Louis Hubert

Lyautey

 
 

Nancy, 1854

Thorey Lyautey, 1934

 


 

Le maréchal Lyautey, résident général de France au Maroc de 1912 à 1925, occupe indéniablement une place toute particulière dans le légendaire colonial français.

"La joie de l'âme est dans l'action", telle était sa devise.

Il peut paraître superflu de consacrer un texte au maréchal Lyautey tant il est connu. Nous avons cru bon néanmoins de rappeler les grands traits de son action et le rôle unique qu'il a joué outre-mer et particulièrement au Maroc, tant sur le plan de la pacification que de la mise en valeur de ce pays. C'est dans l'ancienne cité ducale de Nancy que naquit, le 17 novembre 1854, Louis Hubert Gonzalve Lyautey dont la vie restera toujours imprégnée par ce pays rude qu'est la Lorraine.

Son père, installé dans cette ville sous le Second Empire, polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, comptait une longue ascendance militaire.

Victime à l'âge de dix-huit mois d'un accident, le jeune Louis Hubert marche avec des béquilles et porte un corset de fer jusqu'à l'âge de douze ans. Durant cette période difficile, il acquiert le goût de la lecture, de l'étude, de la méditation, tout en mettant toute sa volonté à recouvrer l'exercice de ses mouvements. Enfant, il manifeste un goût particulier pour les jeux de construction. Sur un vaste tas de sable, il dessine des villes, trace des routes, orne les places et les rues de minuscules maisons. Ces dons d'urbaniste seront mis plus tard à profit sur une plus large échelle. A dix-neuf ans, devant choisir une carrière, et après certaines hésitations - vie monastique, polytechnique, armée - il entre à Saint-Cyr, puis est affecté à Châteaudun dans la cavalerie en qualité de sous-lieutenant. Quelque peu déçu par l'enseignement militaire, purement formel, et la vie de garnison, il se sent porté vers de plus grandes causes. C'est l'Afrique qui va le former, le révéler à lui-même.

Quelques années passées en Algérie (Orléansville, Téniet-el-Haad), où il est envoyé en mission topographique, lui ouvrent des perspectives plus motivantes, tant sur le plan militaire que sur le plan personnel. Il entreprend l'étude de l'arabe. Revenu à Saint-Germain-en-Laye, afin de rompre avec sa vie de garnison qu'il n'affectionne guère, il fréquente certains milieux littéraires où il rencontre Eugène Melchior de Vogüe qui deviendra un très fidèle ami et avec lequel il entretiendra une correspondance tout au long de sa vie. Il écrira à cette époque Du rôle social de l'officier dans le service militaire universel. Cette étude parue dans la Revue des Deux Mondes fut très controversée. C'est alors que Lyautey, en novembre 1894, est envoyé en Indochine. Il est remarqué par Galliéni qui le nomme chef d'état-major, chargé de la pacification du Tonkin. Il s'acquitte brillamment de la tâche qui lui est confiée. Galliéni, qui occupe les fonctions de Résident Général à Madagascar, fait à nouveau appel à lui au début de l'année 1896 pour l'aider à la pacification de la Grande Ile. Lyautey s'acquittera de cette mission avec un brio incomparable en appliquant les méthodes qui lui ont si bien réussies en Indochine "ne pas se substituer, mais contrôler".

Après un bref commandement en métropole, le colonel Lyautey est nommé en 1903 commandant de la subdivision d'Ain­Sefra. Il retrouve avec joie "son Sud, son soleil, sa lumière, cette sensation de l'immense, de l'infini qu'il faut avoir éprouvée pour la comprendre". Devenu général, il mène alors une sage politique de pacification dans une région infestée de bandes armées dissidentes.

Le prestige dont très vite Lyautey jouit, auprès des indigènes, seconde son action. Leurs chefs, guerriers gentilshommes, aux mœurs rudes et chevaleresques le comprenaient, aussi bien que lui-même savait les prendre.

Aïn-Sefra est une porte ouverte sur le Maroc. A la tête de la division d'Oran en 1906, il entre à Oujda et fait reculer ainsi les limites de l'insécurité qui régnait aux frontières de l'Algérie. Il partage l'honneur de ces magnifiques résultats avec le Gouverneur Général Jonnart, qui, en toutes circonstances, s'est efforcé de lui faciliter la tâche. Nommé à Rennes en 1910, il se consacre, dans une tension internationale accrue, à l'instruction de ses troupes, tout en espérant une mission plus élevée auprès de Joffre, généralissime désigné en cas de conflit.

