René

Bourgeon

 
 

Saint-Arnaud 1912

Nice 1996

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme beaucoup de "vrais" grands hommes, ce chirurgien d'Algérie était un modeste. Il reste, pour tous ceux qui l'ont approché, un exemple important.

René Bourgeon est né le 23 août 1912 à Saint-Arnaud, gros village agricole du Constantinois, proche de Sétif.

Il est le deuxième enfant d'un jeune fonctionnaire des Domaines, originaire des confins de la Bourgogne et de la Champagne, qui, après son affectation à Saint-Arnaud, s'est marié à l'une des filles de l'administrateur de la commune mixte (Les Eulmas) ; ce dernier et son épouse sont eux-mêmes nés l'un à Constantine, l'autre à Bordj Bou Arreridj dans des familles originaires d'Alsace, de Flandre, de Bretagne et d'Auvergne, et font vivre les leurs dans une chaude convivialité.

René donc grandit à Saint-Arnaud et Bordj Bou Arreridj. Il poursuit ses études comme pensionnaire au lycée de Constantine, puis au lycée Bugeaud à Alger.

Sa vocation éveillée très tôt au contact de son oncle Marcel Roux, vétérinaire, le conduit à la Faculté de Médecine d'Alger. Les succès universitaires s'enchaînent sans heurt. Nommé à l'Internat des hôpitaux en 1933, René Bourgeon opte pour la chirurgie et commence sa formation auprès de maîtres, dont les principaux resteront les Professeurs Henri Constantini et René­Marcel de Ribet.

Appelé à accomplir ses obligations militaires en 1937, il est encore sous les drapeaux au moment de la déclaration de guerre de 1939 et se trouve affecté à la défense de la ligne Mareth en Tunisie jusqu'à sa démobilisation à l'automne 1940.

Il vient alors, en avril 1940, d'épouser Simone Vidal, sage-femme en chef à la Clinique Solal ; celle-ci abandonnera sa propre vie professionnelle pour se consacrer à son mari, le soutenir à toutes les étapes de sa carrière, élever passionnément leurs enfants, André et Marie-Laure, nés en 1941 et 1942. Novembre 1942, René est rappelé comme officier de réserve du Service de Santé et versé dans le Corps expéditionnaire qui va constituer le fer de lance de la première armée française. Affecté à la formation chirurgicale mobile n? 2 (Madame la Générale Catroux), il se distingue au cours des campagnes d'Italie, puis de France, par son dévouement aux blessés auxquels il consacre une compétence, un courage et une générosité qui font l'admiration de tous. Plus

tard, il sera en mesure de présenter à l'Académie de Chirurgie son expérience personnelle de 152 opérations de plaies abdominales de guerre. Sa conduite lui vaut plusieurs citations ainsi que la Croix de Guerre, la Légion d'Honneur et la " Bronze star medal ".

Démobilisé en 1946, René Bourgeon retrouve la vie professionnelle civile avec le retard dans sa carrière imposé par son devoir militaire. C'est avec l'enthousiasme d'un jeune homme qu'il reprend la préparation des concours hospitaliers et universitaires, encouragé par ses maîtres qui ont reconnu en lui un être d'exception. En 1949, il est nommé à la fois à l'agrégation d'anatomie et au chirurgicat des hôpitaux. L'année suivante, il prend la direction de son premier service hospitalier à l'hôpital Parnet à Hussein-Dey. Sa réputation de diagnosticien et d'opérateur, aussi efficace que brillant, se répand rapidement à Alger et au-delà. De plus en plus sollicité, il fait face avec une souriante gentillesse, à toutes les demandes dont il est l'objet, réussissant, toujours sans effort apparent, à concilier l'enseignement à des étudiants, la direction d'une équipe hospitalière composée pour l'essentiel d'anciens compagnons d'armes, le travail quotidien de recherche au laboratoire d'anatomie et le développement d'une clientèle qui sera bientôt la première d'Algérie.

En 1951, il organise à Alger, avec son maître Constantini, le premier Congrès mondial du " kyste hydatique " qui connaîtra un grand retentissement international (Film privé aux Entretiens de Bichat en 1964 sur la périkystectomie dans le traitement du kyste hydatique du foie). Parallèlement, il développe ses propres recherches sur la pathologie du foie et des veines du système hépatique. Pionnier de nouvelles techniques chirurgicales comme l'anastomose porto-cave, il sera ainsi l'un des tout premiers chirurgiens dans le monde à réaliser une hépatectomie réglée, c'est-à­dire une amputation partielle du foie (Hépatectomie réglée pour kystes hydatiques. XVIe Congrès International de Chirurgie Copenhague 1955).

Très rapidement, il est nommé professeur titulaire de la chaire d'anatomie et de chirurgie expérimentale. Peu après, il rejoint l'hôpital de Mustapha pour prendre la tête du service installé dans le pavillon Lisfranc. A la fin des années 50, il devient professeur de clinique chirurgicale. Mais la violence qui s'installe en Algérie le confronte à nouveau à la chirurgie de guerre. Engagé dans une résistance à un impensable abandon, il accepte en 1961 la présidence du Conseil départemental de l'Ordre des médecins, fonction dans laquelle il sera mieux à même de contribuer à la défense de ses confrères algérois et de ses collègues de l'Université d'Alger. Contraint de quitter son Algérie natale en 1962, René Bourgeon, qui a été rattaché par le Ministère de l'Education nationale à la Faculté de Médecine de Poitiers, puis de Marseille, choisit d'installer sa famille à Nice et d'ouvrir un cabinet de chirurgie dans cette ville. Au prix d'incessantes navettes entre Nice, Marseille et Paris, où il occupe pendant de longs mois les

fonctions de conseiller technique auprès du Ministres des rapatriés, il forme l'ambitieux projet de créer à Nice une Ecole de Médecine. Il met également en chantier la construction de la Clinique Saint-Georges, clinique chirurgicale moderne qui, à l'époque, fait défaut à Nice.

