites périlleux d’accès comme on le voit sur les photographies. A Tlemcen, pour le célèbre pont suspendu de 1880, le transport par dos d’hommes ou de mulets s’avéra indispensable pour transporter chaque élément séparé. On peut juger d’après le relief, des difficultés d’approche et d’implantation que seul ce système, qu’on pourrait appeler « en kit » permettait de résoudre. La standardisation des éléments métalliques permettait en outre d’abaisser considérablement les coûts.

« Tlemcen, en effet, jouit d’une constitution géographique spéciale qu’on ne retrouve pas ailleurs en Algérie. Ce sont des chaînes de montagnes parallèles disposées comme des escaliers géants, orientés SW – NE et qui s’élèvent derrière Tlemcen. La chaîne de Lalla Setti (point culminant 1206 m) sur le flanc Nord de laquelle se trouve Tlemcen (nom du tombeau blanc de Lalla Setti ) qui couronne la falaise rocheuse derrière Tlemcen. La chaîne de Ras Asfour (1556 m ), la montagne la plus occidentale du plissement et qui domine la place d’Oujda ( Maroc ). La chaîne des Benis Mïyed, au pied de laquelle se développe la vallée allant de Lamoricière à Sebaoui. Enfin un dernier gradin, la chaîne des Tenouchki ( 1824m ). De plus les terrains de ces massifs de Tlemcen sont formés de calcaires fissurés, reposant sur des grès poreux lesquels sont eux- mêmes assis sur des argiles et des marnes d’où sortent des sources intarissables. Les eaux de pluie pénètrent à travers les calcaires fissurés et les dolomies de la surface, s’infiltrent lentement dans les grès poreux où elles s’accumulent, arrêtées par les argiles et les marnes dont elles suivent la pente, formant de belles sources. Toutes ces rivières du massif de Tlemcen coulent d’abord entre les plissements montagneux qu’elles suivent jusqu’à ce qu’elles réussissent à se frayer vers le Nord, un passage entre l’éperon rocheux qui leur barre la route. Elles franchiront ces barrières naturelles à travers d’étroites gorges dans lesquelles elles forment des cascades successives jusqu’à la plaine inférieure. A l’est de Tlemcen, à 7km on a un bel exemple aux cascades de Mefrouch ( Le Mefrouch, ou l’Etalé, coule du Sud de la chaîne de Lalla Setti, perce la chaîne en cascade et prend le nom de Précipice )… Ces montagnes du massif sont riches en cavernes, en grottes plus ou moins profondes et en galeries souterraines. Cette particularité commune à toutes les roches formées de calcaire fissuré, n’a rien de frappant mais mérite d’être signalé … » (in Tlemcen et ses environs - Alfred Bel - 1925). On mesure la difficulté première: travailler sur ce gruyère et lancer des accrochages sur des escarpements fragiles qui plus est . D’où la nécessité d’utiliser des éléments légers mais très solides.

Devant cette description, on prévoit les obstacles du relief qu’on retrouvera à Constantine. Le site est trop célèbre, grâce aux gravures spectaculaires, pour qu’on y revienne. Rappelons cependant que c’est un nid d’aigle sur les pentes abruptes qui dominent la vallée du Rummel. « Ces massifs montagneux aux forêts impénétrables, offrant une succession de collines, de chaînes montagneuses ( monts de Constantine ) dominant des précipices infranchissables ( 1316 m au Djebel Cherabsa ). Ce sont des montagnes de grès et de calcaires : chaîne Numidique ». Double défi encore : accrochage sur des roches fragiles des pièces rapportées de ce futur chemin de fer qu’il faudra suspendre. Prouesse humaine, acrobatique et technique; c’est le pont suspendu de Sidi M’ Cid, ou le pont El Kantara pour rallier la gare ou le viaduc de Sidi Rached à l’orée de la ville arabe, près des gorges du Rumme ! ( Le maire Morinaud à partir de 1904 fit procéder à la construction de ces trois ponts) .

Après une série de procès dûs, on l’a vu, à l’affaire de Panama ( 1893 ) dont il sortit blanchi mais brisé, devenu veuf, Gustave Eiffel se retira à Beaulieu- sur- mer avec deux de ses cinq a enfants. Il s’impliquera dans le laboratoire météorologique de la ville et publiera, à partir de 1904, ses études en collaboration avec celui de Bordeaux, jusqu’à son décès à Paris le 27 décembre 1923. Ce novateur a vécu sa vieillesse dans un petit palais de style italien à l’ancienne mode et sans éléments métalliques ...

Annie Krieger Krynicki

Éléments de bibliographie

Bel Alfred : Tlemcen et ses environs, Guide illustré du touriste ( 2ème édition Toulouse 1925)

Carmona Michel : Eiffel Fayard 2002

Colloque : Académie des Sciences d’outremer( 15 rue Lapérouse Paris 75015 ) : Gustave Eiffel et l’outremer : des ponts et des structures à grande portée pour faciliter les échanges( Dominique Barjot, H Biausset, Michel Carmona, Bertrand Lemoine, Jean- François Belhoste. (2 juin 2023)

L’Encyclopédie par l’image : l’Algérie : Les colonies françaises ( Hachette 1930 )

 

Détail de l’ancrage du pont

 

 

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