Toutefois au Maroc, juste après la signature du Traité du Protectorat, de graves événements surviennent à Fès et la situation générale semble compromise. Le Gouvernement nomme aussitôt Lyautey comme Résident Général, estimant qu'il est le plus compétent pour prendre en mains les desseins de la France au Maroc. Il instaure alors dans ce pays une politique de hardiesse calculée, de prudence et d'habileté qui fera merveille. Malheureusement, la déclaration de guerre de 1914 place Lyautey dans un choix difficile. Bien que son caractère lorrain le pousse à avoir un commandement sur le front, il pense que son rôle au Maroc serait plus bénéfique pour la France. Amputé d'une grande partie de ses troupes durant la grande guerre, il tient en respect les tribus montagnardes dissidentes et garde intacte l'armature extérieure du Maroc. Il a recours à une méthode d'une étonnante souplesse qui, ne recourant aux armes qu'à l'extrême nécessité, place au tout premier plan le travail politique, les procédés de rapprochement, l'apprivoisement progressif Rappelé à Paris, il assume les fonctions de Ministre de la Guerre de décembre 1916 à avril 1917, mais étant l'objet de basses manœuvres politiques, il démissionne et retourne au Maroc où il entame huit années exemplaires durant lesquelles son génie peut se donner à plein. En effet, tout est mené de front et ses dons de bâtisseur peuvent s'exercer dans les domaines les plus divers :

- Le réseau routier s'étend chaque année,

- Un service de Santé est mis en place.

- Des ponts sont créés.

- La jetée de Casablanca est prolongée,

- Les voies ferrées se construisent.

- Les phosphates sont exploités.

- Les premiers barrages s'édifient,

- L'électrification se développe.

- Des villes nouvelles naissent, à distance des anciennes.

Le trait saillant de cette véritable révolution c'est qu'elle ne s'exerce pas sur un plan purement technique mais ne manque jamais de poser les problèmes en termes humains. Ce qui met en lumière le sens social de Lyautey, c'est la signification qu'il donne à la notion de protectorat. C'est l'évolution politique qu'il prépare et qui doit, sans crises et sans heurts, amener progressivement les Marocains à la gestion de leurs propres affaires.

Par ailleurs, Lyautey renforce l'autorité du Maghzen sous l'autorité du Sultan, tout en organisant un contrôle français de l'Administration. Il crée les Bureaux des Renseignements devenus en 1927 ceux des Affaires Indigènes. Il reprend les opérations en vue de la pacification totale du pays.

Maréchal en 1921, il sera écarté du Maroc en pleine guerre du Rif. Malgré ses incontestables succès à Taza et contre Abd­El-Krirn, le gouvernement Painlevé lui retire ses fonctions de Commandant en Chef pour les confier au maréchal Pétain. Considérant cette décision comme une disgrâce, le maréchal Lyautey donne sa démission. A son arrivée à Marseille, aucune personnalité ne l'attend, aucune troupe pour lui rendre les honneurs, alors qu'à Gibraltar, les torpilleurs britanniques l'attendent et les équipages acclament son passage au son du canon. Rentré à Paris et ne trouvant plus d'objet à sa' dévorante activité, Lyautey connaît des jours sombres. Il ne se doute pas que sa légende, indifférente à un événement fortuit et vite oublié, ne cesse de grandir et que, pour tout le monde, il est l'homme qui, après avoir fait le Maroc, l'a sauvé par deux fois.

Retiré à Thorey, Lyautey mène une vie de retraite active, organisant des réunions de jeunes Marocains, d'étudiants, de scouts.

En 1931, il sera chargé, comme Commissaire Général d'organiser l'Exposition Coloniale Internationale ce qui lui permettra de mettre en valeur une dernière fois ses dons prodigieux d'organisateur, de décorateur et de metteur en scène. Au cours d'un diner, offert à cette occasion, au jeune sultan du Maroc, le maréchal, parlant pour la première fois du Maroc, déclara: "ce soir la coupure de ces six années d'exil est terminée". C'est alors que le Président Paul Reynaud, brillant orateur, limita son discours à ces deux courtes phrases : "La France reçoit Sa Majesté Sidi Mohammed ben Youssef en présence de monsieur le maréchal Lyautey. Après avoir cité ces deux noms, le représentant du Gouvernement n'a qu'un devoir, celui de les saluer et de se taire".

Le maréchal s'éteint le 27 juillet 1934. Inhumé à Rabat suivant ses dernières volontés, il repose depuis 1961 sous la Coupole des Invalides.

Lyautey a marqué profondément son temps. Il est l'exemple d'un chef militaire ayant possédé au plus haut degré, outre sa valeur technique, des qualités, des mérites et des dons universels. Il avait l'âme du penseur, le sens social du chrétien, le génie de l'organisation, l'esprit du moraliste, le talent de l'écrivain.

Grand chrétien, admirable officier, le maréchal Lyautey a fait honneur à sa patrie, la France, et à sa province natale, la Lorraine.

Alain Goinard

 

 

Bibliographie:

 

Les livres et études concernant le maréchal Lyautey sont en si grand nombre qu'il nous est impossible de les énumérer, ni même d'en faire un choix, chacun des auteurs ayant une approche personnelle de cette figure prestigieuse. Nous tenons à la disposition de nos lecteurs une bibliographie des travaux qui lui sont consacrés.

 

 

retour à la page des biographies