Georges

Sicault

 
 

Tunis, 1905

Paris, 1981

  

Puissent les jeunes Marocains issus de nos Facultés, venir prendre chaque année une plus large part à l'œuvre de Santé Publique ! Alors, sur cette terre marocaine, magna parens frugum (gorgée des fruits à venir), notre labeur fera naître les plus riches moissons.

Georges Sicault, 1955

 

Georges Sicault est né à Tunis le 14 mai 1905. Son père, Firmin Sicault, dont les parents, ouvriers agricoles, étaient fort simples, fut remarqué pour sa soif d'apprendre, par le curé du village des Deux-Sèvres où il allait à l'école, qui lui apprit le latin et le grec et le poussa avec tant de diligence qu'il en fit un professeur de lycée. Firmin Sicault fut nommé à Tunis au lycée Carnot, professeur de français et d'histoire de Rome. C'est ainsi que les membres de la famille Sicault devinrent " Pieds Noirs" ou plutôt Français d'Afrique du Nord.

Georges mena de brillantes études au lycée Carnot, cela allait de soi; il obtint son baccalauréat à l'âge de seize ans. Son rêve, devenir médecin ; des études bien longues et bien coûteuses pour un humble traitement de petit professeur ! Soit ! mais il devrait obtenir "les bourses" accordées seulement aux bons élèves de famille modeste. Six ans d'examens et de concours brillamment remportés à la Faculté de Médecine de Bordeaux, un internat gagné haut la main, c'était de quoi forger un caractère pour lequel l'échec représentait une catastrophe.

Devenu médecin avec la spécialité de pédiatre, entre l'Ecole de Santé Navale et "les colonies" il dut choisir. Il partit pour le Maroc où la SHP (Santé et Hygiène Publiques) recrutait des jeunes praticiens. Un an après son arrivée, revenant d'une tournée dans le bled où, sans équipement spécial, il devait gérer une épidémie de rougeole, il s'alita avec des symptômes inquiétants: fièvre intense, atroces maux de tête, éruption généralisée, le fameux exanthème, à n'en pas douter, c'était le typhus, dont on avait peu de chances de guérir. Plongé dans un coma profond, il reçut à titre posthume la Médaille d'Or des Epidémies. Le docteur Marianne Langlais, la célèbre toubiba des Groupes Sanitaires Mobiles, était de passage, elle résolut de le sauver-, le portant dans ses bras pour lui administrer des bains pour faire tomber la température, obstination et dévouement extraordinaire de ces officiers de santé ! Il survécut et put mener une carrière au service de ces populations pour lesquelles il était venu.

D'abord directeur du Service Antipaludique (le paludisme était foudroyant à cette époque dans certaines régions du Maroc dont la plaine du Kharb et la région de Rabat) , il fut ensuite nommé directeur de l'institut d'Hygiène qui regroupait l'étude des problèmes d'hygiène et d'épidémiologie (cancer, lèpre, syphilis, trachome, tuberculose). Mais c'est à la Direction de la Santé publique et de la Famille, de 1946 à 1956, date de l'indépendance, qu'il exerça le mieux ses qualités d'organisation et de dévouement au service public. Il avait rajouté le mot "famille" au titre de l'institution : en effet, Georges Sicault pensait depuis toujours qu'une politique de santé efficace passait par la protection de la mère et de l'enfant. Ce n'était pas une visée politicienne mais une logique et une éthique personnelle qui l'amenaient à privilégier l'enfant. Avec une équipe admirable de pédiatres et d'assistantes sociales, il créa au Maroc la Protection Maternelle et Infantile qui avait déjà existé en Angleterre sous le nom de Maternal children Health, et que de Gaulle avait voulu instaurer en France en 1946. Ce fut une réussite et pour la première fois, un plan remarquable de service médicosocial.

Le professeur Robert Debré, l'éminent pédiatre (et père de l'ancien premier ministre Michel Debré) avait suivi cette action avec beaucoup d'intérêt. C'est pourquoi, il demanda à Georges Sicault d'accepter un poste de direction à l'U.N.LCE.E à New York. L'aventure marocaine était finie, "le vent de l'histoire" avait soufflé vers l'indépendance du pays.

Il fut donc nommé Directeur Général Adjoint pour l'Europe, l'Afrique et l'Asie, de l'UNICEF qui multipliait alors les campagnes de vaccinations, d'hygiène de l'habitat, d'assainissement des points d'eau et de prophylaxie, dans toutes ces régions. Il était, aux dires du personnel anglophone de l'institution, "the right man in the right place".

Comme beaucoup d'autres, Georges Sicault n'avait cure d'être un levier d'une politique dite "colonialiste", il tendait ses efforts vers l'amélioration de la condition physique, morale et mentale des hommes et des femmes qu'il prenait en charge. Comme pour beaucoup d'autres, son sens de l'humain a fait de lui un agent du rapprochement des civilisations. Comme tant de médecins dans les pays en voie de développement, il a apporté dans ses relations avec les populations " cette parcelle d'amour, ce don de sympathie " dont parlait Lyautey1.

On a pu tout à fait lui appliquer ces phrases de Franciscain du père Lequeux : « Accepte de défricher toujours et de t'en aller à l'heure où, les ronces ayant été arrachées, le semeur viendra, d'un geste joyeux, jeter le grain dans le sillon que tu auras creusé. Et si le défricheur est oublié, si, le jour de la moisson, on ne t'appelle pas pour partager l'allégresse du festin, ne te plains pas ! Et va là-bas, dans la brousse, préparer la voie aux semeurs et aux moissonneurs de l'avenir. »

Marie-Claire Micouleau

 

1. - Voir la biographie de Lyautey dans Les Cahiers d'Afrique du Nord, N° 11.

Bibliographie:

Combats en urgent. Médecins fraZJ1çais, sous le Protectorat du Maroc 1912-1956. Marie-Claire Micouleau-Sicault.

Ed. L'Harmatan, Paris, 2001.

 

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