Jean-Baptiste

Say

 
 

Nantes, 1852

Port-Say, 1915

Port-Say

Le Grand Hôtel du Maroc Oriental

 

Le nom de Louis Say est lié à la création de Port-Say, actuellement Marsa-ben-Mihdi.

Mais il est aussi lié au sucre dont la marque était fort connue en Algérie. Il serait injuste de ne pas rendre hommage à un homme énergique et qui, malheureusement, ne fut pas récompensé de ses efforts.

Rappelons tout d'abord que le royaume chérifien, depuis l'implantation en Algérie, ne cessait de créer des soucis aux autorités par les incursions pillardes de tribus plus ou moins soumises à son autorité, sur la frontière mal définie. La campagne du général Lyautey en janvier 1908, mit un terme aux désordres provoqués par ces agitateurs locaux. La vaste plaine des Triffa, située entre les rivières Kiss et Moulouya, la mer au Nord et Berkane et Martin-Prey du Kiss, attira alors de nombreux colons.

L'un d'entre eux surtout sut faire preuve de qualités exceptionnelles : une volonté, un courage indomptable et une foi inébranlable dans la destinée de la colonie.

 Ce fut Louis Say, appelé le plus souvent Louis Jean-Baptiste, pour le distinguer de son père Louis Octave Say et de son grand-père Louis Say, fondateur de la célèbre sucrerie et frère de l'économiste Jean-Baptiste Say. A dix-sept ans, ses études terminées, Louis Say décide d'être marin. Il entre à l'Ecole Navale. Durant plus de cinq années, il sillonne les mers et devient enseigne de vaisseau. Epris d'aventure, et sollicité par l'explorateur Victor Largeau, il obtient un congé de trois ans pour suivre ce dernier dans ses expéditions au Sahara. Il démissionne de la Marine en 1877. C'est alors que s'affirme sa vocation de colonisateur.

Louis Say souhaitait créer un port sur la côte méditerranéenne du Maroc, à l'embouchure de la Moulouya, mais il se heurta aux autorités gouvernementales. A défaut, il s'installera en Algérie, dans la région du Kiss à 1 500 mètres de la frontière et à une quinzaine de kilomètres de la Moulouya. Il construisit une baraque, couverte en diss sur le rivage et explora l'arrière pays. Il noua des relations privilégiées avec les tribus avoisinantes.

Son génie fut d'avoir compris que les 40.000 hectares de terres d'alluvions de ce quadrilatère, arrosé par deux fleuves qui ne tariraient jamais, et possédant une nappe souterraine d'un débit considérable, étaient une source de richesses. De plus, les montagnes proches regorgeaient de minerais de cuivre, d'antimoine, de plomb argentifère et de fer. Toutes ces productions actuelles ou futures auraient besoin d'un débouché maritime proche pour être exportées.

D'autre part la ville d'Oudjda, guère éloignée, pourrait utiliser ce port pour son important commerce. C'était en juillet 1900, Louis Say aurait pu, au lieu de s'investir dans ce projet coûteux et hasardeux, continuer une carrière d'officier de manne prometteuse et, riche héritier, jouir sans soucis des joies que la vie lui offrait.

Il préféra tout risquer, y compris sa vie. Il s'installa à l'endroit où les négociants de Nemours avaient tenté de créer un comptoir commercial, qu'ils durent abandonner en raison des dangers courus. Deux de leurs employés, François Uabador et Napoléon Lanteri y furent assassinés. De plus, la salubrité, du fait des marais, laissait à désirer. Bref cette baie à l'embouchure du Kiss n'avait rien pour séduire.

Say prit le risque. Il engagea sa fortune dans l'aménagement d'un port, la construction de bâtiments, la création de pépinières et le drainage du marécage. Les pouvoirs publics suivirent, ils aménagèrent des routes carrossables et installèrent les administrations nécessaires, Douanes, Ecole, Postes et Télégraphe. En neuf ans la ville naissante comptait neuf fonctionnaires, vingt-quatre commerçants et trois cents habitants. Soixante maisons, docks, magasins ou ateliers étaient construits ainsi qu'un bain maure et une briqueterie. Le port possédait cinq cents mètres de jetées.

En six ans, 200 000 quintaux de céréales y avaient été embarqués, représentant deux millions de francs. Dans la seule année 1906 le port avait vu 146 navires faire escale.

A la mort de sa mère, devenu l'unique héritier, Say est à la tête d'une fortune considérable. Celle-ci est systématiquement mise à profit pour le développement de Port-Say, mais ne suffit cependant pas à combler les espérances de son fondateur. La guerre de 1914-18 bloque toute évolution dans ce sens.

Le 3 octobre 1915, Louis Say meurt brusquement, âgé de soixante-trois ans. Son œuvre, mal assurée encore, ne lui survivra pas. Port-Say périclite, les maisons s'abîment, la voirie se perd ... En 1935 fut constituée la société anonyme de la station balnéaire de Port-Say. Celle-ci sera inaugurée après la guerre, en 1953.

Le gouvernement français avait su néanmoins récompenser les efforts de Louis Say pour les services rendus à la colonisation, et, par conséquent à la France, en lui conférant les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur le 14 juillet 1908.

Odette Goinard et Luc Tricou

 

Bibliographie

 

* L'Afrique du Nord Illustrée du 20 mars 1909

* Francis Llabador. Port-Say et son fondateur Louis Jean-Baptiste Say. Oran 1955

* Joseph Valynseele. Hommes et Destins. Tome VII Maghreb, Louis Say 1986.

 

 

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