Lionel

Balout

 
 

Nantes, 1907

Port-Marly, 1992

Grand Africain, humaniste à la langue élégante et sûre, artiste délicat, homme très sensible sous une apparence rigide, Lionel Balout joua un rôle éminent dans l'étude de la préhistoire nord-africaine

Lionel Balout était membre de la Commission d'histoire et d'archéologie de l'Afrique du Nord depuis janvier 1957. Son installation à Paris lui permit de participer régulièrement à ses réunions dont il appréciait l'atmosphère et les travaux. Il avait en effet conservé de ses études à la Sorbonne, de son mémoire de diplôme d'études supérieures préparé sous la direction de Jérôme Carcopino, et de son séjour en Algérie, un grand intérêt pour l'antiquité classique. C'était un musicien éclairé, un humaniste, appartenant à cette catégorie de préhistoriens pour qui la préhistoire est bien le début de l'histoire de l'homme, une partie de l'histoire, même si les méthodes de recherche sont différentes. A cause de son âge et de problèmes de santé, il avait demandé en décembre 1990 à être admis à l'honorariat.

Né dans une famille de musiciens, il sera de 1928 à 1930 professeur au lycée Malherbe de Caen après des études secondaires à Paris et la licence d'histoire et de géographie en Sorbonne avec Jérôme Carcopino, Emmanuel de Martonne et Pierre Renouvin. Reçu deuxième à l'agrégation d'histoire et de géographie en 1932, il est nommé en 1933 professeur au lycée d'Alger et le restera jusqu'en 1947, en dehors des années de guerre durant lesquelles il exerça de délicates fonctions au sem des services du gouvernement provisoire.

Ses cours au lycée d'Alger étaient particulièrement vivants. Lionel Balout savait initier ses élèves aux problèmes ardus de la géographie générale: phénomènes glaciaires, chronologie des terrasses fluviales et du quaternaire marin. Son humanisme lui permettait d'élargir les vues de ses élèves jusqu'aux connaissances musicales et à l'histoire de la musique.

Initié à la préhistoire par son beau-père André Ragout sur des chantiers charentais, il restera fidèle à Vilhonneur, y dirigeant une véritable école de fouilles, d'abord pour ses étudiants algérois puis pour ceux de Paris. Là, comme à Alger et à Paris, il fut secondé par la présence constante de Mme Balout. Mais c'est à l'Afrique, plus particulièrement à l'Algérie et au Sahara, qu'il consacra l'essentiel de ses travaux, appliquant pour la première fois à ces régions des méthodes scientifiques rigoureuses, basées sur la chronologie du quaternaire, la paléontologie, l'archéologie préhistorique, notamment la typologie. Après avoir étudié la préhistoire du littoral algérois, en particulier celle du confluent des oueds Kerma, il appliqua ces méthodes à l'ensemble de la préhistoire nord-africaine avec sa thèse sur la Préhistoire de l'Afrique du Nord. Il consacra sa thèse complémentaire à l'inventaire des hommes préhistoriques du Maghreb et du Sahara. Nommé à la faculté des lettres d'Alger en 1948, il deviendra maître de conférences puis en 1958 professeur titulaire, et de 1959 à 1962, le dernier doyen de la faculté française des lettres et sciences humaines d'Alger dans des circonstances difficiles et souvent dramatiques. Il joua en outre un rôle important à l'Institut d'études philosophiques et à l'Institut de recherches sahariennes de cette université.

Chargé de mission pour la préhistoire à la direction des Antiquités de l'Algérie en 1948, il crée un laboratoire d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques au musée du Bardo. Ayant été le premier à le fréquenter, je peux témoigner de ses débuts modestes et difficiles dans un musée fermé depuis 1939. C'est là toutefois que se concentrent autour de Lionel Balout les activités de recherche, la bibliothèque, les publications scientifiques avec la création des Travaux du laboratoire du musée du Bardo, puis la direction de la partie préhistorique de Libyca, la réorganisation et la réouverture du musée du Bardo. Lionel Balout en devint le conservateur en 1955 ; il sera nommé à la même époque Directeur du Centre algérien de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques qui venait d'être créé par le gouverneur général Jacques Soustelle sous l'impulsion de Denys Rols. En 1952, il organisa à Alger, à la suite du XIXe Congrès géologique international, le IIe Congrès panafricain de Préhistoire. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale il était possible de comparer les résultats obtenus dans la préhistoire nord-africaine et d'examiner les relations possibles du Maghreb avec le reste de l'Afrique. Il participera activement aux autres congrès panafricains, ayant été notamment vice-président des congrès des Canaries (1963) et de Dakar (1967).

