Théodore

Roustan

 
 

Aix-en-Provence.

1833 Paris. 1906

 

La vie de ce diplomate illustre bien l'importance qu'avaient les consuls et la place prépondérante qu'ils avaient sur l'échiquier mondial, en particulier en Orient.

Acteur principal, en tant que consul général de France en Tunisie de l'expédition française de 1881 qui devait aboutir au Protectorat, Théodore Roustan est un diplomate qui effectuera toute sa carrière dans le Proche Orient et le Levant faisant preuve d'une profonde connaissance du monde arabe.

Né en 1833 à Aix en Provence dans une famille de commerçants, Théodore Roustan prépare une licence en droit dans cette ville, puis il choisit la carrière diplomatique. Nommé en août 1860 élève consul à Beyrouth, puis à Smyrne, il est chargé de la gestion du consulat du Caire à titre provisoire en mars 1865. Il sera titulaire du poste en août 1865. Il revient alors à Paris comme attaché à la direction des consulats en décembre 1866, puis il est nommé consul à Alexandrie en juin 1867 et à Damas en mars 1868. Commissaire en Palestine en août 1870 au moment des conflits interreligieux, il revient comme consul d'Alexandrie en juin 1872 après une mise en disponibilité durant les événements de septembre 1870. Consul général à Beyrouth en décembre 1872, il est promu au grade de consul général et chargé d'affaires à Tunis le 17 décembre 1874. Il Y prend la suite de diplomates qui se sont rapidement succédé et dont les orientations politiques n'ont pas toujours été très heureuses.

Célibataire endurci, arabophone, c'est un homme de caractère doué d'une fine intelligence. Son rôle va être primordial, face à la situation économiquement difficile de la Régence. En effet, acculé à la banqueroute, entouré de ministres cupides, le bey Mohamed es Sadok a été obligé d'accepter une commission financière internationale imposée par les consuls européens pour gérer la dette issue d'emprunts désastreux. Fort heureusement, depuis octobre 1873, le souverain a comme premier ministre un mamelouk, Khéreddine, qui tente à la fois de réformer l'administration tunisienne et de contenir la mainmise des Européens sur toutes les entreprises publiques. En effet, face à un bey, impatient de trouver rapidement de l'argent, un véritable commerce de concessions s'est engagé avec les consuls français, anglais et italien. Dans une lutte acharnée, appuyés par leurs gouvernements respectifs, ils tentent de mettre en tutelle la Régence. Roustan dès son arrivée va se heurter à Maccio, le représentant italien et à Wood, consul anglais depuis 1860.

Tout d'abord ami du premier ministre Khéreddine, Roustan va se détacher de lui lorsque celui-ci essayera en vain de replacer la Tunisie sous la suzeraineté turque pour freiner les "appétits européens", c'est ainsi qu'il facilitera sa destitution en 1878 et son remplacement par Mustapha ben Ismail, intriguant et "mignon" du bey. S'appuyant sur ce dernier, le consul français va obtenir de nombreux marchés pour des sociétés françaises comme les chemins de fer, le télégraphe, le port de Tunis à partir de 1879. Profitant du départ du consul Wood, il enlèvera de justesse à ce dernier le monopole d'une banque avec le groupe Pereire. A Paris, Roustan poussait le gouvernement hésitant à profiter d'un incident pour intervenir, ayant l'aval de Bismarck. Cet incident se présenta dès 1880 : les incursions et les razzias des tribus kroumirs dans l'Est algérien, incursions que le bey ne pouvait fil empêcher, ni punir.

Critiqué par la gauche française emmenée par Clémenceau, bafoué dès le début de l'expédition par Rochefort, le directeur de l'Intransigeant, une campagne de presse est dirigée contre Roustan dès l'intervention française en avril 1881 l'accusant faussement de tripotage et prévarication. Cette opposition se conforta devant la nécessité d'une deuxième intervention armée durant l'été après le traité de Kassar Saïd le 12 mai, traité dont il avait été le principal inspirateur.

Cette situation difficile, mal supportée par le consul malgré une large pacification de la Régence dès l'automne 1881, l'amena à porter plainte contre Rochefort devant la justice. Malgré les efforts de nombreux amis, le directeur de l'Intransigeant fut acquitté. Cependant Roustan resta aux yeux du gouvernement français l'homme qui avait assuré à la France une position prédominante dans la Régence et qui avait préparé la voie du Protectorat. Ses principaux soutiens à Paris avaient été Jules Ferry, Gambetta, le baron de Courcel au Quai d'Orsay, tandis qu'en Tunisie il avait trouvé dans le cardinal Lavigerie un conseiller et un ami.

Le 18 juin 1882, Roustan quittait la Tunisie et se voyait offrir en récompense le poste d'ambassadeur à Washington au titre de ministre de première classe. Durant sa mission, il dirigea les travaux de la commission d'arbitrage entre la Colombie et le Costa-Rica. Le 5 août 1891, il était nommé ambassadeur à Madrid. Il prit sa retraite le 19 avril 1894 et décéda à Paris en 1906.

François ARNOULET

 

Bibliographie succincte:

 

- Jean Ganiage 1968 - Les origines du Protectorat français en Tunisie.

- François Arnoulet 1985 - Tunisie 1881

 

 

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