Pierre

Benoit

 
 

Albi,1886

Cibouré (64) 1962

 

Il concevait son métier comme "une chose

qui n'existerait pas sans amour, une soumission, une dévotion de tous les instants ..."

(lettre à Paul Gallimard)

Né à Albi le 16 juillet 1886, Pierre Benoit est issu de cette bourgeoisie de province dont on trouvera de nombreux représentants dans ses romans. C'est un enfant choyé par sa mère et ses sœurs, d'autant plus isolé des garçons de son âge qu'il est en grande partie éduqué à la maison. Les hasards des affectations militaires de son père lui font passer l'essentiel de sa jeunesse en Afrique du Nord. C'est à la Faculté d'Alger qu'il commence ses études de droit. Après son service militaire au premier régiment de zouaves, il poursuit à Montpellier des études de lettres et d'histoire.

Il passe quelques mois comme pion à Lakanal avant d'entrer en 1910, en qualité de rédacteur, au ministère de l'Instruction publique, Il fait ses premières armes comme secrétaire du député basque Iriart d'Etchepare, avant de devenir attaché de cabinet de Léon Bérard, sénateur des Pyrénées-Atlantiques et plusieurs fois sous­secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts. Ce poste lui offre l'occasion de fréquenter aussi bien des parlementaires que le monde des arts ; c'est ainsi qu'il rencontre le comte de Mun, Viviani, mais aussi Cécile Sorel. Il lui permet également d'organiser des courses de tortues sur les terrasses du Palais-Royal avec Maurice Reclus, fils du géographe Onésime Reclus et futur membre de l'Institut!

C'est dans les semaines précédant l'attentat de Sarajevo que Pierre Benoit publie sa première œuvre, Diadumène . Tirée à quatre cents exemplaires, celle-ci est saluée par Anna de Noailles, Maurice Donnay et Victor Margueritte, et témoigne du réel talent de son auteur.

Mobilisé comme sous-lieutenant, il participe à la bataille de la Marne, avant d'être évacué sur l'arrière en raison de graves ennuis de santé. Quoique sa guerre ait été assez courte, il restera, comme tous les Français de sa génération, profondément marqué par cette épreuve.

Prématurément démobilisé, il se remet à l'écriture. C'est avec Koenigsmark son premier roman, qu'il connaît le succès. Il passe très près du prix Goncourt. L'année suivante, Pierre Benoit connaît la consécration avec l'Atlantide. éditée dans la collection dirigée par Henri de Régnier chez Albin Michel, maison à laquelle l'écrivain restera fidèle toute sa vie. Ce livre reçoit le grand prix du roman de l'Académie française et va connaître plus de sept cents éditions en français et être traduit en quatorze langues. Ce merveilleux récit, qui a pour cadre le désert du Hoggar, a fait rêver plusieurs générations de Français et demeure un des plus grands succès littéraires du XXème siècle.

Pierre Benoit est désormais un auteur en vue. il reçoit les avantages de la célébrité, notamment celui de voir ses œuvres adaptées au cinéma. Elu président de la Société des gens de lettres en 1929, il voit sa réussite couronnée par son entrée à l'Académie française en 1931. Il siège, à quarante-cinq ans seulement, au fauteuil de Porto-Riche, de Lavisse et de Chamfort.

Les succès s'enchaînent, et l'entre-deux-guerres constitue un véritable âge d'or pour Pierre Benoit. Il maîtrise l'art de divertir et de tenir en haleine. Il privilégie l'action, s'autorisant à l'occasion des incursions dans le fantastique. Il trouve ses sujets dans son imagination, mais aussi dans l'actualité. Il sait, en outre, varier les décors et faire voyager le lecteur au Cambodge, au Liban, en Mandchourie, en Irlande, en Palestine, au Cachemire, mais aussi dans les provinces de France. Il voyage beaucoup, en bateau surtout. Certains de ses romans ont été écrits dans des cabines de paquebot, mais beaucoup le furent à Saint­Céré. Bourreau de travail, méthodique, il commence par rassembler une documentation, puis se met à l'œuvre. Il écrit de 9h à 17h, pendant plusieurs semaines, pour atteindre ses mythiques 318 pages au gré desquelles on retrouvera une héroïne dont le prénom commence toujours par la lettre A.

