Claude

Farrère

 
 

 

Lyon 1876

 Paris 1957

 

Les écrits de Claude Farrère présentent un intérêt historique certain.

Ils nous restituent le regard profondément amical, respectueux et admiratif d'un écrivain de renom sur le Maroc des années 1920 et sur le Maroc éternel.

Frédéric-Charles Bargone, connu en littérature sous le nom de Claude Farrère, est né à Lyon le 27 avril 1876 d'une famille où cohabitaient des hérédités italo-corse et britannique. Ces origines insulaires ont probablement eu une influence dans sa vocation de marin. Très tôt en effet Charles affirma son irrésistible désir d'entrer à Navale bien que son goût pour les lettres fût certain.

 Pour pouvoir préparer l'École Navale, après la classe de troisième, Bargone dut renoncer aux Humanités pour les Sciences, ce qui ne l'empêcha pas en 1892 de présenter à quelques mois d'intervalle, le baccalauréat ès sciences, qu'il obtint avec mention très bien et le baccalauréat de rhétorique. Il entre à Navale en 1894.

Sa carrière se déroule tout d'abord sur le petit croiseur Vautour, stationnaire dans les mers du Levant, au service de l'ambassade de France près le sultan-calife à Constantinople. Entre novembre 1897 et décembre 1899, il prend part aux campagnes de Chine et du Tonkin, puis il sert en Turquie de 1902 à 1904. À partir d'août 1914, il fait partie de l'équipage du Bouvet qui, le 18 mars 1915 sera englouti en quelques minutes avec 800 hommes. Miraculeusement, Bargone ne se trouvait pas à bord, ayant été contraint de débarquer pour raison de santé. Impatient d'aller au front, sur sa demande, il est mis à la disposition de l'armée de terre et affecté à l'artillerie d'assaut. Il participe en octobre 1917 à la bataille de la Malmaison et commandera l'un des chars d'assaut du général Estienne(1). Sa conduite lui vaut la Croix de Guerre avec citation. Désapprouvant les options prises alors par le gouvernement concernant l'armée de mer, il quitte la marine en 1919 avec le grade de capitaine de corvette,

Bien qu'ayant choisi une carrière d'officier de marine, Bargone n'allait pas rester longtemps éloigné des Lettres. Très vite, il écrira dans divers journaux. En 1897 et 1898, il donnait au quotidien lyonnais Le Salut Public des chroniques maritimes et diplomatiques et, à partir de 1901, Le Journal et Le Mercure acceptaient des contes et nouvelles qu'il signait du nom de Claude Ferrare. Son conte «Fumée d'opium» fut primé et lui permit de se faire remarquer par Pierre Louys, très influent dans le monde des Lettres, ainsi que par José­Maria de Heredia. C'est poussé par Pierre Louys que, sous le nom de Claude Farrère, il publie en 1905 Les Civilisés, ouvrage qui lui vaut le prix Goncourt.

De nombreux livres suivent dont La Bataille tiré à plus d'un million d'exemplaires qui obtient un succès considérable.

C'est en Turquie, en 1903 et 1904 que Claude Farrère rencontra Pierre Loti. Une grande amitié lia les deux écrivains. C'est là aussi qu'il découvrit l'Islam. Dans une introduction à un ouvrage sur l'Afrique du Nord, paru en 1924, Farrère exprimera sa sympathie pour la religion musulmane et louera l'attitude de la France en Algérie, en Tunisie et au Maroc, disant qu'elle n'est pas venue pour renverser l'œuvre du Prophète, mais au contraire pour «la consolider et pour l'agrandir» et faisant référence à Bugeaud et à Lyautey.(2)

Comme a pu le souligner André Maurois « après Loti, c'est pour line large part, grâce à Farrère, à ses livres, à ses conférences, à ses articles, que la France a pu retrouver l'amitié de la Turquie ».

Farrère rencontra Lyautey pour la première fois en 1907 à Gibraltar sur le croiseur Cassini qu'il commandait en second. Cette rencontre fut un choc. Lyautey fut le grand homme de sa vie. Les deux hommes se virent plus tard à Oran, puis à Paris en 1919. C'est là que Lyautey incita vivement Claude Farrère à faire pour le Maroc ce qu'il avait fait pour la Turquie.

