Renée

ANTOINE

 

Hillil 1896

Aix-en-Provence 1988

 

 

 

Renée Antoine (l’Hillil  1896 - Aix-en-Provence  1988) au milieu

de la promotion 1922 de l’internat des hôpitaux d’Alger

 

Animée d’une ardeur missionnaire, Renée Antoine, « la toubiba aux mains de lumière » a su allier sa grande maîtrise de la chirurgie oculaire et sa parfaite connaissance de la langue arabe pour secourir les populations les plus démunies jusqu’aux confins de l’Algérie.

Renée Antoine est née le 26 juin 1896 à l’Hillil, petit centre de colonisation de la vallée du Chélif où son père, conducteur des Ponts et Chaussées,  travaillait à l’aménagement d’un réseau d’irrigation.  Ses grands-parents, de familles modestes, étaient originaires de Franche-Comté, de Bretagne et  de Lorraine.

La jeune Renée a vécu jusqu’en 1904 à Mostaganem.  Elle y contracta une tuberculose articulaire qui, s’étant localisée dans le genou,  lui laissa une boiterie qu’elle réussit à maîtriser tout au long de sa  vie.

Au printemps 1904, la famille s’installe à Inkermann, important centre de colonisation.  Renée se rend à l’école communale à dos de bourricot, conduit  par le chaouch de son père, plein d’attention pour la fille du patron. A l’âge de dix ans, elle est inscrite en 6è au collège de jeunes filles d’Oran.  Elle opte pour  l’arabe comme première langue vivante qu’elle arrivera à maîtriser parfaitement. Reçue au baccalauréat en 1916 avec la mention bien, elle s’oriente vers la carrière médicale malgré les réticences de son père. Elle avait eu très tôt le désir de soigner les Arabes dans le bled algérien. Elle s’installe à Alger avec sa mère pour préparer le certificat de sciences physiques, cliniques et naturelles (PCN) où elle est reçue major de sa promotion. Cependant, son entrée à la Faculté de médecine est différée, son père appelé sous les drapeaux ayant estimé que Renée devait consacrer son temps à sa mère, de santé fragile. De retour à la vie civile, il se laisse cependant fléchir.

Renée accomplira un parcours hospitalier et universitaire sans faute, affrontant successivement le concours de l’externat (1920), puis de l’internat (1922). Elle exercera presque constamment ses fonctions hospitalières dans le service du professeur Cange, grande figure du corps hospitalier d’Alger et célèbre pour son caractère  emporté, mais aussi son grand dévouement pour les malades. Elle assure la direction du service ophtalmologique durant quatre ans. Le 23 juin 1924 elle soutient sa thèse de doctorat. Un an plus tard elle ouvre à Alger un cabinet de spécialité de maladie des yeux, rue de Mulhouse.

En 1939, elle est chargée d’assurer dans le département d’Alger l’intérim de confrères mobilisés. C’est ainsi qu’elle s’efforce de lutter contre les fléaux oculaires dans les secteurs de Tizi-Ouzou, Miliana, Médéa et dans la banlieue d’Alger.

En 1942, elle est appelée par Gaston Averseng, maire d’El-Affroun, qui avait créé un centre social de grande envergure, dont un hôpital-dispensaire géré par un médecin et une communauté de sœurs blanches. Elle s’y rendra deux week-ends par mois pour soigner les maux oculaires. C’est ainsi qu’elle fait, à sa grande joie, ses premières armes d’ophtalmie rurale.   

Parallèlement à ses nombreuses activités, elle avait découvert  en 1934 le Sahara, par un hasard qu’elle qualifiera plus tard de providentiel. En effet, appelée au M’zab par un commerçant fortuné pour se rendre au chevet de sa mère affligée d’un trachome depuis l’enfance, elle avait effectué un voyage de 650 km à travers les pistes et opéré la malade avec succès. Cette approche du grand Sud algérien fut pour elle une révélation. Le spectacle navrant de ces aveugles, de ces enfants aux yeux envahis de mouches et de pus, de ces femmes recluses qui, faute de soins, sombrent dans la nuit, lui est intolérable. Elle ne peut rester impassible devant une telle misère. Alors germera dans son esprit l’idée qu’il faut soulager ces pauvres gens.

Ses projets ayant été différés par la guerre, ce n’est que dix ans plus tard, en 1944, que survient un deuxième épisode l’appelant de nouveau dans le Sud.  Cette fois c’est pour venir en aide à l’infirmerie de Laghouat, tenue par la communauté des Sœurs blanches, complètement débordée par l’afflux des patients atteints d’affections oculaires. Cette mission officieuse se déroulera de façon très satisfaisante.

En 1946, elle est envoyée, cette fois en mission officielle, dans les territoires du Sud pour combattre une grave épidémie d’ophtalmie. Assistée du docteur Legroux, elle se rend à bord d’un avion militaire, d’abord à Ghardaïa, puis à Laghouat. Les deux oculistes donneront plus de 400 consultations et procèderont à 74 interventions chirurgicales.  

