Jacques

Suchet

 
 

Villefranche-sur-Saône 1795

Alger 1870

 

Vibrant d'amour pour la nouvelle Église d'Afrique et d'amitié pour les autochtones et leur pays, l'abbé Suchet a servi fidèlement cette Église durant trente ans, sous trois évêques différents. Il ne put toutefois pas réaliser pleinement la « mission arabe» qu'il s'était proposée, ayant été chargé de fonctions plus administratives que pastorales.

Né le 31 juillet 1795 à Villefranche-sur Saône (Rhône), Jacques Suchet est l'une des figures les plus attachantes du premier clergé d'Algérie. Il a été mêlé, par ses fonctions de vicaire général, à toute la fondation du diocèse Son témoignage est capital pour comprendre les débuts de t'Église dans l'Algérie conquise par la France.

Ordonné prêtre à Lyon en juin 1823, après avoir fait ses études au petit et au grand séminaire du diocèse, il est détaché comme missionnaire dans les diocèses de Blois, puis de Tours. Il est lié à de nombreux ecclésiastiques qui parviendront à l'épiscopat, notamment l'abbé Donnet, futur archevêque de Bordeaux, avec lequel il prêche des missions C'est ce dernier qui le mettra en relation avec Mgr Dupuch lorsque l'évêché d'Alger sera créé en 1838. Démissionnant de sa charge, l'abbé Suchet n'hésite pas à suivre le nouvel évêque d'Alger. Il fait partie du petit nombre de prêtres qui acceptent de venir partager le labeur du prélat.

Dès son arrivée, le 6 février 1839, il est immédiatement envoyé à Constantine et devient premier curé de la ville. Il conservera toute sa vie une grande affection pour la province de l'Est. La « mission arabe » devient son seul but.

Quelques mois plus tard, Mgr Dupuch décide de le faire venir près de lui. Remplacé à la cure de Constantine par l'abbé Landmann, il est nommé aumônier général des hôpitaux d'Alger par l'ordonnance épiscopale du 29 septembre 1839 et chanoine titulaire du diocèse d'Alger par l'ordonnance royale du 7 octobre 1839. Il arrive cependant à convaincre l'évêque que sa place n'est pas à Alger. Dès le 30 novembre 1839, il reçoit la mission d'aller visiter l'église de Bône et le 2 février 1840, il est nommé vicaire général, visiteur du diocèse pour la province de l'Est. Les successeurs de Mgr Dupuch, Mgr Pavy et Mgr Lavigerie, confirmeront le choix du premier évêque d'Alger.

De 1840 à 1846, sous l'épiscopat de Mgr Dupuch, il réside le plus souvent à Bône, l'antique ville épiscopale de saint Augustin, mais séjourne aussi à Constantine, et effectue de nombreux voyages dans l'Est algérien. Par sa fonction, il est en relation avec tous les religieux et religieuses de la province et correspond avec les chefs militaires. C'est ainsi qu'il est mêlé à l'événement extraordinaire de l'échange des prisonniers avec Abd-el­Kader au printemps 1841(1).

Après la démission de Mgr Dupuch, le nouvel évêque, Mgr Pavy, «arrache» l'abbé Suchet à la province de l'Est pour le placer à Oran. Le vicaire général visite alors d'une manière approfondie toutes les paroisses de la province (1847-1848).

En 1850, il effectue des visites dans la province d'Alger et accompagne son évêque à Rome. La mort subite du premier vicaire général, l'abbé Dagret, oblige Mgr Pavy à réviser les attributions confiées à ses collaborateurs. L'abbé Suchet occupe alors la première place auprès de l'évêque et se fixe à Alger où il restera jusqu'à sa mort en 1870.

Malgré le poids des ans, il a conservé jusqu'à la fin une belle vitalité. Durant cette dernière partie de sa vie algérienne, il part en éclaireur avec les colonnes expéditionnaires, ou à leur suite, à Laghouat où il installe le cuire (1853). En 1857, il accompagne en Grande Kabylie le maréchal Randon, comme aumônier en chef de l'armée d'Afrique. Il accomplit en 1868, à l'âge de 78 ans, un long périple en France et en Belgique pour quêter au profit des œuvres de son archevêque, qui venait de le faire nommer, par Pie IX, protonotaire apostolique .

. L'abbé Suchet eut avant tout des préoccupations pastorales. Entièrement dévoué aux différents évêques qu'il a servis sans arrière-pensée, malgré de graves malentendus avec Mgr Dupuch, il se contenta de la deuxième ou troisième place qu'il occupa durant trente ans dans le diocèse. Dépourvu de toute ambition et fortement attaché à l'Algérie, il ne songea jamais à quitter ce pays qu'il aurait pu abandonner au profit de ce que l'on appelle une « carrière ecclésiastique ». Une phrase, parmi d'autres, relevée dans ses écrits indique l'esprit dans lequel il a exercé son apostolat: « Je ne me suis pas trompé, maintenant, chose inouïe, je suis reçu dans l'intérieur des maisons arabes, je puis maintenant par mes œuvres, leur prouver enfin que je les aime comme des frères ... » (Lettre de Constantine le 23 septembre 1839.)

Lorsque vint pour lui le moment de mourir, il demanda à être transporté à l'asile des Petites Sœurs des Pauvres où il. s'éteignit en lucide solidarité avec l'entourage de misère dans lequel il se trouvait.

Chevalier de la Légion d'honneur le 15 juin 1841, l'abbé Suchet fut promu au grade d'officier le 24 août 1858.

 

O.G.
D'après des documents fournis par J-P. Henry,
archiviste de l'archevêché d'Alger.

 

1. Voir la relation de cette affaire dans le n° 54 de notre revue, Mémoire Plurielle de mars 2008.

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Biographie rédigée par M. Paul Fournier, historien (numéro spécial de Rencontres, la Semaine religieuse d'Alger, juillet-août 2002.)

Quelques notices nécrologiques, les études d'histoire générale et d'histoire religieuse de l'Algérie mentionnent le personnage, mais l'abbé Suchet n'a fait l'objet d'aucune étude particulière hormis la biographie ci-dessus.

 

 

PARMI SES ŒUVRES

 

Les archives de l'archevêché d'Alger renferment des brouillons très difficiles à déchiffrer et très abîmés de lettres édifiantes. Les documents laissés pat l'abbé Suchet constituent un ensemble documentaire de première importance sur l'Algérie de l'époque, ses sociétés traditionnelles, ses figures saillantes, ainsi que les débuts de l'église locale.

 

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