Albert

d'Amade

 
 

Toulouse. 1855

Fronsac. 1941

 

Alliant la vertu de courage à un sens affirmé de la stratégie militaire. le général d'Amade s'est illustré dans les diverses cam­pagnes auxquelles il a participé tant en Tunisie qu'en Extrême-Orient et en Afrique australe. Mais c'est surtout au Maroc qu'il s'est imposé.

A une époque où les dissensions internes régnaient en ce pays, il a su avec habileté rétablir un ordre et aboutir à une évolution moderne du Maroc.

A la veille de sa sortie de l'Ecole Spéciale Militaire, Albert d'Amade pensait pouvoir obtenir une affectation au 1er Régiment de Tirailleurs Algériens, stationné à Blida, ce qui lui permettait de résider auprès de son père, alors à la direction de l'Intendance d'Alger. Son vœu n'avait pu être satisfait, et il se retrouvait au 3ème Régiment de Tirailleurs Algériens à Constantine, ce qui était loin d'être déplaisant.

Jusqu'à son départ pour la campagne de Tunisie avec son régiment, en mars 1881, le jeune officier connaîtra la vie de garnison à laquelle s'ajoutaient les tournées de police régionale.

La campagne de Tunisie, consécutive à de nombreux incidents de frontière, fut conduite rapidement, car le 12 mai 1881 le Bey signait le traité de Kassar Saïd ou du Bardo, par lequel il agréait le protectorat de la France, acceptant d'entreprendre toutes les réformes suggérées par elle ...

L'accord ne fut pas sans provoquer, surtout dans le sud, un mouvement de guerre sainte, pour la réduction duquel, le Bey sollicita l'aide militaire de notre pays.

Les opérations, menées par 30.000 hommes, venus de métropole et d'Algérie, étaient conduites par le général Forgemol. Cette campagne de Tunisie fut conduite avec fermeté par nos troupes qui s'illustrèrent, par leurs actions d'éclat, comme leur: camarades de l'armée d'Afrique dans les combats antérieurs, y compris ceux de 1870 et 1871. Le futur maréchal Canrobert n'avait-il pas déclaré à Bourbaki, alors commandant aux Tirailleurs de Constantine: " je ne prétends pas que vos soldats soient les meilleurs de l'armée française, mais je n'en connais pas qui vaillent mieux. Avec une troupe comme la vôtre on peut tout oser ". A l'automne 1882, le lieutenant d'Amade entrait à l'Ecole Supérieure de Guerre. Il en sortait breveté et retrouvait le 143ème Régiment de l'Infanterie, auquel il avait été muté précédemment. Il se trouvait dans la XVIIème région, à la tête de laquelle venait d'être désigné le général Lewal dont l'attention avait justement été attirée par le jeune breveté, dont il allait faire son officier d'ordonnance, quand il fut appelé par Jules Ferry, rue Saint Dominique.

Le général Lewal était considéré comme l'un des meilleurs théoriciens de ce que l'on aurait pu -sans trop d'excès- appeler l'armée de la revanche.

Il s'était ensuite montré sur tous les théâtres d'opération, observateur attentif et exécutant accompli. En Algérie, où il devait rester cinq ans, servant, en particulier, comme chef du bureau arabe à Blida, et comme responsable de la région de Souk-Ahras,

En quittant le service du général Lewal, le lieutenant d'Amade recevait son troisième galon et devenait chef d'état-major du général Munier, auquel était confié la 2ème brigade du corps expéditionnaire du Tonkin, Par la suite, il était versé à la 3ème brigade d'infanterie de la division d'occupation du Tonkin et de l'Annam, et pour ses brillants services, recevait à moins de trente ans la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur. Captivé par les problèmes d'Extrême­Orient, il obtenait le poste d'attaché militaire à la légation de France en Chine, et fournissait à son département une abondante documentation sur le Pei Tchi-li la zone frontière avec la Corée, sur le Yunnan Tsé. Son rapport, à la suite de son long voyage, peut être considéré comme un modèle du genre et lui valut de justes félicitations. Il est vrai que sa connaissance de la langue lui avait facilité les contacts. Après quelques années passées en France, il était délégué, auprès de l'état-major britannique en Afrique australe, pour y suivre les opérations contre les Boers. Au cours de ces campagnes, il faisait la connaissance de chefs anglais tels que Roberts, Kitchener, Hamilton et du. journaliste Winston Churchill,

Attaché militaire à Londres pendant cinq ans, il regagnait la France pour prendre la direction du 77ème Régiment d'Infanterie à Cholet. Clemenceau, Président du Conseil, vint le chercher fin décembre 1907 à la Rochelle, alors que la 69ème brigade lui était confiée pour aller assurer le commandement des unités chargées de rétablir l'ordre en Chaouïa.

Le chef du gouvernement pensait que cette opération serait de courte durée et, s'impatientant, il envoyait au début mars le général Lyautey et M. Regnault, ministre plénipotentiaire à Tanger au Maghreb, pour étudier les moyens les plus rapides de régler un problème qui n'avait que trop duré. Le pacificateur des Beni Snassen avait présenté un rapport dans lequel il justifiait les dispositions prises, encourageant sans réticence le responsable du corps expéditionnaire.

