Georges

Estienne

 
 

Nice. 1896

Monte-Carlo. 1969

Georges Estienne aux commandes de son avion,
en
1923.

 

Amoureux du Sahara. Georges Estienne avec son frère René ont ouvert la voie rapide à travers le Tanezrouft. " La plus longue route automobile du monde " a permis. grâce à ces pionniers de relier la Méditerranée au Niger. au Tchad et au Congo. Solitaire. tenace. modeste. Georges Estienne a pu être qualifié par ses contemporains de " seigneur du désert " et " maître des pistes ".

Georges Estienne est le troisième fils d'une famille d'origine lorraine. Son père, le général Jean- Baptiste Estienne, polytechnicien, s'était distingué dans la carrière des armes en mettant au point des engins blindés et créant le char d'assaut. Les quatre garçons auront une enfance marquée par une discipline toute militaire.

Passionnés dès le jeune âge par les aventures de l'explorateur René Caillé, Georges et son frère René rêvent de l'Afrique. Malgré les réticences de ses parents, Georges s'engage dans l'armée en septembre 1914 à l'âge de dix-huit ans. Il fera au quatorzième bataillon de Chasseurs Alpins les campagnes de Belgique, de la Somme et des Vosges, puis il demande à être affecté dans l'aviation. Très vite, il se distingue en tant que spécialiste de la reconnaissance aérienne à longue distance dans laquelle il va manifester un esprit d'ingéniosité et d'invention. A vingt-et-un ans il est titulaire de sept citations et obtient ·la médaille militaire et la Légion d'Honneur. Après la guerre, Georges Estienne, sous l'influence de son père, est attiré par le Sahara. A cette époque, ce désert qui fait partie de l'Empire français, n'a pas été totalement exploré. On en est encore à l'ère des chameaux et des caravanes. Des moyens de communication modernes doivent être mis en œuvre. Georges et son frère René font partie de la mission Citroën qui effectue la première traversée du Sahara en autochenilles. Cette expédition connut un grand succès. Elle empruntait l'itinéraire classique des pistes caravanières.

Cependant, Georges Estienne estime que cet exploit n'est pas entièrement satisfaisant car il nécessite des moyens matériels gigantesques. Il a compris au cours de ce voyage une grande vérité. Ce qui, jusqu'à présent, était considéré comme une partie infranchissable du Sahara doit devenir la route de demain pour l'automobile. Ce qu'il faut chercher c'est un sol ferme et plat: le reg. Mais pour le traverser d'Adrar à Gao, il faut plonger dans 1400 km d'inconnu dont mille sans eau. Qu'importe, pense Georges, on emportera l'eau dans les voitures et là où les chameaux mettent un mois, on mettra deux ou trois jours. Intéressé par l'idée de son fils, le général Estienne organise la mission « Algérie-Niger » grâce à la Compagnie Générale Transsaharienne et avec le concours de plusieurs ministères. Georges Estienne est le chef de la mission. Il est accompagné de son frère René et de plusieurs techniciens. A la tête d'un matériel de quatre automobiles à chenilles, surmontant les obstacles de toute nature, y compris l'insécurité, il traverse en trois jours le Tanezrouft, de part en part, sur le reg dur parfaitement adapté à l'automobile. Ainsi que l'a souligné le professeur Emile Gautier: " l'exploit réalisé par les frères Estienne en découvrant cette ligne de communication rapide est une révolution technique qui fait passer le Sahara de l'ère du chameau à celle de l'automobile ". Le Tanezrouft, hier encore inconnu et redouté, était devenu une voie routiere.

Les deux frères vont parfaire cette piste. Car le risque de s'égarer reste grand, par vent de sable ou brume de chaleur. En février 1926 ils chargent à Adrar un important matériel, destiné à établir des points de repères. Tous les cinquante kilomètres un fût est dressé en balise et comporte une réserve d'eau. Les bidons ont été numérotés. C'est ainsi qu'est né le fameux Bidon V, carrefour des routes sahariennes et bientôt escale aérienne.

