Pierre

Bertholle

 
 

Wassy 1881

Chambon-sur-Lignon 1977

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SFAX, les remparts

 

 

 

Pierre Bertholle fut une grande figure du protectorat français en Tunisie. Son père, magistrat, exerça ses fonctions à Chaumont, Saint-Dizier, Barcelonnette et termina sa carrière comme vice-président du tribunal de Céret, dans le Roussillon.

A dix-neuf ans, Pierre Bertholle dut interrompre ses études de droit pour raison de santé et aller se soigner en Tunisie, à Thala, où le mari de sa sœur aînée était conducteur des travaux publics. Il fit son service militaire à Bizerte. Le grade de sous-lieutenant d'artillerie lui ouvrit la porte des contrôles civils au niveau modeste d'attaché de chancellerie. Ayant subi avec succès les épreuves du brevet d'arabe, puis celles du diplôme supérieur, en trois concours successifs brillamment enlevés, il fut nommé contrôleur civil suppléant et, à vingt-neuf ans, chef de poste à Tabarca, puis adjoint à Bizerte.

A la déclaration de guerre, en 1914, le résident général Alaperire exigea son maintien dans les cadres pour lui confier le poste de Thala. En 1917, il l'appela à contrôler la section d'Etat, c'est-à­dire l'administration du Premier ministre, emploi qui requérait d'éminentes qualités. C'est dans ces fonctions qu'il devint, sous l'autorité du résident général Lucien Saint, un des promoteurs des réformes de 1922. Le contrôle civil de Sfax, érigé en chef-lieu de région, lui fut alors confié. Là, pendant dix ans, ce grand administrateur libéral, ce spécialiste des affaires tunisiennes délicates, devait donner toute sa mesure. L'économie régionale fit des progrès considérables sous son impulsion, de même que l'action sociale; visitant deux fois par semaine les pestiférés, il contracta la terrible maladie, ce qui lui valut la médaille d'or des épidémies. En 1933, le résident général Peyrouton le rappela aux affaires au niveau du gouvernement en le nommant inspecteur général des contrôles civils. L'année suivante, il lui donna des pouvoirs sans précédent: délégué à l'administration tunisienne, membre du Conseil des ministres, il coiffait les contrôles civils, l'administration caïdale et la sécurité publique, c'est-à-dire l'ensemble de l'administration territoriale.

Un nouveau résident général crut devoir défaire cette puissance et cette organisation. Il envoya Bertholle au contrôle civil de Tunis, et peu après, le réintégra dans ses fonctions d'inspecteur général des contrôles civils. Mais sa personnalité dépassait le cadre de ce seul emploi. Il eut un rôle privilégié auprès de l'ambassadeur Labonne (1938) dont il comprenait la pensée visionnaire et le seconda dans ses grands desseins à l'approche de la guerre de 1939-1940. Il dirigea aussi les services d'information auxquels le commandement militaire en Afrique du Nord attachait une particulière importance. Il est à souligner qu'il fit valoir comme nul autre les aptitudes des jeunes agents qu'il poussa souvent vers des postes de responsabilité.

Par une mesure brutale, le gouvernement de Vichy le mit à la retraite en 1941. Comme il fut atteint d'un glaucome qui allait le conduire à la cécité, il ne put être réintégré à la Libération. Mais il restait le chef prestigieux que Français et Tunisiens, de rang élevé ou de condition modeste, allaient voir fidèlement à son domicile, à qui ils venaient se confier et demander conseil. Son influence se prolongea de cette manière pour le plus grand bien de ce pays auquel il était attaché. Il fut président d'honneur du Rassemblement français. Il s'en désolidarisa pour fonder le Mouvement franco-tunisien de libre coopération.

Chevalier de la Légion d'honneur en 1929, officier en 1947, il fut promu commandeur en 1963.

Retiré à Nice, il s'est éteint dans sa 97e année, le 6 septembre 1977, au Chambon­sur-Lignon (Haute-Loire) où il repose. Pierre Voizard qui a été contrôleur civil en 1923 et résident général en 1953 a écrit ces lignes émouvantes sur celui qui fut « un modèle et un maître » :

« Ce qu'il y eut d'étrange er à la fois d'admirable dans ce destin hors série, c'est que, sous l'entrain er la gaieté - qui ajoutaient au charme du personnage - Bertholle cachait une existence pétrie de vicissitudes et traversée d'épreuves. Déçu parfois dans ses convictions, frappé dans ses affections les plus chères, meurtri lui-même dans sa chair, jamais il ne laissa rien paraître de ses angoisses ni de ses chagrins. Sa fermeté d'âme le plaçait au-dessus de toutes les péripéties. Le doyen de nos anciens, enlevé presque centenaire à notre amitié, était vraiment un grand monsieur. »

 

Gabriel Payre,

Paul-Hubert Le Mire

 

 

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