Ces différentes tâches ne l'empêchèrent pas de poursuivre ses recherches :

  • fouilles des gisements de l'Algérois et en dernier lieu des Allobroges

  • fouille de l'escargotière capsienne d'Ain Dokkara (Constantinois) qui livra un squelette méditerranéen distinct de l'homme de Mechta-el-Arbi

  • site paléolithique de Champlain (Algérois)

  • gisements sahariens de l'erg Tihodaïne et du Tademaït.

Il organisa les campagnes successives de fouilles à Ternifine, dirigées par Camille Arambourg et en étudia l'industrie. Il sera en outre l'un des premiers préhistoriens à avoir reconnu l'importance des charbons préhistoriques. Il s'intéressa au processus de l'hominisation et à l'intelligence des hommes préhistoriques. Il reconnaîtra plus tard le caractère mousterien de l'industrie marocaine du djebel Irhoud. Il sera particulièrement attentif aux problèmes des relations préhistoriques entre l'Afrique et l'Europe ainsi qu'à l'origine de la navigation.

En 1962, Lionel Balout est nommé professeur de préhistoire à la chaire spécialement créée pour lui au Muséum national d'Histoire naturelle. Il succède en même temps à l'abbé Breuil, dont il se montre le digne continuateur, à l'Institut de Paléontologie humaine; il en sera le directeur de 1973 à 1981. En 1972, il devint administrateur du Musée de l'Homme.

Tout en occupant une place importante dans l'administration de la recherche préhistorique en France (membre de la commission permanente du Conseil supérieur de la recherche archéologique, de la Commission des fouilles et missions archéologiques du ministère des affaires étrangères de 1969 à 1977, membre du comité national du C.N.R.S., directeur de laboratoire à l'École des Hautes Études en 1965, rédacteur en chef de L'Anthropologie de 1967 à 1982), il continua à s'intéresser activement à la préhistoire africaine. Afin d'établir l'unité de la terminologie et de la nomenclature préhistorique en Afrique, il créa et dirigea les Fiches typologiques africaines. Il faudrait signaler aussi ses nombreuses missions en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Sénégal, au Tchad, en Éthiopie et en Égypte. Son rôle à l'Union internationale des Sciences préhistoriques et protohistoriques fut très important, il siégera dès 1948 à son conseil permanent, sera élu en 1964 au comité exécutif et présidera l'Union de 1971 à 1976, jusqu'au congrès de Nice qu'il organisa avec Henry de Lurnley.

Il faudrait également évoquer son enseignement clair, rationnel, son influence sur de nombreux étudiants français et étrangers, ses conférences et ses interventions radiodiffusées.

C'est à lui que le gouvernement égyptien confia la responsabilité de traiter à Paris la momie de Ramsès II et de coordonner les différents examens et interventions nécessaires.

Avec Lionel Balout disparaissait un éminent préhistorien dans la lignée de l'abbé Breuil.

Georges Souville
Directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.

 

 

 

Titres et hommages

 

Lionel Balout fut l'objet de nombreuses distinctions: officier de la Légion d'honneur, commandeur des palmes académiques, chevalier du Mérite saharien et des Arts et grand officier de l'Ordre national du Sénégal, officier de Saint-Charles de Monaco, membre d'honneur de l'Académie d'Aix et de l'American School of Prehistoric Research, membre correspondant de l'Institut italien de Paléontologie humaine, etc. Il fut particulièrement sensible à la parution en 1981 d'un volume d'hommages auquel collaborèrent quarante-quatre chercheurs, élèves ou collègues appartenant à dix pays

différents Cet ouvrage était précédé d'une belle préface du président Léopold Sedar Senghor dont je citerai les premières lignes : " Le professeur Lionel Balout a bien mérité de l'Afrique, et il est normal, à l'heure où il prend sa retraite, qu'un Africain lui exprime la gratitude d'un continent auquel il a consacré la meilleure part de ses activités ". A l'occasion de cette retraite, la monnaie de Paris émit une belle médaille de L. Balout due au talent de Paul Belmondo.

 

 

Bibliographie

 

Bulletin archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (C.T.H.S.), nouvelle série. Afrique du Nord, fasc. 23, p. 7-10, Paris 1994.

 

Ses œuvres

 

Les ouvrages et les articles du Doyen Balout parus dans des périodiques, sont si nombreux que nous ne pouvons les énumérer. Dans l'hypothèse où nos lecteurs souhaiteraient avoir des précisions sur des sujets relatifs à la préhistoire nord-africaine, nous tenons à leur disposition la liste exhaustive des études publiées et leurs références.

 

 

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