Auteur classique, et qui se revendique comme tel, Pierre Benoit se nourrit d'une riche culture littéraire : ses auteurs favoris sont Chateaubriand, Bossuet, Balzac, Lamartine et Racine dont il connaît par cœur des milliers de vers et aux héroïnes duquel il consacre plusieurs poèmes.

Les détracteurs de Pierre Benoit, et ils étaient déjà nombreux de son vivant, lui ont reproché de verser dans la facilité, d'être un "bureaucrate des lettres", systématique, publiant avec une régularité de métronome son roman annuel, parfois au détriment de la qualité. Plus que tout, il lui a surtout été fait le reproche, déjà infamant à l'époque, d'être un auteur de droite. Il l'est indubitablement, d'abord par tradition familiale. Ses sympathies politiques le portent vers les cercles catholiques et royalistes. il entretient des relations suivies avec Charles Maurras qu'il soutiendra jusqu'au bout. Il avoue à Paul Guimard, en 1957, admirer profondément Salazar, et tient, à la mort du maréchal Pétain, à prononcer un discours d'hommage, en dépit du désaccord de certains académiciens. C'est enfin en 1959, le veto du Général De Gaulle à l'entrée de son vieil ami Paul Morand à l'Académie qui pousse Pierre Benoit à n'y plus siéger, celle-ci n'acceptant pas les démissions.

Pierre Benoit figure donc sur la liste noire du Comité national des écrivains, organe épurateur des lettres françaises. Pourtant, il a vécu à l'écart de la collaboration, passant l'essentiel de la période de guerre à Cibouré (Pyrénées Atlantiques) aux côtés de Marcelle, qui deviendra sa femme en 1947. Il est toutefois arrêté le 5 septembre 1944. Défendu par Maurice Garçon, il est libéré le 5 avril de l'année suivante. Cette incarcération est, pour l'écrivain, l'apprentissage de l'humiliation, de la trahison de certains qu'il croyait être des amis. Mais il se découvre des appuis, notamment de la part de Louis Aragon, duquel pourtant tout le sépare, et qui intervient en sa faveur.

Les années d'après-guerre sont pour lui une période de progressif effacement. Il est à contre-courant des mouvements littéraires des années 1950, dont les chefs de file, presque toujours des hommes de gauche, pèsent de tout leur poids sur la vie intellectuelle. Il apparaît à beaucoup comme démodé. L'érosion de ses tirages se poursuit, même s'il demeure une valeur sûre pour Albin Michel.

Très marqué par le décès de sa femme en 1960., il ne quitte plus guère Cibouré et meurt deux ans après.

Quarante ans après sa mort, Pierre Benoit n'a pas retrouvé la place qu'il mérite. A l'écart des programmes scolaires, peu présent chez les libraires, il survit surtout par l'Atlantide régulièrement portée à l'écran.

Sans doute peut-on reprocher certaines choses à cet auteur ; cette volonté de faire paraître un livre par an l'a conduit parfois à gâcher son talent. Mais il a passionnément aimé distraire ses lecteurs" les intriguer, les faire rêver. Il demeure, plus que jamais à notre époque, un auteur à garder précieusement pour les dimanches de l'imagination.

Odette Goinard
d'après Sébastien Lanoye
(article paru dans le
Spectacle du Monde, Avril 2002, N° 478).

 

La maison familiale (photo ci-contre) de Pierre Benoit à Saint-Paul-lès-Dax, La Pelouse, aujourd'hui propriété du groupe Gascogne est ouverte de mai à octobre (Tél: 05 58 91 09 63).

 

Parmi ses œuvres :

Celles-ci étant extrêmement nombreuses, nous citerons seulement les plus connues

    Diadumène                                      1914

    Koenigsmark                                   1917

    L'Atlantide                                       1919

    Pour Don Car/os                            1920

    La Chaussée des Géants                 1922

    Mademoiselle de La Ferté               1923

    La châtelaine du Liban                    1924

    Le puits de Jacob                             1925

    Axelle                                               1928

    Erromango                                        1929

    Bethsabée                                        1938

    Fabriœ                                             1956

    Montsalvat                                       1957

    Les amours mortes                         1961

Les titres les plus connus de Pierre Benoit sont disponibles en Livre de Poche ou dans la collection Bouquins.

Bibliographie :

* Pierre Benoit le magicien par Jacques Henry Bonecque Albin Michel 1986.

* Il faut noter l'existence d'une Association des Amis de Pierre Benoit, 4, place de la République, 46500, Granat.

 

 

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