A la rentré universitaire de 1969, l'Ecole de Médecine de Nice est solennellement ouverte. La même année, la Clinique chirurgicale Saint-Georges est inaugurée. René Bourgeon a réussi ses deux projets. Elu premier doyen de cette jeune école de médecine, il en obtient rapidement la transformation en Faculté de plein exercice, et, en 1969, parvient à l'installer dans des murs dont il a conçu les plans et obtenu au prix d'énormes efforts, la construction à proximité de l'hôpital Pasteur.

Son service hospitalier lui a permis de reprendre ses travaux de recherche et de regrouper autour de lui des élèves. Si aujourd'hui deux équipes niçoises réalisent des greffes du foie, elles sont toutes deux issues de son service. L'une d'elles est dirigée par son fils, le professeur André Bourgeon.

Dix ans ont passé depuis l'inauguration de la Faculté de Médecine de Nice, lorsque René Bourgeon, atteint par la limite d'âge, doit prendre sa retraite en 1981. Chacun sera admiratif devant la sérénité avec laquelle il pose son bistouri et cesse définitivement d'opérer. Il renonce, sans effort apparent, à ce qui a été l'intérêt de toute sa vie. La reconnaissance de toute la communauté chirurgicale française le

conduit à la Présidence du 8Se Congrès de l'Association Française de Chirurgie à Paris en 1983. Il est également président de l'Union Médicale Latine Méditerranéenne. Son dynamisme est intact. Ses convictions, toujours aussi fortes. Il les met au service de la défense et de l'illustration de la culture française en Algérie. Il préside le Cercle Algérianiste de Nice et organise des rencontres, choisit et recrute des conférenciers. Il s'engage dans la création de documents audio-visuels, notamment· sur les Harkis et leurs familles, ces oubliés de l'histoire, mais aussi sur l'espace méditerranéen occidental, dont il s'attache à illustrer les spécificités. En novembre 1994, il organise à Nice le Congrès national des cercles algérianistes.

Mais 1995 sera l'année terrible. Il perd à la fois son gendre, le docteur Hugues Isman, et son épouse Simone, qui fut toujours présente à ses côtés dans les bons, comme dans les mauvais moments. Pour la première fois, René Bourgeon est comme foudroyé, et un an seulement après son épouse, il disparaît à son tour le 4 novembre 1996. Homme généreux, toujours soucieux de l'autre, obtenant tout sans jamais rien exiger, tenace jusqu'à l'opiniâtreté, courageux jusqu'à l'héroïsme, souriant dans l'effort le plus difficile, cet homme si simple, était un grand seigneur.

 

O.G.

D'après les hommages rendus par les professeurs Gunz à l'Académie de chirurgie,

le 7 mai 1997, et Scotto, au Salon des écrivains algériens. à Antibes le 23 mai 1997.

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

- Dr Roger Aquilina - In Memoriam : le Pr René Bourgeon. Sétif n° 102 Déc. 1996

- Pieds Noirs magazine n" 86 Janvier 1998

 

 

PARMI SES ŒUVRES

 

- Plus de 500 publications concernant tous les aspects de la pathologie chirurgicale avec une mention particulière pour le traitement des maladies du foie.

- De nombreuses monographies, ouvrages, films et traités (encyclopédie médico-chirurgicale, traité de techniques chirurgicales Masson 1968.

 

CONFERENCES, ARTICLES, VIDEOS * Le corps expéditionnaire français :

- Médecins combattants au cours de la libération de la France, mai 1992.

- Trois inoubliables nuits de l'armée d'Afrique.

* Les Harkis :

- Choisir la France pour les Harkis, octobre 1991.

- Guerre et paix avec les Harkis, août 1991.

- Les Harkis et la France, janvier 1992.

- Connaître les Harkis, (vidéo) 1993.

* L'identité algérienne :

- La terre et les hommes, janvier 1991.

- A la mémoire des Africains voués à la Libération de la France, 1993.

- Du Français d'Algérie au Pied Noir: identité biologique et histoire, décembre 1990.

- Quel homme est le Pied Noir? mai 1991.

- Hommage à l'action civique de l'Armée d'Afrique (exposition Nice), 1994.

* L'histoire de la médecine :

- La culture médicale méditerranéenne : leçons de son histoire, son avenir, janvier 1987.

- Alger: culture médicale ou barbarie? octobre 1998.

- Les Curtillet : une admirable lignée chirurgicale.

 - La faculté de médecine d'Alger (Conte). - Nice et sa médecine, 1988.

- XXIème, anniversaire et histoire de l'école de médecine de Nice, avril 1989.

* Méditerranée:

- Espace méditerranéen occidental : mémoire des peuples et développement, septembre 1995 (vidéo).

- La Méditerranée et son espace, septembre 1996 (vidéo).

 

 

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