René-Jean

Clot

 
 

Ben-Chicao (Algérie), 1913 Versailles, 2000

Le mot tourmenté est celui qui s'applique le mieux à cet écrivain, à ce peintre qui a laissé une œuvre importante, renommée dans le monde tant littéraire qu'artistique, sinon dans le grand public.

C'est Jules Roy qui a dit de René-Jean Clot: "avec un soleil et une lune dans son ciel, Clot tourne à travers les espaces infinis". Ce raccourci saisissant définit assez bien le génie de cet homme double. Double, Clot l'a été presque toute sa vie. Amoureux de la couleur, de la sombre couleur, des mots qui laissent des traces comme sous un pinceau, des traces, des mots qui disent des histoires de souffrance, de douleur et de chagrin. Toute sa vie il hésitera entre la plume et le pinceau. Ou plutôt, il a utilisé les deux pour une imagination tourmentée.

Il est né en 1913, à Ben Chicao dans l'Ouarsenis. Très jeune, son père étant mort à Verdun en 1917, il est élevé par sa mère à qui il voue un véritable culte et qui semble être pour lui le seul point d'ancrage dans la tourmente de son œuvre. La présence du mal, plus même du Diable, de Satan fait parfois peur, en particulier dans sa peinture. Sa jeunesse se passe à Alger où sa mère a obtenu un poste à la mairie. Il fait des études classiques et se lie avec le libraire-éditeur Edmond Charlot. Il rencontre aux Vraies Richesses ceux qui deviendront ses amis :

Albert Camus, Emmanuel Roblès, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, entre autres.

Mais Paris exerce sur lui une attraction irrésistible. Il n'écrit pas encore, sauf quelques poèmes, mais il peint et il décide d'aller tenter sa chance en métropole. En 1935 il s'installe à Paris dans un petit atelier rue Delambre, suit des cours de dessin à la Grande Chaumière, écrit des poèmes. Il est élève de Gromaire, d'Otton Friez. Il s'épuise dans le travail et ne tarde pas à tomber malade. En 1936, il repart vers Alger, vers sa mère. A peine rétabli, il reprend ses activités, la peinture, l'écriture. Il collabore à des revues, Esprit, Cahiers du Sud, Art et prépare un nouveau départ pour Paris où il va, dès 1937 se lancer dans la peinture à corps perdu.

A cette époque, il n'a publié chez Charlot, chez G.I.M. que deux recueils de poèmes, très remarqués et récompensés. Il écrira plus tard, à propos des espoirs que Jean Paulhan, Jules Supervielle ou Michaux avaient mis en lui : "ils croyaient en ma poésie. Je n'ai pas tenu parole, je me suis mis à peindre". L'écriture viendra ensuite, beaucoup, toujours avec déchirement mais talent.

Il refait un séjour à Alger de 1938 à 1945 au cours duquel il se marie. Il aura cinq garçons et une fille, sources d'amour, de souffrances, de questions. En 1939, il entre au comité de lecture de la nouvelle revue Rivages. Mais il est mobilisé au 19ème Génie à Hussein-Dey. En 1942 il est appelé par Jacques Soustelle comme contrôleur des émissions de la France Clandestine. Puis, en 1943, il part comme peintre sur les traces de la colonne Leclerc, au Nigéria, au Tibesti, en Lybie. Il dessine et peint beaucoup, il écrit aussi et publiera à Alger, en 1948 Un Bagne noir à Tessalit, l'année même où paraîtra son premier roman Le Noir de la vigne (Gallimard). Une exposition sera organisée en 1945 au Musée des Colonies. Les éditions Rombaldi publient Paysages africains, ouvrage préfacé par le général Leclerc.

Malheureusement, René-Jean Clot, dès 1945, a détruit systématiquement tous ses tableaux africains, comme il le fera plus tard pour d'autres œuvres, en éternel mécontent de ce qu'il fait. Toujours partagé entre ces deux passions, l'écriture et la peinture, il disait: "Je vais vous confier un secret. En littérature, j'écris sous la dictée. Très jeune, j'étais un médium ... Je sais que je peux être facilement en contact avec le surnaturel. Dans la peinture, au contraire, je fais un effort, je souffre".

En 1946 il part à Versailles avec sa mère. Il est professeur de dessin de la Ville de Paris puis professeur d'esthétique au Centre du Professorat des Dessins de la Ville de Paris et surtout il peint et il écrit sans arrêt. L'Algérie sera bien présente dans son œuvre même si son pays n'est pas toujours le sujet de ses livres. Son inspiration hallucinée, tourmentée, partage la critique. Mais des prix littéraires récompensent son œuvre.

En 1965, il décida de se consacrer exclusivement à la peinture. Néanmoins il se remet à écrire, des nouvelles, des pièces de théâtre, des romans, des essais. Des cinéastes comme François Truffaut, comme René Clément s'intéressent à son œuvre, en achetant même les droits d'auteur mais n'en tirent aucun film. Jusqu'à sa mort, à Versailles, René-Jean Clot mènera une vie heurtée, en perpétuel conflit, toujours en équilibre avec son intelligence aiguë, son indiscutable talent. Ses œuvres ne sont ni simples ni sereines. Elles dérangent, choquent mais ne laissent jamais indifférents, suscitent l'interrogation, parfois jusqu'à l'épouvante et y découvrir le mal à l'état pur, comme inévitable, inquiétant malgré certaines plages, certaines éclaircies inattendues et presque insolentes. C'est un personnage attachant qui mérite une meilleure approche.

Jeanine de la Hogue

 

Bibliographie succincte:

* Cahiers bleus, revue dirigée par Dominique Daguet. Numéro spécial sur le peintre et l'écrivain René-Jean Clot.

* Le Bénédit article sur René-jean Clot.

* Clot le solitaire. Jean Leymarie. Ed.

Dupont (l'Amour de l'Art).

* René-jean Clot ou de la puissance. Enrico Terracini. Ed. Charlot, Alger, 1937.

* Peintres d'mgourd'hui. Bernard Dorival.

Ed. Nathan.

* La peinture actuelle. Michel Fleurisonne.

Ed.Tisné, Paris.

* Lauréat de la Mission Tchad - Tibesti ­Fezzan.

* Expositions au Musée des Colonies, aux Galeries Claude et Soleil, au Festival de Troyes, à l'Archer Imaginaire à Lourdes, chez Jacques Massol à Paris, à Chamalières avec le groupe Comparaison, à Montpellier, à Toulouse.

 

Parmi ses œuvres :

* René Jean-Clot a écrit, pour l'ouvrage Des Chemins et des Hommes publié par Mémoires d'Afrique du Nord, chez Curutchet, une préface d'une grande sensibilité.

* Le Poil de la bête, Gallimard, 1951.

Prix des Deux Magots.

* Un Amour interdit. Grasset. Prix de la société des Gens de Lettres.

* L'Enfant halluciné. Grasset, 1987. Prix Théophraste Renaudot.

* La peinture aux abois. François Boursin, 1989. Prix de l'Académie Française.

 

 

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