C’est ainsi qu’est créée officiellement la mission ophtalmologiste saharienne dont le mérite revient essentiellement à Renée Antoine qui, à force de volonté, a su faire tomber les obstacles qui se dressaient sur sa route. Avec le soutien du gouverneur général de l’Algérie, le projet établi par les docteurs Antoine et Legroux se réalise. Sont mis à leur disposition deux camions, l’un équipé d’une salle de consultation, l’autre d’une salle d’opération. Ces véhicules entrent pour la première fois en fonction le 26 décembre 1948 à Tadjmount.  C’est le début de l’aventure saharienne par celle que l’on a pu surnommer « la nomade de la charité ». Sa connaissance de la langue arabe lui facilitera le contact auprès des malades.

Assistée par une équipe de médecins et d’infirmiers, la « toubiba », dont la réputation ne cesse de grandir, accomplira quarante deux missions dans le grand Sud, jusqu’au Fezzan. Elle quittait sa clientèle privée deux ou trois fois par an pour se consacrer plusieurs semaines à ces malheureuses populations frappées par le trachome et autres lésions oculaires. Elle sera le spécialiste itinérant, conseillant les médecins militaires, leur enseignant les méthodes opératoires d’urgence, formant les infirmiers auxiliaires, propageant les notions d’hygiène et de prophylaxie dans les écoles publiques ou coraniques.  Comme tout chef d’école, elle assistait à des congrès nationaux ou internationaux, où ses communications de haute tenue étaient appréciées des plus hautes personnalités du monde médical.

Le 5 mai 1962 sonne le glas de cette épopée saharienne. Après avoir visité Tindouf, Reggane et Tamanrasset, Renée Antoine rentre à Alger. C’est sa dernière mission. Elle vit la tragédie algérienne, et malgré son désir de poursuivre son œuvre, elle doit comme tant d’autres, prendre le chemin de l’exil. Elle s’installe alors à Aix-en-Provence où elle exercera son art durant neuf ans à Beauregard, toujours avec la même rigueur professionnelle, mais aux prises avec de grandes difficultés. Elle cesse toute activité médicale en 1972, restant en relation avec de nombreux collègues du corps  médical  algérien.

Atteinte dans sa santé, elle termine sa vie dans la maison de retraite Paul Cézanne. D’une grande piété, elle remet son âme à Dieu le 21 mars 1988.

Revêtue du burnous qu’elle portait au Sahara, on remet sur sa poitrine la rosette d’Officier de la Légion d’Honneur.

 

O. Goinard

D’après l’ouvrage du Dr Raymond Féry

 

Rapports et travaux de Renée Antoine

  • Contribution  à l’étude du sac lacrymal et de sa loge fibreuse. Thèse de doctorat en médecine de Renée Antoine. Alger 1924.

  •  Caractéristique de la pathologie oculaire au Fezzan. Travaux de l’Institut de Recherches sahariennes. Tome V. 1948, p.121. En collaboration avec                R. Legroux.

  • Rapport relatif à la 8è mission ophtalmologique saharienne (extraits du journal de route) 14 pages dactylographiées 1949.

  • Rapport sur la 11ème mission ophtalmologique saharienne. 16 pages dactylographiées 1950.

  • La mission ophtalmologique saharienne (historique). 22 pages dactylographiées.

  • Bilan de la mission ophtalmologique saharienne : 15 ans d’assistance ophtalmologique itinérante in Bulletin de liaison saharienne n° 33, mars 1959, p. 58.

  • Conférence aux journées sahariennes de l’UNESCO, Paris 11 août 1959.

  • Abrégé de pathologie oculaire saharienne in Le concours médical 3 décembre 1960, p. 5649-5660.

  • La genèse de la mission ophtalmologique saharienne in Supplément de l’Antenne médicale n° 2 juin 1974.

  • La 42è mission ophtalmique saharienne - la dernière - in Supplément de l’Antenne médicale n° 8 mars-avril 1976 et n° 9 mai-juin 1976.

 

Bibliographie

  • Témoignage pour les yeux en Algérie in l’Algérie française de Philippe Héduy, Paris,1980.

  • 18 ans d’assistance ophtalmologique itinérante au Sahara in Journal français d’ophtalmologie 1980 vol. 3 n° 8-9, p. 513-521.

  • Les  yeux ouverts in l’Algérianiste n° 11, 15 septembre 1980, p. 30.

  • Renée Antoine, T’biba  el âÏnin in l’Algérianiste n° 42, juin 1988, p . 88. Pierre Goinard.

  • La toubiba el âÏnine  le docteur Renée Antoine in les dossiers de la mémoire  Edit. n°3 CDHA, juillet 1988. Georges Hirtz.

  • Toubiba el âÏnine, Renée Antoine, in Le saharien n° 95, déc.  1985 et n° 98 3ème trimestre 1986. Gilles Huberty.

  • Le Docteur  Renée Antoine, missionnaire de l’ophtalmologie au Sahara, par le Docteur Raymond Féry.  Editions de l’Athlanthrope, 1989.

 

 

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