En avril 1926, Georges, devenu directeur général de la Transsaharienne, et son frère René créent une " voiture couchette ", véritable hôtel itinérant qui permet dans des conditions de grand confort de traverser le Tanezrouft. Voulant prouver que n'importe qui peut effectuer cette traversée, en 1927, Georges s'aventurera sur le grand reg, effectuant en cinq jours le parcours Oran­Niamey au cours d'un raid solitaire et inédit qui reliait Paris à Fort-Lamy en onze jours.

Georges et René travaillent en équipe pour le compte de la Transsaharienne. Ils séjournent souvent à Reggan, oasis perdue au milieu des sables, s'attachant à leurs habitants. Ils construisent un bordj réservé aux voyageurs.

Hélas, le 18 mai 1927 René est victime d'une embuscade. Un convoi de camions dont il fait partie est attaqué par des pillards sur la route du Tafilalet. René est tué. Il est cité à l'ordre de la Nation. Georges est touché à vif par la mort de son frère. Sans lui, il continue seul la reconnaissance de la piste et la pousse jusqu'à Gao. La voie ouverte à travers le Tanezrouft devient vite celle des raids sportifs.

Georges s'est marié en 1927. Il aura deux fils et deux filles. La famille est installée dans la région de Nice. En 1928, il donne sa démission de l'armée pour se consacrer à la Transsaharienœ. Il démissionne en 1933 pour se tourner vers une autre partie du Sahara : la route des oasis qui passe par le Hoggar. Il est nommé président directeur général de la Société Algérienne des Transports Tropicaux (SATT) dont il est l'un des principaux actionnaires avec son frère Jean. La ligne du Hoggar permettra d'aller d'Alger à Kano en onze jours. En 1934 la ligne est prolongée jusqu'à Fort-Lamy. La France s'attribuait alors le record de la plus longue ligne automobile du monde exploitée en service régulier.

Lorsqu'il met sur pied et organise sa ligne transsaharienne Georges a trente-huit ans. Depuis vingt ans, il a sillonné le ciel dans son avion, et le Sahara en tous sens, trouvant dans ces grands espaces son lieu d'habitat. A chacun de ses succès, il a toujours réagi modestement car il se trouvait totalement à l'aise dans ce qu'il entreprenait. Aux commandes de sa société, il va aborder quelque chose de nouveau, beaucoup moins fait pour lui : la vie sédentaire. De son bureau d'Alger, véritable poste de commandement, Georges dirige et suit, heure par heure, la marche des chauffeurs. Ses ordres fusent d'antennes en antennes. De son autorité invisible il assure la sécurité et l'hébergement des voyageurs du désert. Abandonnant parfois son QG d'Alger, il va visiter les hôtels du Hoggar ou inaugurer de nouvelles pistes.

A partir de 1946 la SATT monte en puissance et devient la Société Africaine des Transports Tropicaux. L'organisation touristique passe à une vitesse supérieure. L'Aéroafricaine, filiale de la SATT permet un grand développement du tourisme transsaharien. Georges fait construire des ateliers à Fort-de-l'Eau (Alger) pour procéder à l'entretien du matériel roulant en service au Sahara.

En 1954 la guerre d'Algérie marque un tournant. Le tourisme disparaît. Georges arrête l'exploitation de l'Aéroafricaine dont les lignes sont reprises par Air Algérie. En 1959 le bordj de Reggan est réquisitionné par l'armée pour entreprendre les premiers essais nucléaires. En 1963 ses sociétés sont mises sous le contrôle de l'Etat algérien. Il doit tout abandonner du jour au lendemain sans indemnités. Il est décédé en 1969.

Georges Estienne a toujours été attaché aux " gens du Sud " sur lesquels il aimait étendre une protection bienveillante. Il aurait souhaité que l'Algérie et le Sahara restent français, mais de tendance libérale, il comprenait aussi que ces populations soient fondamentalement pour l'indépendance de leur pays.

 

Odette Goinard
D'après le livre d'Arlette Estienne-Mondet, fille de Georges

 

 

Bibliographie :

 

* Grorges Estienne aviateur et saharien par Louis Castex. Les Ailes. 1950.

* Ligne du Hoggar par Arlette Estienne­Mondet. Ed. Philippe Chauveau. Paris. Octobre 2005.

 

 

 

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