Il poursuivait son œuvre de rétablissement du calme en évitant de verser inutilement le sang des combattants, imposait le " cessez le feu " quand la situation militaire le permettait, déclarant à son entourage :

" Arrêtez de tirer on a déjà tué trop d'adversaires ". Ces adversaires, le plus souvent des cavaliers redoutables, devaient, le plus possible être ralliés au Maghzen. Il lui était coutumier de dire en parlant d'eux: " Nos amis, nos ennemis ". La compétition pour le trône entre les deux frères, le Sultan en place, le " Rogui " , alourdissait l'atmosphère. Toutefois, le général recevait l'ordre de présenter un projet de mise en place d'unités locales de remplacement. Le 1er novembre 1908, le général d'Amade publiait l'instruction N° 100, instituant les forces supplétives, dont l'élément le plus solide était représenté par les six Goums mixtes de la Chaouïa. Ils constitueront, au lendemain de l'indépendance, le noyau de l'armée royale.

Il avait su gagner à sa cause, celle de sa mission, ceux qui avaient longtemps résisté à son effort de compréhension et de séduction. Dans le compte-rendu de la visite du responsable français au Sultan, publié par le Matin du 17 février 1909, on pouvait lire: " Le général d'Amade était naguère le cauchemar et l'épouvantail du Sultan Moulay Hafid, il est par lui maintenant donné en exemple à tous les généraux qui commandent son armée. Il est le modèle de toutes les vertus et cité quotidiennement à l'ordre du jour des Caïds " ...

Quelques mois auparavant, le journal de Genève lui rendait hommage en ces termes: " Il croit en la beauté de la mission qu'on lui a confiée, à cette pacification par la force douce si l'on peut ainsi dire, qui doit mener les Marocains vers le progrès et le monde moderne.. La campagne qu'il vient de faire avec son armée est glorieuse pour la France et digne d'éloge pour l'Europe ... " .

Ayant regagné la métropole il recevait successivement la charge de la 9ème division d'infanterie à Orléans, du 13ème corps d'armée à Clermont-Ferrand et du 6ème à Chalons et devait entrer le 24 avril 1914 au Conseil Supérieur de la Guerre.

Le général Joffre, ayant été invité à Saint­Petersbourg, au retour en Russie du Grand Duc Nicolas, venu au camp de Chalons assister aux manœuvres françaises, avait été informé du désir de le voir accompagné par le commandant de corps d'armée, positionné au Chef lieu de la Marne; corps d'armée dont il avait apprécié la remarquable tenue. Cette invitation n'aurait pas plu au généralissime et, lors d'une importante réception le Tsar se serait presque exclusivement intéressé aux avis du pacificateur de la Chaouia sur l'organisation des formations du type dont il avait la responsabilité.

A l'ouverture des hostilités, le plus jeune membre du Conseil Supérieur recevait le commandement de l'armée des Alpes, immédiatement supprimé en raison de la neutralité bienveillante de nos voisins italiens. Il se voyait alors attribuer la direction, selon le mot de Lanrezac, d'un cordon douanier le long de la frontière belge. Après des instructions contradictoires, il devenait l'adjoint du général Bruyère, ancien vice-président du Conseil Supérieur de la Guerre. Dans le courant du mois de février 1915, il était placé à la tête du détachement français du corps expéditionnaire d'Orient sous les ordres de Ian Hamilton.

Le général français avait été, le 25 avril, chargé d'une manœuvre de diversion sur la rive sud des Dardanelles à Koum Kalé, forteresse et village dont il s'était emparé grâce à la vaillance des coloniaux du colonel Rueff.

Pendant trois semaines les troupes du général d'Amade se battirent avec un courage admirable et lorsqu'il fut rappelé on a bien pu se poser la question : pourquoi ? Il semble que Churchill ne pouvait admettre que les exécutants de ses ordres aient eu, dans le passé, une autre conception que lui du plan de bataille. Le général d'Amade, remplacé par le général Gouraud, fut chargé d'une mission en Russie. Par la suite, il se vit refuser une désignation pour la ligne de feu. La règle admise voulait que tout officier général ou supérieur, absent du front pendant six mois ne pouvait plus prétendre qu'à une fonction territoriale. Ainsi le vainqueur de Koum Kalé fut successivement affecté à Lyon et à Rennes.

Les poilus d'Orient, reconnaissants au général d'Amade de son courage et de sa générosité, obtinrent du gouvernement le transfert de sa dépouille des bords de la Dordogne au caveau des Gouverneurs, à Saint- Louis des Invalides, auprès de celles des grands capitaines les plus vénérés.

 

Jacques Augarde

 

 

Œuvres du général d'Amade:

 

* Campagne de 1908-1909 en Chaouia. Rapport du général d'Amade. Editeur Chapelet et Cie, 1911.

* Constantinople et les Dardanelles. L'expédition de 1915 par le général d'Amade. Orléans, 1923.

* Carnets (archives familiales).

 

 

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