C'est en 1900 que Claude Farrère foula pour la première fois le sol marocain. Il était alors embarqué sur le Masséna, cuirassé d'escadre, qui relâcha à Tanger. Il devait se retrouver à Tanger cinq années

plus tard dans des conditions semblables. Il retrouva le Maroc en 1907, mais ses fonctions à bord du Cassini ne lui laissèrent guère le temps de se «promener », comme il le dit lui-même. «C'était du bout de mes jumelles, à deux milles au large que je considérais les villes du Maroc, éblouissantes sous leur parure de chaux blanche ou bleue et dans leur cadre de sable fauve. Telles d'entre elles étaient de pures merveilles. »            •

Le voyage décisif pour le Maroc se si tue en 1920. Il visite successivement Marrakech, Meknès, Fez et Rabat et est reçu en audience, en présence de Lyautey, par Moulay-Youssef. Au cours de ce voyage, il est accompagné par Maurice Tranchant de Lunel, alors directeur des Beaux-Arts de l'Empire chérifien. Celui-ci l'introduit auprès des plus grands caïds du Sud. On retrouvera dans ses écrits nombre de personnages rencontrés lors de ce voyage. Le roman Les Hommes nouveaux paru en octobre 1922, connaîtra un immense succès. Cet ouvrage met en scène, pour les glorifier l'un et l'autre, le Maroc de la tradition et le Maroc moderne. Il est un hymne à la gloire de l'Empire chérifien et un hommage à l'œuvre de Lyautey. Ses personnages sont des hommes qui ont un idéal, remplissent une mission. Ses descriptions du pays sont féeriques. C'est une vision enthousiaste du Maroc moderne, comme la ville de Casablanca en plein développement, que Farrère nous fait apercevoir, sans pour autant que ce renouveau nuise à la beauté et à l'enchantement des lieux.

 Après ce voyage, Farrère a encore séjourné bien des fois au Maroc et, jusqu'à sa mort, a poursuivi son œuvre au service de l'Empire chérifien en donnant des conférences, en signant des préfaces et en s'exprimant, chaque fois que nécessaire.

À partir de 1930, et pendant sept années, Farrère va assumer la lourde charge de président de l'association des Écrivains Combattants de France. C'est dans ses fonctions que, le 6 mai 1932, il accueillera à « l'après-midi du livre» le président Paul Doumer. Quelques mois plus tard, le président était victime d'un attentat. Se trouvant à ses côtés, il s'était jeté sans hésitation sur l'assassin pour essayer de le maîtriser et servir d'écran.

Élu au fauteuil de Louis Barthou, contre Paul Claudel, par quinze voix contre dix, Claude Farrère que l'on surnomme déjà «l'amiral des Lettres» entrera à l'Académie Française en 1935 avec pour parrains le duc de Broglie et l'amiral Franchet d'Esperey. Il y sera reçu par son ami Pierre Benoit(3) Retiré au pays basque, près de Saint-Jean-de-Luz, c'est cependant à Paris qu'il meurt le 21 juin 1957

En 1956, dans Souvenirs, il avait écrit: « J'ai vu trop d'hommes, sur terre et sur mer, et de trop grands. Trop de choses aussi, belles parmi les plus belles, pour ne pas remercier Dieu, et reconnaître, avec le plus cher de nos poètes, qu'il convient:

« de sortir de la vie ainsi que d'un banquet,

« remerciant son hôte, et faisant son paquet. ..

« Il n'est pas de philosophie plus sage.

« Ayant vu tout ce que j'ai vu, j'ai certes assez vécu ... »

Comme le lui avait demandé Lyautey, Farrère a écrit sur le Maroc pour faire comprendre le pays et expliquer l'action qui y était menée. Il a même fait davantage, au point que, en mars 1934, Lyautey pouvait écrire à l'auteur des Hommes nouveaux : Dieu ! comme vous avez compris, avec trop d'indulgence pour ma personne. »

 

Denis Fadda

 

 

1 Voir la biographie de Georges Estienne, fils du général Estienne, dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 15,

2 Voir la biographie de Lyautey dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N°11

3 Voir la biographie de Pierre Benoit dans Les Cahiers d'Afrique du Nord N° 9,

 

 

 

 PARMI SES ŒUVRES

 

Les Civilisés: 1905

L' homme qui assassina: 1906

Mademoiselle Dax, jeune fille: 1907

La Bataille: 1909

Les Hommes nouveaux: 1922

Lyautey l'Africain: 1922

Trois Histoires d'ailleurs: 1923

L'Afrique du Nord: 1925

Les Forces spirituelles de l'Orient: 1937

Mes voyages en Méditerranée: 1926

Lyautey créateur : 1955

 

 

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